La France possède, comme tous les pays occidentaux (et comme la plupart des pays du monde), son État profond : Alain Minc, BHL, Attali n'en sont que quelques membres, les plus connus et peut-être les plus influents. Quand Jacques Attali parle, on peut être sûr que ses propos, ses marottes du moment, ses certitudes vont être repris d'une manière plus administrative par la classe politique la plus conventionnelle. Ce fut le cas lorsqu'il affirma qu'un pays n'est rien d'autre qu'un « hôtel », pour les flux migratoires et l'inéluctabilité de l'invasion de l'Europe… et pour beaucoup d'autres choses. De même qu'un discours de BHL annonce une intervention militaire sanglante, de même qu'un conseil d'Alain Minc présage un tournant économique ou médiatique (tout dernièrement au sujet du JDD), une prise de position de Jacques Attali laisse entrevoir la suite des orientations politiques, en l'occurrence de la Macronie.
Or, donc, légère surprise, ces derniers temps : il semblerait qu'on assiste à une radicalisation de Jacques Attali. Premier choc : son invitation, il y a quelques jours, sur la chaîne YouTube Livre noir, connue pour son positionnement de droite. Il succède, notamment, au militant identitaire Daniel Conversano, qui est venu, il y a quelques semaines, défendre sa vision de la préservation des foyers blancs. On n'aurait pas imaginé une telle ouverture d'esprit autrefois. Attali a notamment développé la volonté prégnante, pour les peuples européens notamment, de défendre leur identité. Et là, deuxième choc : l'ancien chantre du cosmopolitisme vient de publier, sur Twitter, une déclaration à double sens, là aussi assez incongrue de sa part. Jugez plutôt: « Les drames d’aujourd’hui doivent nous faire réaliser que nous entrons dans une phase nouvelle de mouvements de populations sur la planète et qu’il est urgent de nous y préparer pour que cela enrichisse l’humanité, préserve les identités et serve la paix. »
En cliquant sur l'image d'illustration (un tableau baptisé Gli immigranti), on lit quelques lignes du maître qui développe sa pensée : si ces migrations ne sont pas bien anticipées, il y aura l'extrême droite au pouvoir, des centaines de millions de vies brisées (et probablement des invasions de sauterelles, etc.). En revanche, si c'est bien fait, c'est-à-dire si l'identité des pays d'accueil est protégée grâce à l'intégration des migrants, ce sera super : les migrants, en envoyant des sous au bled, allègeront la charge des pays d'origine et permettront aux pays du Nord de maintenir leur régime de répartition des retraites et d'absorber le déclin démographique (Attali dit « effondrement »). En résumé : ils vont venir, on n'y peut rien, autant faire ça bien et protéger notre identité en leur apprenant nos coutumes.
On est donc rassuré : Jacques Attali n'est pas sur le point de recréer Génération identitaire. Il croit à la farce de l'intégration, qui n'a pourtant jamais cessé de prouver son échec. Il pense qu'en remplissant la France d'Africains qui aiment Victor Hugo, ça ne changera rien à l'identité du pays. Il pense que ce que veut la France, c'est la retraite à 60 ans et puis c'est tout. Il pense que l'effondrement démographique est une catastrophe. Bref, malgré ses nouveaux éléments de langage sur la « préservation des identités culturelles », il essaie toujours de vendre la même camelote avec les mêmes objectifs : un métissage généralisé, une négation totale des spécificités ethnoculturelles, le primat de l'économie libérale et la certitude qu'avec un peu de bonne volonté, le multiculturalisme est un trésor. Il cite, pour finir, un proverbe japonais (« Quand tu es chez toi, pense au voyageur. Quand tu voyages, pense à celui qui est chez lui »). C'est drôle. Les Japonais, justement, n'ont pas d'immigrés africains. Ils n'en veulent pas. Ils préfèrent vieillir ou être moins productifs. Ils préfèrent inventer des robots que d'importer des criminels et des analphabètes. Il y a une certaine indécence à citer ce proverbe comme parangon de cosmopolitisme. Par ailleurs, à nous, qui sommes chez nous, on donne l'ordre de penser aux « voyageurs ». Eux ne pensent pas à nous autrement qu'avec haine, envie, ressentiment et violence. Ça ne marchera pas (une fois de plus). Jacques Attali a failli nous convaincre qu'il avait changé.
Arnaud Florac
https://www.bvoltaire.fr/preserver-les-identites-le-conseil-tout-neuf-de-jacques-attali/