Toute l’histoire des États-Unis est empreinte de cette lutte pour le contrôle de la monnaie américaine qui a opposé les banquiers anglo-saxons qui dirigeaient la Banque d’Angleterre et les présidents dits « Jeffersonniens » qui voulaient défendre le principe constitutionnel.
Le Federal Reserve Act, adopté sans majorité par le Congrès en décembre 1913 a consacré la victoire des banquiers.
Du dollar monnaie domestique au dollar international.
Reprenant l’idée de faire, au début du 20 ème siècle, de la Livre sterling la monnaie du commerce mondial, la finance américaine a voulu faire du dollar le remplaçant de la livre. L’argument majeur avancé lors des discussions de Bretton Woods en 1944 était que le dollar était convertible en or, ce qui lui donnait une stabilité que ne possédait aucune des autres monnaies proposées, qui étaient toutes, y compris la livre, devenues « fiduciaires ». Cela permettait de les émettre d’une façon spéculative et sans limite, provoquant des dévaluations parfois hors de tout contrôle.
Le dollar fut donc choisi et la première étape des banquiers devenus internationaux était accomplie.
La seconde étape fut la déconnection de l’or et du dollar en août 1971, et elle était essentielle pour le futur.
Le développement du commerce international, qui était le corollaire du développement des capacités de transport nécessitait une quantité de monnaie en circulation de plus en plus grande.
L’émission des dollars, privilège devenu exclusif de la FED, se faisait en contrepartie de bons du trésor américain (US bonds), donc analogues une reconnaissance de dette. Ces dollars, purement américains, s’internationalisaient par les importations américaines et quittaient le territoire US.
Le « coup de génie » fût l’augmentation massive du prix du pétrole en 1973, moins de 18 mois après l’abandon de l’or, qui passa de 3 à 12 dollars en moins d’un an. Les « pétrodollars » ont ainsi permis d’exporter les dettes américaines qui étaient créées massivement pour le commerce du pétrole. C’était un âge d’or pour ceux qui contrôlaient la monnaie américaine (les propriétaires de la FED) qui imprimaient ces monceaux de dollars tout en faisant payer les dettes par les autres pays.
Lorsqu’on exploite un tel filon, on n’a aucune envie d’y renoncer.
Vers la fin du monopole du dollar?
L’instabilité du dollar, s’étant manifestée après sa décorrélation de l’or, provoqua des crises financières à répétition. Petit à petit, toutes les « digues anti-crises » mises en place après la grande crise de 29 et considérées comme des freins aux gains potentiels énormes, finirent par sauter.
La dernière fut l’abrogation en 1999 du « Glass – Steagall Act » de 1934, qui cloisonnait les activités bancaires, qui eut pour conséquence la crise de 2008.
Cette crise eut d’énormes conséquences et posa de multiples interrogations, parmi lesquelles la remise en question du système financier mondial qui semblait devenu hors de contrôle.
L’apparition de certains critères s’érigeant en véritables règles, comme le « too big to fail » qui induisait la notion de « banque systémique » fut très mal perçue par certains pays qui, eux, ne voulaient pas de cette dérive liée uniquement à la cupidité de la finance internationale.
On trouvait là notamment ceux qui étaient restés « vertueux » et qui avaient respecté les règles.
Leur développement industriel avait permis de remplir les caisses de leurs banques nationales qui, cas de la Chine notamment, regorgeaient de dollars. La politique des « assouplissements quantitatifs » (émissions monétaires à très faible taux, voire taux nul) risquait à terme de leur ôter toute valeur. La nécessité de changer de système commença à cheminer dans certains esprits.
2019, l’année-charnière.
Les dettes publiques ayant atteint des niveaux record, résultat de la politique « accommodante » des banquiers centraux occidentaux, leur réunion annuelle de 2019, traditionnellement fixée au mois d’août, fut assez animée. Au programme : tuer le dollar et changer de système mondial pour la monnaie, avec l’ objectif incontournable d’en garder le contrôle. Comme disait le Général, « la situation de monopole est la meilleure, surtout pour celui qui le détient »
Le discours de Marc Carney, à l’époque gouverneur de la banque d’Angleterre, est d’une clarté aveuglante. On peut le résumer par « tuer avant d’être tué et imposer avant de subir », même s’il subsiste quelques zones d’ombre dans ce projet.
Il faut prendre de vitesse ceux qui, dans l’ombre, aspirent à nous déposséder de ce privilège qui est le socle de notre puissance. La Chine est visée, mais d’autres pays également, notamment ceux qui, entre eux, s’appellent les BRICS et dont le poids économique ne cesse de grandir..
La guerre des monnaies se prépare discrètement
La crise du COVID allait mobiliser toute l’attention planétaire, et les prémisses de cette future guerre des monnaies se manifestèrent sans bruit médiatique. (Les historiens établiront peut-être une relation de causalité entre cet affrontement sur la monnaie et les évènements qui sont survenus après le mois d’août 2019 ?)
Les mesures prises pour lutter contre l’épidémie paralysèrent une partie de l’économie mondiale. Les « confinements » imposés permirent d’avancer vers le « tittytainment » envisagé par Zbignew Brzezinski et beaucoup de gens prirent goût au fait d’être payé en restant devant la télé.
Le résultat fut une augmentation exponentielle de la dette, conforme au plan Carney.
Ensuite, le relais évènementiel, à peine l’épidémie estompée, remit sur le devant de l’actualité médiatique le réchauffement climatique, quelque peu peu oublié. Avec lui, en filigrane, la taxe carbone réapparut. On commença également a reparler du « Great reset »
Visiblement, les deux projets poursuivaient leur route respective.
La guerre en Ukraine a fixé les positions des « belligérants monétaires »
C’est la guerre joua le rôle du catalyseur ou du « détonateur », terme peut-être plus adapté à une déclaration de guerre dont les médias ne parlent pas mais qui, d’évidence, risque de bouleverser le monde beaucoup plus qu’un simple affrontement territorial. Les sanctions économiques occidentales tombèrent quasi-immédiatement après les premiers tirs d’artillerie, ce qui laisse peu de place à l’improvisation. Mais surtout, la riposte russe fut fulgurante et marqua le véritable déclenchement de cette guerre des monnaies. Les transactions sur le pétrole et le gaz russes ne se feront plus en dollars. A partir le là, les choses s’accélérèrent. Les BRICS passèrent à l’offensive, le monde découvrit l’existence de la Coopération de Shangaï et, de plus en plus se répandit l’idée qu’une autre monnaie possédant, contrairement au dollar, une valeur intrinséque, allait bientôt voir le jour. Avant cela, les BRICS projetaient d’élargir leurs échanges internes et envisageaient de les dans la monnaie respective des pays.
Pensant pouvoir encore endiguer ce projet, les Occidentaux interdirent l’accès au programme SWIFT de la Russie. Visiblement, cette dernière s’y attendait et avait anticipé cette mesure.
Ensuite, il y eut le sabotage du gazoduc de la mer du Nord dont l’origine demeure inconnue, mais certainement pas pour tout le monde, surtout si on l’inscrit dans ce cadre de guerre des monnaies.
De nombreuses réunions centrées sur ce sujet se sont tenues depuis l’été 2022 du côté des adversaires du dollar ainsi qu’une intense activité diplomatique notamment en Afrique et en Amérique centrale et du Sud, destinées à faire « l’inventaire des forces en présence » c’est à dire, plus vulgairement, de « compter les troupes ».
Centrées sur le contrôle de la monnaies mondiale, deux camps s’affrontent ; le premier est celui, classique, des tenants d’un monde monopolaire qui imposerait à l’Humanité une monnaie dématérialisée et émise sur une péréquation de « droits à polluer » à acheter ou à vendre au travers d’une « bourse des échanges » (voir l’essai« Trading Emissions » publié en 2008) et qui servirait également à financer un gouvernement mondial.
Le second est en train de devenir « le reste du monde ».
De plus en plus de pays contestent l’hégémonie américaine et ils la voient comme une entrave à leur propre développement, et certains pays d’Amérique du Sud ont gardé la mémoire des « assassins économiques ».
Au niveau de la population concernée, l’Occident représente moins de 10 % de la population totale (contre 25 % en 1970) et ce n’est pas la perspective d’une économie de « décroissance » qui va grossir cette population.
Le dogme du réchauffement climatique, qui doit fournir le socle idéologique de la nouvelle monnaie est de plus en plus contesté et nous aurons probablement une passe d’armes sur ce sujet lors de la COP 28, certains pays demandant d’une manière un insistante qu’il y ait un véritable débat scientifique sur le sujet, chose qui toujours été évitée.
Enfin, sur le rapport des forces économiques en présence, le PIB des BRICS. Pondéré par le pouvoir d’achat de la population, a dépassé celui du G7. La part du dollar dans les échanges internationaux se réduit de jour en jour risque de tomber bientôt sous la barre des 50 %.
Au dernier G7, le président brésilien Lula a « tué l’ambiance » alors qu’il était invité en disant qu’il ne reviendrait pas.
Un avantage au « reste du monde » ?
Cette situation apparaît de moins en moins favorable à ce qui est communément appelé l’Occident, dont le pouvoir réside essentiellement dans les mains d’une petite élite financière anglo-américaine qui a réussi à asservir par la dette une grande partie du monde. Le projet mondialiste, dont elle était porteuse, devait faire disparaître les États-nations dont les peuples devraient obéir à un ensemble règles soi-disant « internationales » mais fixées dans son intérêt.
De cela, une immense majorité de l’humanité ne veut pas.
Assez curieusement, Emmanuel Macron pense pouvoir encore infléchir cette tendance en déployant une activité diplomatique un peu fébrile. On pourrait comprendre que, voyant tourner le grand vent de l’Histoire, il essaie de remettre notre pays dans sa condition de « puissance d’équilibre » telle que de Gaulle l’avait imaginé, mais est-ce vraiment sa motivation ?
Il est avant tout euro-mondialiste, il s’engage tête baissée dans l’économie de décroissance imposée par le dogme du réchauffement anthropique, avec des conséquences prévisibles sur notre économie.
Il parle de souveraineté, mais y-croit-t-il lui-même ?
De grandes réunions se sont organisées à Paris et ailleurs, notamment en Afrique du Sud, auxquelles il compte bien assister, mais pour dire quoi ? Il parle de proposer une autre perspective pour une nouvelle organisation de la finance mondiale, mais au nom de qui va-t-il parler ?
Du peuple français ? Il pourrait, en tant qu’élu au suffrage universel, y prétendre, mais alors il aurait dû préalablement nous exposer la situation financière actuelle.
Du peuple de l’Union Européenne? Il n’existe pas et ne peut donc pas le représenter à quelque titre que ce soit.
De l’Occident ? Encore moins probablement
A moins qu’il ne soit investi d’une mission qu’il ne voudrait pas expliciter car la sachant contraire à ce qui est appelé « l’intérêt supérieur de la Nation » dont le devoir de sa charge est justement de le défendre ? Mais peut-être l’a-t-il un peu oublié ?
Finalement, entre une monnaie purement spéculative, sans aucune valeur intrinsèque et échappant à tout contrôle populaire et une autre monnaie, possédant une valeur par elle-même et qui correspondrait aux richesses créées par les peuples, c’est quand même cette dernière qui a le plus de chances de l’emporter et elle correspond beaucoup mieux au monde multipolaire en train de naître sous nos yeux.
Jean Goychman
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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