Cet article a été publié le 08/12/2022.
Le projet de visite dans un camp de migrants imaginée par un prof de philo du Nord et l’intervention de Cédric Herrou dans un lycéen vendéen ne sont que la face émergée de l’iceberg.
Selon un récent sondage du CSA, sept Français sur dix veulent un durcissement de la politique d’immigration. Mais savent-ils que, dans l’école de leurs enfants, qu’ils croient sanctuarisée, cette question éminemment politique est non seulement abordée mais martelée, très ouvertement, de la maternelle au lycée, sous un prisme résolument idéologique et, évidemment, d’extrême gauche ?
L’académie de Nancy-Metz propose ainsi, sur son site, depuis novembre 2020, un document comprenant plus d’une cinquantaine de « livres jeunesse sur le thème de la migration », de la maternelle jusqu’au CM2. De Eux, c’est nous (ce livre, à partir de 7 ans, dont tous les bénéfices sont reversés à la Cimade par « les éditeurs jeunesse avec les réfugiés » « est né de la volonté d’affirmer un message d’accueil des migrants ») à Intolérance et racisme : non ! en passant par Petit Guide pour lutter contre les préjugés sur les migrants, le choix est vaste. Pour certains, comme Eux, c’est nous, un dossier pédagogique est même joint, recommandant d’inviter les enfants à faire « remonter leurs émotions, leurs sentiments » (sic).
Le collège et le lycée ne sont pas en reste. On pourrait imaginer y voir privilégier les classiques, ceux qui ont passé l’épreuve du temps. Pensez-vous ! Le temps consacré à Stendhal, Sévigné et tutti quanti est réduit à la portion congrue. Ces braves gens doivent faire place aux auteurs contemporains et engagés (comprenez de gauche), à l'aura récente... qui, dans vingt ans, seront peut-être retournés à l’anonymat.
Parmi eux, l’écrivain Laurent Gaudé est la coqueluche des profs. Moins pour son Soleil des Scorta qui lui a valu le prix Goncourt 2004 que pour Eldorado, une ode aux migrants façon Ocean Viking. Les personnages principaux sont trois clandestins soudanais, une mère anonyme dont le bébé est mort et un commandant italien chargé d’intercepter les embarcations illégales et qui, écœuré par son métier, finit par l’abandonner pour partir au Maghreb.
Une dizaine d’entrées pour ce livre, rien que ça, sur le site de l’académie de Versailles (à titre de comparaison, vous y chercherez en vain Michel Houellebecq). Il est, d’ailleurs, régulièrement imposé par le professeur d’un prestigieux lycée versaillais à ses classes de première. Les parents n’ont pas d’autre choix que l’acheter, dans le rayon scolaire et parascolaire où il est consciencieusement rangé... ou comment faire gonfler artificiellement les ventes. Sur un plan plus national, le réseau Canopé, opérateur du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, qui « a pour mission la formation tout au long de la vie et le développement professionnel des enseignants », le recommande pour le lycée général et technologique ainsi que le collège. Notons, pour l'anecdote, que Laurent Gaudé a été reçu, en 2011, à l'École alsacienne pour tenir une conférence devant les écoliers. Il est vrai qu'il en est un ancien élève.
De nombreux sites en ligne à destinations des collégiens et lycéens - commentairecompose.fr, exercices-a-imprimer.com ou encore étudier.com - en font aussi une étude prémâchée complaisante. Sans parler des professeurs en ligne. On y trouve des morceaux choisis : « Et les émigrants continueront à se presser aux portes de l’Europe, toujours plus pauvres, toujours plus affamés. Les matraques seront toujours plus dures mais la course des damnés, toujours plus rapide. […] Qu’il leur soit donné de franchir les frontières. Qu’ils soient infatigables et bienheureux. Pourquoi ne tenteraient-ils pas leur chance eux aussi, encore et encore. »
À aucun moment, y compris pour les classes de lycée, ce livre n’est mis en perspective avec une autre lecture, offrant un point de vue différent sur le sujet. Le Camp des saints, par exemple ? Horresco referens. Comme Houellebecq, comme tous les auteurs que le magistère de gauche a décrétés infréquentables, Jean Raspail est porté disparu sur les sites officiels de l'Éducation nationale. Pourtant, Jean Raspail a reçu en 2003 le Grand Prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre et L'Express décrit son Camp des saints comme « un livre culte qui a fasciné Ronald Reagan et François Mitterrand ». Peut-on en dire autant d'Eldorado ?
On comprend donc que l’on ne cherche pas à aiguiser un sens critique et analytique - au lycée, c’est pourtant le but, en théorie - mais que l’on dispense un petit catéchisme, fait de mantras et d’émotions. Toujours le même depuis la maternelle. Seule la forme change.
Tous oublient de signaler que cet auteur, cité par Christiane Taubira parmi ses préférés, est avant tout un militant d’ultra-gauche : dans un entretien accordé à L’Humanité en 2012, Laurent Gaudé avait appelé à voter Mélenchon.
Au journal suisse Le Temps, l’auteur avait confié, en 2015, « [son] grand sujet d’irritation » : « la position de l’Europe face aux réfugiés ». Et d’affirmer : « Avec ses 500 millions de personnes, l’Europe peut intégrer bien plus de migrants qu’elle ne le croit. Lorsqu’en 1917, nous avons accueilli 400.000 Russes blancs, nous ne sommes pas devenus subitement plus orthodoxes. L’Europe s’est toujours construite à travers des renouvellements de populations, des métissages enrichissants. Elle pourrait avoir ce projet passionnant de se renouveler et, au contraire, elle se fige. C’est une honte par rapport aux pères fondateurs. »
« [Plaider] pour une Europe ouverte aux réfugiés » est son droit. Celui des professeurs aussi. Mais faire de leur idéologie un savoir fondamental que l’on dispense sans contradiction tout le long du cursus scolaire, comme deux et deux font quatre, est évidemment scandaleux.