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Les hérésies chrétiennes dans le Coran – le nestorianisme et ses dérivés

Les hérésies chrétiennes dans le Coran – le nestorianisme et ses dérivés

De la Petite Feuille verte :

Au-delà des nombreuses doctrines gnostiques et messianistes qui pullulaient en Orien, l’arianisme a sans doute été l’une des hérésies chrétiennes les plus influentes auprès de l’islam naissant puisque le Coran a adopté le cœur de sa doctrine, à savoir la négation absolue de la divinité du Christ et de la Trinité. On ne peut toutefois pas négliger d’autres emprunts, inspirés eux aussi d’idées hétérodoxes, telles que le nestorianisme, le monophysisme et le monothélisme, qui résultaient de facteurs aussi variés que les malentendus culturels et linguistiques, les écrits apocryphes ou les rivalités politiques et ecclésiales. Outre qu’elles ont contribué à briser l’unité chrétienne par les schismes qui en résultèrent, leurs formulations ont inspiré certaines croyances islamiques inscrites dans le Coran, préparant ainsi les consciences orientales à l’acceptation de l’islam.

LE NESTORIANISME

Son initiateur, Nestorius (v. 382-451), était un moine syrien devenu patriarche de Constantinople en 428. Il avait été formé à la Didascalée (École de théologie) d’Antioche, dominée par la personnalité de Théodore (350-428), évêque de Mopsueste en Cilicie (Turquie actuelle). De tendance « rationalisante », cette École tendait à privilégier l’humanité de Jésus au détriment de sa divinité. Il s’agissait au fond d’éviter l’absorption d’une nature par l’autre et ainsi d’épargner à la divinité tout mélange avec l’humain.

Nestorius rejetait donc l’union hypostatique des deux natures dans l’unique personne du Verbe ; il en arrivait finalement à l’existence de deux Christ : l’homme et Dieu. Dans son rapport sur ce sujet, intitulé Traité de l’incarnation, le moine saint Jean Cassien (360-432), abbé du monastère Saint-Victor de Marseille, a exposé ainsi la doctrine nestorienne :

« Jésus-Christ, né de la Vierge, est un homme sans plus (homo solitarius) ; ayant pris le chemin de la vertu, il a obtenu par sa vie pieuse  et religieuse, par la sainteté de son existence, que la Majesté divine s’unît à lui ; sa dignité lui vient, non pas de la splendeur de son origine, mais des mérites qu’il s’est acquis » (cité par l’islamologue Roger Arnaldez, À la croisée des trois monothéismes, Albin Michel, 1993, p. 50).

Selon l’historien syrien Edmond Rabbath (1902-1991), Nestorius considérait que

« seule la nature humaine du Christ a subi les souffrances de la crucifixion ». “Ce n’est pas Dieu, disait-il, qui a souffert sur la Croix, mais il était uni à la chair qui a été crucifiée”. Cette doctrine donnait lieu à l’abandon du dogme de la Rédemption, un des piliers du christianisme, sans lequel la religion du péché originel et du salut par le Divin Sauveur eûtété complètement défigurée » (L’Orient chrétien à la veille de l’islam, Publication de l’Université Libanaise, Beyrouth, 1989, p. 17-18).

Or, dans la même ligne, le Coran occulte la réalité du péché originel et donc la nécessité d’un salut pour les hommes. Ce sujet sera traité dans une PFV à venir (n° 99).

Le nestorianisme fut dénoncé par l’évêque d’Alexandrie, saint Cyrille (375-444), qui justifia son attitude auprès du pape Célestin 1er. En 430, ce dernier condamna la doctrine nestorienne, confiant à Cyrille la charge de convaincre son instigateur de renoncer à cette « hérésie inouïe et étrange » (Yves Chiron, Histoire des conciles, Perrin, 2011, p. 30-31).

Sa démarche étant restée sans suite, la question nécessita la convocation du troisième concile œcuménique qui se tint à Éphèse (Turquie actuelle) en 431. L’assemblée conciliaire confirma l’union hypostatique telle qu’on l’enseignait à la Didascalée d’Alexandrie où, dans une optique contraire à celle d’Antioche, la primauté était accordée au donné de la foi (le Verbe s’est fait chair, Jn 1, 14). On y insistait ainsi sur la divinité du Christ et son unité substantielle avec son humanité (cf. PFV n° 96).

Nestorius fut déposé pour hérésie et déchu de la dignité épiscopale, puis en 434, l’empereur Théodose l’exila dans l’oasis de Kharga (Haute-Égypte), où il mourut et fut enterré en 451, année du concile de Chalcédoine, qui confirma sa condamnation et celle de sa doctrine (cf. infra).

Cette querelle christologique a correspondu, sur fond de dispute de pouvoir, aux divergences d’évolution entre les chrétientés de l’Occident gréco-latin et celles de l’Orient araméophone (syriaque).

« Les courants de pensée en milieu oriental différaient beaucoup de ceux qui se développaient à Antioche où se côtoyaient les cultures araméenne, grecque et romaine, tandis que prédominait à Alexandrie une pensée fortement hellénique. Ces courants orientaux et occidentaux si opposés finirent par provoquer des conflits, aggravés par les différences de langage et d’expression » (Mgr Francis Alichoran, Missel Chaldéen[catholique], Publication de la Mission Chaldéenne, 1982, p. 260).

LE MONOPHYSISME

En 433, à la demande du pape et de l’empereur, un accord conclu entre Jean et Cyrille, respectivement patriarches d’Antioche et d’Alexandrie, stipula la distinction entre les natures divine et humaine du Christ et leur union sans confusion. Cette définition ne reçut pas l’assentiment de tous les anti-nestoriens. Certains crurent qu’elle sous-entendait une séparation absolue entre les deux natures et revenait donc à nier l’unicité christique. Ils suivirent alors la thèse monophysite (du grec monos = seul et physis = nature) d’un moine syrien, Eutychès (378-454), archimandrite d’un monastère de Constantinople, pour qui la nature humaine du Christ étant absorbée par sa nature divine perdait sa propre réalité.

C’est, pourrait-on dire, l’hérésie inverse du nestorianisme. « Les monophysites voulaient surtout sauvegarder la divinité du Christ en reléguant son humanité à l’arrière-plan » (Jan M.F. Van Reeth, « La christologie du Coran », Communio, n° XXXII, 5-6, Septembre-décembre 2007,p. 7).

Eutychès fut condamné et excommunié par un synode réuni en 448 à Constantinople sous la présidence du patriarche Flavien, favorable à cette sanction. Mais il fut réhabilité l’année suivante lors d’un concile général convoqué à Éphèse par l’empereur Théodose II contre l’assentiment du Siège apostolique dont le titulaire était Léon 1er. Ce dernier s’opposait à l’attribution de la présidence de l’assemblée conciliaire à Dioscore, successeur de Cyrille sur le siège patriarcal d’Alexandrie et partisan d’Eutychès. Les manipulations et intimidations pratiquées durant ce concile, qui déposa Flavien, lui ont valu de passer dans l’histoire sous le nom de « brigandage d’Éphèse » (449). Sur cet épisode, cf. Y. Chiron, op. cit., p. 38-40.

En 451, un nouveau concile, réuni à Chalcédoine (sur la rive asiatique de Constantinople) par le couple impérial (Marcien et Pulchérie), définit la constitution du Christ en insistant sur l’unité de sa personne, à partir de la doctrine de l’Incarnation exposée par le pape saint Léon 1er le Grand dans une lettre adressée à Flavien (Tome à Flavien,13 juin 449)qui aurait dû être lue au concile d’Ephèse. « Nous confessons un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, vraiment Dieu et vraiment homme ; un seul et même Christ, Fils, Seigneur, l’unique engendré reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation ». Cf. le texte intégral dans Bernard Peyrous et Sylvie Bernay, Les crises de l’Eglise, ce qu’elles nous enseignent, Artège, 2022, p. 513.

Dès lors, Chalcédoine s’inscrivait dans la liste des conciles œcuméniques. Il en fut le quatrième. Ses condamnations du nestorianisme et du monophysisme n’empêchèrent pas leur expansion géographique, suscitant l’émergence d’Églises schismatiques qui engendrèrent des nations confessionnelles.

Le nestorianisme se répandit en Mésopotamie et en Perse, où l’Eglise locale, de culture syriaque, déjà en rupture depuis 410 avec le patriarcat d’Antioche, situé en terre byzantine (elle avait alors créé son propre siège à Séleucie-Ctésiphon, dans l’Irak actuel), en fit sa doctrine officielle sous le nom d’Église assyrienne de l’Orient. Elle maintiendra cette doctrine lors du transfert de son patriarcat à Bagdad en 780.

Quant au monophysisme, il fut adopté par la chrétienté arménienne et par l’Église copte d’Égypte, ce qui permettait à cette dernière de se dégager de la tutelle politique de Constantinople. Il se diffusa aussi parmi les chrétiens de Syrie, sous l’impulsion du moine Jacques Baradée (490-578), évêque d’Édesse, qui donna son nom à l’Église jacobite, dont il fixa le siège à Antioche. Enfin, le monophysisme jacobite s’implanta dans les régions méridionales, centrales et occidentales de la péninsule Arabique, en particulier sur le territoire de l’actuel Yémen.

Les querelles christologiques, alimentées par des guerres et des persécutions, ne cessèrent pas pour autant.

LE MONOTHÉLISME

Soucieux de réconcilier les monophysites avec la définition du concile de Chalcédoine (451) – cf. supra – et d’établir la paix dans l’Empire byzantin, Serge 1er, d’origine syrienne, qui occupa le siège patriarcal de Constantinople de 610 à 638, fut la cause d’une nouvelle hérésie christologique, le monoénergisme (dugrec mia = seule et energeia = énergie ou opération), selon laquelle dans le Christ il n’y a qu’« une seule énergie humano-divine ». Répondant aux polémiques suscitées par cette théorie, qui était contestée entre autres par le moine-théologien Maxime le Confesseur (v. 580-662), également opposé au monophysisme, Serge 1er, suivant une proposition de l’empereur Héraclius, remplaça « énergie » par « volonté ».

Cela donna le monothélisme (du grec mia = seule et thelésis = volonté). « Cette doctrine prétendait que si Jésus, Fils de Dieu, avait deux natures (humaine et divine), il n’avait qu’une seule volonté, la volonté divine » (Y. Chiron, op. cit., p. 48). Elle fut ratifiée par Pyrrhus, successeur de Serge, et acceptée par tous les patriarches orientaux mais vivement combattue par le pape Martin 1er (598-655) et saint Maxime. Tous deux furent persécutés, le second mourut martyr (cf. Jean-Claude Larchet, Saint Maxime le Confesseur, Cerf, 2011, p. 18 à 25).

Cette hérésie revenait à nier l’unité substantielle dans le Christ des deux natures, divine et humaine, puisqu’elle privait cette dernière d’une volonté véritable. Après avoir marqué des « progrès foudroyants » dans une grande partie de l’Orient alors confronté aux premières conquêtes arabo-musulmanes (E. Rabbath, op. cit., p. 32), le monothélisme et ses promoteurs furent condamnés par le sixième concile œcuménique, Constantinople III (680-681), convoqué par l’empereur Constantin IV, mais cela ne suffit pas à l’éteindre (Cf. Chiron, op. cit., p. 53-54).

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Les condamnations de ces « fausses doctrines », prononcées à Nicée (325), Constantinople (381), Éphèse (431) et Chalcédoine (451), puis lors du cinquième concile de Constantinople (553), demeurent en vigueur dans l’Église catholique. Elle les a d’ailleurs confirmées encore en notre temps en les qualifiant explicitement d’hérésies comme l’attestent plusieurs documents magistériels tels que les encycliques des papes Pie XI, Lux Veritatis (25 décembre 1931) et Pie XII, Sempiternus Rex Christus (8 septembre 1951), dédiées aux premier et quatrième conciles, ainsi que le Catéchisme de l’Église catholiquedans son édition actuelle (n° 466 à 469, éd. Mame/Plon, 1992, p. 103-104).

Cependant, en application des décrets du concile Vatican II, Orientalum Ecclesiarum et Unitatis Redintegratio (21 novembre 1964), sous le pontificat de Jean-Paul II des Déclarations christologiques communes ont été signées entre Rome et la plupart des Églises orientales séparées. À commencer par celle de Paul VI et Chenouda III, patriarche des Coptes, publiée le 10 mai 1973 (cf. A. Laurent, Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, chap. 1). De nouvelles Déclarations de ce type ont été signées sous le pontificat de François (cf. J. Yacoub, op. cit., p. 129-135).

Dans tous ces textes, on constate que la même foi est tenue de part et d’autre, et elle est proclamée conjointement sans ambiguïté : Jésus-Christ, un seul et le même, que l’on doit considérer selon la divinité et selon l’humanité, sans mélange ni séparation. Les divergences encore reconnues se situent donc au niveau de l’expression de la foi, allant parfois jusqu’à l’emploi de terminologies exactement inverses : si l’on considère les différences entre les langues (grec et latin), les ères culturelles (Orient et Occident), les écoles théologiques (Antioche et Alexandrie), les rivalités politiques (Rome, Byzance, Babylone), on comprend que les malentendus soient récurrents et les anathèmes facilement étayés. Des commissions mixtes ont été créées en vue d’éclairer chacune de ces difficultés encore en vigueur (cf. note 1).

Au contact de ces controverses théologiques, l’islam des débuts ne cherchera pas l’intelligence de la foi mais sa perspective sera celle d’un refus radical du mystère de l’Incarnation, comme cela sera exposé dans la prochaine Petite Feuille Verte (n° 98).

DES INFLUENCES HÉRÉTIQUES SUR L’ISLAM ?

Ces doctrines chrétiennes hétérodoxes n’avaient donc pas disparu de l’espace oriental lorsqu’au VIIème siècle l’islam surgit dans la péninsule Arabique.

« Le christianisme local est éparpillé entre une multitude de dénominations rivales, tous les résidus des hérésies christologiques semblant avoir trouvé refuge en Arabie. […] La tradition veut que Mahomet ait été en contact avec les milieux chrétiens à La Mecque et à Yathrib (Médine) ainsi qu’au long de ses voyages de caravanier dans le désert syrien », souligne l’historien Jean-Pierre Valognes (Vie et mort des chrétiens d’Orient, Fayard, 1994, p. 55).

Divers spécialistes se sont intéressés à ces fréquentations et à leur impact sur l’élaboration du Coran. La présence dans le Livre sacré des musulmans de termes issus d’autres langues sémitiques que l’arabe, notamment l’hébreu, le syriaque et l’araméen, tend à accréditer ces faits. Cf. Joseph Yacoub, Le Moyen-Orient syriaque, Salvator, 2019, p. 101-111 ; Christian-Julien Robin, « L’Arabie pré-islamique », Histoire du Coran, dans Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye (dir.), Cerf, 2022, p. 82-93 ; Muriel Debié, « Les apocalypses syriaques », ibid, p. 571-579.

De tels emprunts linguistiques rendent d’ailleurs difficilement crédible l’affirmation attribuée à Dieu dans le Coran.

  • Voici un Livre dont les versets sont clairement exposés ; un Coran arabe, destiné à un peuple qui comprend (41, 3) ;
  • Par le Livre clair ! Oui, nous en avons fait un Coran arabe ! Peut-être comprendrez-vous ! (43, 2-3).

D’autres chercheurs contemporains signalent le rôle présumé de personnages auxquels la tradition islamique se réfère.

Selon le célèbre commentateur arabe Abou Jaafar El-Tabari (839-923), il y eut parmi eux Waraqa Ibn Naufal, prêtre judéo-nazaréen, résidant à La Mecque et apparenté à sa première épouse, Khadija.

Joseph Azzi, moine maronite libanais (1937-2022), évoque le rôle de ce dernier. En se référant à Ibn Hichâm, biographe de Mahomet, il souligne que, fort de sa connaissance de la langue hébraïque, Waraqa traduisait L’Évangile selon les Hébreux. Azzi résume ainsi la doctrine de ce prêtre : « Il croyait que le Christ était un prophète venu pour compléter la loi de Moïse sans qu’il soit Dieu ou fils de Dieu » (Le Prêtre et le Prophète, Maisonneuve & Larose, 2001, p. 29).

L’islamologue Alfred-Louis de Prémare (1930-2006) a repris cette information attribuée à des « hagiographes » : Waraqa « connaissait la Tora et l’Évangile, et il traduisait en arabe, de l’Évangile, ce que Dieu avait voulu qu’il traduise » (Les fondations de l’islam, Seuil, 2002, p. 328).

Or, cet Évangile selon les Hébreux était un dérivé de l’apocryphe Pseudo-Évangile de saint Matthieu, celui auquel se référait l’hérésie ébionite, mouvement d’origine judéo-chrétienne dont le nom provient de l’hébreu ebion (« pauvre ») par allusion à sa réputation de pauvreté doctrinale. Rejetant la naissance virginale de Jésus, les ébionites refusaient de le reconnaître comme Fils de Dieu. Ils le voyaient comme « un mortel qui devait sa naissance à l’union de Marie et d’un homme » (Alfred Havenith, Les Arabes chrétiens nomades au temps de Mohammed, Centre d’histoire des religions, Louvain-la-Neuve, 1988, p. 83).

Cette croyance se retrouve dans le Coran.

  • Oui, il en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu : Dieu l’a créé de terre, puis il lui a dit : “Sois”, et il est (3, 59).

Notons aussi que les ébionites interdisaient l’absorption de vin, y compris pour l’eucharistie.

C’est ainsi que les passages du Coran signalant les prodiges accomplis par Jésus (inspirés par les textes apocryphes, ils ne reprennent toutefois pas les détails des récits évangéliques) soulignent qu’il n’agit pas en vertu de sa propre puissance, énergie ou volonté, mais avec celle de Dieu, donc dans un état d’infériorité et de subordination. Voici ce que le Dieu de l’islam dit à Jésus.

  • Je t’ai enseigné le Livre, la Sagesse, la Tora et l’Évangile. Tu crées, de terre, une forme d’oiseau – avec ma permission -. Tu souffles en elle, et elle est oiseau, avec ma permission. Tu guéris le muet et le lépreux – avec ma permission -. Tu ressuscites les morts – avec ma permission (5, 110). Voir aussi 3, 49.

La tradition musulmane mentionne par ailleurs le moine syrien Serge Bahîra (ou Sergius)« L’Excellent en syriaque »,disciple de Nestorius, qui, lors d’une rencontre avec l’adolescent Mahomet à Bosra (sud de la Syrie actuelle), lui aurait prédit son destin « prophétique » (A.-L. de Prémare, ibid.). Sur le site archéologique de Bosra, qui fut une imposante cité romaine, les guides montrent aux visiteurs les restes du sanctuaire où vivait Bahîra. Saint Bernard a évoqué cet épisode en signalant que le moine nestorien avait été exclu de l’Église pour hérésie (Antoine Régis, Les saints catholiques face à l’islam, DMM, 2019, p. 60).

Signalons enfin que Prémare relate aussi le rôle de « scribes venus d’ailleurs », en particulier des Juifs et des Persans (op. cit., chap. 17), mais il se veut prudent sur l’ensemble de ce sujet. « Les récits hagiographiques tendent à condenser les traits de cette population originellement non arabe ou non musulmane dans des personnages emblématiques reportés au temps de Mahomet et qui jouent un rôle de faire-valoir de l’islam. Chaque fois que nous avons affaire à un personnage de ce genre, il convient d’en distinguer, autant que faire se peut, les contours historiques et les éléments légendaires » (ibid., p. 328).

A partir de tout ce qui vient d’être rappelé, nous serons en mesure de présenter les principaux éléments qui constituent ce que l’on pourrait appeler la « christologie islamique ». Tel sera le thème de la Petite Feuille Verte n° 98.

Annie LAURENT
Déléguée générale de CLARIFIER

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(1) Pour dire dans le Christ l’unicité de l’être concret, on pourra dire : la « personne » ou le « sujet » (sub-jectum), ou l’« hypostase » ; et pour dire la divinité et l’humanité, on parlera des deux « natures » du Christ. Mais on peut prendre aussi le mot « nature » au sens de l’être concret comme le font une partie des Orientaux, et l’on dira alors, pour être fidèle à la foi : il y a dans le Christ un seul être concret, autrement dit « une seule nature », que l’on considère selon sa divinité et selon son humanité, autrement dit selon ses deux « hypostases », terme que traduit effectivement le latin « subsistentia » ou « substantia » (pensons à notre « consubstantiel » au Père qui, dans le Credo, désigne la nature divine commune du Père et du Fils). On a donc face à face deux définitions inverses au niveau de l’expression : une hypostase et deux natures / une nature et deux hypostases ; pour dire en réalité une même foi : un seul et le même, selon la divinité et selon l’humanité. C’est ainsi que la Déclaration commune Paul VI – Chenouda III évite l’expression « unité hypostatique » et s’en tient à « unité réelle » pour dire l’unicité du Christ ; tout en reprenant les adverbes du concile de Chalcédoine : sans changement, sans confusion, sans division, sans séparation, pour conjuguer les deux éléments divin et humain dans le Christ.

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