L’AUEA, ou le pacte des migrations en personne
Cette Agence de l’Union européenne pour l’asile, lancée l’an dernier, a pour mission (officielle) d’aider les États membres à mettre en œuvre la législation européenne en matière d’asile, ainsi que d’accroître la convergence des procédures d’asile et des conditions d’accueil entre eux. Sans surprise, sa création intervient dans une période où la Commission européenne peaufine la recette de son pacte Immigration et Asile préparé en 2020, qu’elle ambitionne de conclure avant la fin du mandat. Avec un budget (en hausse) de 181 millions d’euros, la directrice de l’agence, Mme Nina Gregori, nous explique que de nouvelles responsabilités et tâches lui seront attribuées à l’occasion du déploiement du pacte précité. Ne nous y trompons pas : en lieu et place de soutenir les États dans la gestion de l’asile, l’AUEA participe, au contraire, à la submersion migratoire de l’Europe par l’exécution des directives de son supérieur hiérarchique à Bruxelles : la Commission. Cette agence, qui disposera sûrement, demain, de méthodes harmonisées et d’agents certifiés, fait ainsi planer le risque, pour les États, de se voir ôter leur compétence migratoire, pourtant essentielle, en plus d’être régalienne.
La « convergence », pour ne pas dire la contrainte
À partir de 2024, l’Agence sera chargée du « Monitoring Mechanism », un nouvel artifice qui porte bien son nom. Ce mécanisme, décrit dans le pacte d'Immigration, doit, en effet, permettre d’évaluer le respect des directives et des droits de l'homme par les États membres, avec un objectif explicite de « convergence » des méthodes d’accueil et d’accompagnement, critères d’attribution ainsi que de respect des droits des demandeurs d’asile dans l’UE. Pour y parvenir, l’Agence dépêchera des équipes sur place qui, après évaluation de la situation, remettront un rapport à l’État concerné et, à l’issue d’éventuels échanges avec ce dernier, lui attribueront des recommandations qu’il devra bien sûr… mettre en œuvre. Le tout, sans aucun recours possible. Et dans l’opacité la plus totale, car les rapports et échanges resteront entièrement confidentiels, seules les recommandations seront accessibles. Transparence démocratique, avait-on dit… Pire encore, « la Commission se réserve le droit d’intervenir si un pays refuse d’adhérer aux recommandations de l’Agence » - de la propre bouche de Mme Gregori. La convergence est le discours officiel, la surveillance est l’objectif officieux. Herr im eigenen Hause, chacun est maître dans sa maison… sauf quand c’est l’empire européiste, par définition impérialiste, qui applique sa dangereuse oraison.
Un nouveau « joujou » de la Commission contre les États
Cette lubie de la convergence n’est donc pas autre chose que le flicage de la politique migratoire des États sur leur propre sol. Il est organisé par tout un écosystème d’acteurs qui va, en effet, de l’Agence aux tribunaux en passant par les associations pro-migrants et autres « avocates » de la notion floue des droits fondamentaux. L’AUEA organise ainsi des séminaires de formation – comme en France en 2022, avec les juges du Conseil d’État et de la Cour nationale du droit d’asile - pour tendre vers la « convergence dans les pratiques et les jugements » (M. Nicolas Jacobs, chef du Secteur des cours et tribunaux de l'AUEA). L’Europe se fera « par des réalisations concrètes », prévenait l’un des pères fondateurs de l’Union européenne, Robert Schuman, dans un discours depuis resté célèbre, le 9 mai 1950 ; l’harmonisation du droit, devenu tentaculaire, à l’échelle européenne, en est un parfait - si j’ose dire - exemple. Le pacte des migrations prévoit, en effet, un véritable droit d’asile européen unifié, affaiblissant ainsi les États dans leur bon droit de décider en matière migratoire. Réciproquement, il y a fort à parier que la liste d’établissement des « pays sûrs », préalable aux procédures de renvoi chez eux des migrants déboutés, deviendra, par la même occasion, européenne et non plus nationale. Les peuples auront-ils encore le droit, demain, de dire « non » au chaos migratoire qu’ils subissent ?
Ensemble on est… moins forts
« Il n’est pas normal qu’en fonction du pays où il arrive, le demandeur d’asile n’ait pas les mêmes droits ni chances d’obtenir l’asile. Cela est un grand problème aujourd’hui qui fait que des demandeurs d’asile circulent dans l’UE d’un pays à l’autre… », selon Ward Lutin, chef du Centre de connaissances sur l'asile et chef intérimaire du Centre de soutien opérationnel à l'Agence. L’argument – ou plutôt le chantage - est toujours le même : l’Union européenne n’avance pas dans ses objectifs, car on ne lui donnerait pas assez de compétences. Tartuffe ! C’est au contraire parce qu’elle dépouille aujourd’hui les États de certaines de leurs compétences les plus essentielles, que l’Europe n’a plus prise sur son destin. À force de s’affaiblir, l’Europe deviendra le symbole d’un vaste eldorado à conquérir ; si l’on en suit, en effet, le précepte du philosophe Aristote selon lequel l’admiration est toujours mêlée de crainte, le Vieux Continent risque, dès lors, de ne plus être admiré, ni même redouté, ce qui serait sinistre. La constitution de cette Agence, qui va permettre à l’UE de maîtriser toute la chaîne de gestion des demandes d’asile sur son territoire, démontre que les technocrates de Bruxelles l’ont bien compris et le mettent en œuvre. La stratégie qu’ils s’apprêtent à concrétiser permettra, à terme, de mesurer facilement si un État membre respecte ou non les directives en matière de migrations, de manière à mieux lui opposer des contraintes ensuite. Folie.
Une idée de la démocratie à géométrie variable
L’Agence vient de recruter, enfin, M. François Deleu en tant que premier « Fundamental Rights Officer » (officier des droits fondamentaux), dont l’aval sera nécessaire pour les recommandations émises aux États et qui définira, avec pas moins de 102 ONG et autres représentants de la société civile européenne, les modules de formation des techniciens et spécialistes de la même Agence, en plus de devoir vérifier (tenez-vous bien) que tout document amené à être publié par l’Agence « intègre et respecte bien les droits fondamentaux des réfugiés ». S’il ne s’agit pas, de toute évidence, de contester les droits fondamentaux qui incombent, par nature, à tout être humain, la migration ne doit pas pour autant devenir un droit. Absolument pas. Les États ont le droit de s’opposer à l’immigration, comme les peuples ont le droit de ne pas en vouloir. Il y a d’ailleurs là un droit consubstantiel aux peuples : le droit, bien connu, des peuples à disposer d’eux-mêmes. La démocratie, comme son nom l’indique (dêmos - kratos), c’est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Plutôt que d’organiser la submersion migratoire du Vieux Continent, par des organes qui sont, par essence, non démocratiques et non élus, Bruxelles doit laisser, de toute urgence, aux États le soin d’appliquer la loi qu’ils veulent pour leur territoire et ses habitants.
Patricia Chagnon-Clevers
https://www.bvoltaire.fr/tribune-a-malte-lagence-europeenne-pour-lasile-cultive-limmigrationnisme/