Né en 1823, en Bretagne, le futur académicien réalise sa scolarité dans divers établissements religieux de la capitale comme le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ou encore celui d’Issy-les-Moulineaux. Doté d’un esprit curieux dans un siècle de découvertes scientifiques perpétuelles, son esprit est toujours tiraillé entre sa foi personnelle et un monde de plus en plus rationnel qui s'éloigne de Dieu. Ce processus lui permet de transcrire sa pensée dans un livre qui, en 1860, fait trembler le trône de saint Pierre lui-même : La Vie de Jésus. Dans cet ouvrage, Renan présente, à travers une biographie, le Christ comme un homme parmi d’autres, un philosophe, un être charismatique, un personnage historique, mais surtout pas comme le fils de Dieu. La réaction des autorités ne se fait pas attendre. L’auteur se voit privé de ses droits d’enseigner, notamment au Collège de France, et est même désigné par le pape Pie IX comme un « blasphémateur ». Mais toute interdiction d’un livre attire la curiosité des lecteurs, celle-ci fait donc de l’œuvre de Renan un succès de vente durant le Second Empire.
Celui qui fut surnommé, par Victor Hugo, Napoléon le Petit doit lâcher le pouvoir en 1870 après la terrible défaite de Sedan. Attristé par l’état du pays et ses bouleversements interne, Ernest Renan commence à s’interroger sur l’idée du pouvoir et de la nation. Examinant la situation, il reproche à la France, en 1871, à travers son nouvel ouvrage, La Réforme intellectuelle et morale, de ne pas être l’Allemagne, de ne pas rester un régime ferme et autoritaire tel que se présente le nouveau Reich allemand, mais aussi d’être restée catholique et non protestante. Contemplant, aussi, le triste résultat de la Commune de Paris, il conclut que toute ville où demeure un pouvoir à l’aura nationale ne saurait avoir de concurrent ou d’opposant au sein de la même cité. Ainsi, Paris ne saurait avoir de maire tant qu’un roi, un empereur ou même un président y réside. Un enseignement respecté jusqu’à l’élection en 1977 du premier maire de Paris, depuis 1871, de Jacques Chirac et qui peut paraître véridique quant aux agissements de l’ancienne candidate à l’élection présidentielle Anne Hidalgo.
Malgré une admiration non avouée de la société allemande, Ernest Renan présente, en 1882, à travers l’œuvre de sa vie Qu’est-ce qu’une nation ?, sa conception d’un pays, non fondée sur le naturalisme comme le prône l’Allemagne en rassemblant une race ou une langue commune (et l’ayant poussé à revendiquer l’Alsace-Moselle), mais bien un État construit par un peuple au passé commun et tourné vers le même but. Cette notion, aujourd’hui détournée par le célèbre et répété « vivre ensemble », se base non sur une tolérance maladive des individus entre eux mais sur le contractualisme, c’est-à-dire un contrat social entre des citoyens aux mêmes racines poussant ainsi à l’assimilation. Ainsi, n'importe quel étranger pouvait être Français s’il acceptait la culture judéo-chrétienne de la France ainsi que son Histoire : « Une nation, disait Renan est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme […] L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu. »
Un héritage que nous avons reçu et, à l’inverse de ceux qui voudraient l’effacer et le déconstruire, dont nous devons prendre soin. À notre tour de le préserver et le transmettre comme Ernest Renan qui, au crépuscule de sa vie, retourna souvent sur ses terres natales de Bretagne, à ses propres racines, avant de s’éteindre, en 1892, à Paris, le cœur battant d’une nation dont il théorisa les liens et l’origine.
Eric de Mascureau
https://www.bvoltaire.fr/ernest-renan-le-theoricien-francais-de-la-nation/