Réalisée sur plus d’une dizaine de pays européens et sur un échantillon de près de vingt mille personnes, l’enquête en question porte sur le fait de savoir si les gens de gauche seraient plus ou moins tolérants que leurs homologues de droite. Par « gauche », entendez évidemment des personnes instruites, riches et vivant dans un milieu urbain ; à rebours des ploucs de « droite » végétant dans leur cambrousse, entre bistrot et concours de pétanque.
Bref, les « gens bien » et les « gens déplorables », pour reprendre la sémantique d’une certaine Hillary Clinton, délicate candidate démocrate ayant échoué face au rustaud républicain Donald Trump. Et là, patatras et caramba, les résultats de cette étude sont formels : on est plus ouvert d’esprit, plus tolérant, chez les gueux de droite que les bourgeois de gauche.
Sans surprise, voilà qui fait les délices de Guillaume Roquette, patron du Figaro magazine, à la matinale d’Europe1, ce mercredi matin.
Après, demeure cette question existentielle consistant à comprendre pourquoi ceux qui font de la tolérance un viatique quotidien sont précisément les moins tolérants dans la vie de tous les jours. Là, les analyses de Michel Audiard valent bien celles de Pierre Bourdieu : « Je suis toujours attiré par la déconnante, et la droite déconne. Les hurluberlus, les mabouls, on ne les trouve qu’à droite. La droite est braque, il ne faut jamais l’oublier. À gauche, c’est du sérieux. Ils pensent ce qu’ils disent et, c’est le moins qu’on puisse dire, ils ne sont pas très indulgents avec les idées des autres. Je n’ai jamais entendu Marcel Aymé porter des jugements sur le reste de l’humanité, ni demander des sanctions ou des châtiments. »
Il est vrai qu’à l’époque, Jean-Paul Sartre estimait que tout « anticommuniste était un chien » ; ce qui est déjà beaucoup moins cool.
Il est tout aussi vrai que la gauche s’est toujours prise plus au sérieux que la droite. Logique : la première prépare l’avènement du nouveau monde alors que la seconde tente d’éviter que l’ancien ne se défasse. L’une pense toujours que ce sera mieux demain ; l’autre estime qu’aujourd’hui sera immanquablement pire qu’hier. Les deux ont peut-être oublié que l’Histoire, par nature, était cyclique. Enfin, et ce, pour résumer, l’homme de gauche est un optimiste dépressif. Normal, tous ses grands soirs se sont effondrés les uns après les autres : socialisme internationaliste, libéralisme mondialisé et antiracisme de type babelien. En revanche, l’homme de droite serait plutôt un pessimiste joyeux, lui qui sait que la marche du monde a toujours mal marché et qu’il ne suffit pas de tailler les oreilles en pointe à un mulet pour en faire un cheval de course.
Et puis, cette autre nuance, peut-être. Les gens de droite sont censés être plus croyants que ceux de gauche. Mais leur paradis n’est pas de ce monde, ce qui peut parfois les amener à prendre de l’avance et à faire leurs ces jolis vers du grand Georges Moustaki : « Nous avons toute la vie pour nous amuser. Nous aurons toute la mort pour nous reposer. » A contrario, le paradis de gauche étant supposé terrestre, il y a urgence ; ce qui laisse assez peu de temps pour l’apéro entre poteaux. Car il faut sauver la planète, la galaxie, la démocratie, la république, la morale, le vrai et le beau, le bien et le bon. Figure emblématique de ces nouveaux clercs ? Le révérend père Edwy Plenel, grand inquisiteur de Mediapart et directeur de conscience des âmes égarées. En chaque trotskiste a toujours sommeillé un flic.
Après, que les gens de gauche soient des handicapés du bonheur et que leurs brigades de la vertu ne soient pas exactement celles du rire, la cause est entendue. Est-ce pour autant une raison pour gâcher la vie des modestes clampins que nous sommes ? On ne leur interdit pas de bouffer du quinoa ; qu’ils nous laissent tranquilles avec nos barbecues, après tout.
Nicolas Gauthier
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