Né en 1977 dans la périphérie de Dresde, Maximilian Krah se destine à la carrière d’avocat. Décrit par ses pairs au parlement européen (où il siège depuis 2019) comme « particulièrement érudit », il a publié en avril dernier un ouvrage remarqué en Allemagne : Politik von rechts que l’on pourrait traduire en français par « Politique de droite ». Un titre en apparence anodin « mais qui a brisé un tabou en Allemagne » rappelle un fin connaisseur de la classe politique allemande. « Il est très difficile de se dire de droite en Allemagne en raison du sinistre épisode nazi » poursuit notre interlocuteur qui salue « la vision globale et construite » de la pensée de Krah. Catholique à la sensibilité traditionaliste, il a été un temps un soutien de la coalition d’Angela Merkel avant de devenir un farouche adversaire de la chancelière, notamment sur les questions migratoires. « L’Allemagne est devenue malade à cause de Merkel » avait-il notamment confié à Boulevard Voltaire en mars 2020.
Le visage du nouvel Afd
« Nous vivons dans une situation politique complètement nouvelle qui exige également de nouvelles réponses de la part de la droite » nous explique Maximilian Krah par téléphone. « Les gauchistes d'aujourd'hui ne sont plus des marxistes, mais des libéraux de gauche, dont la seule valeur est l'individu détaché de tout lien ». On retrouve ici l’objectif politique de Krah : incarner le changement intellectuel, l’évolution, de cette droite allemande. Ainsi, si l'Afd à ses débuts incarnait une ligne populiste, aujourd'hui le parti défend une identité conservatrice. L'élection de Maximilian Krah comme tête de liste aux européennes en est la preuve.
Ses adversaires lui reprochent notamment ses positions anti-migrants et son « adhésion à la théorie du grand-remplacement ». En effet, la tête de liste de l’Afd n’hésite pas à parler de « remigration » (en français dans le tweet). Un champ lexical plus civilisationnel que que social qu’on retrouve davantage chez Zemmour que chez Le Pen. Et c’est un peu le problème vis-à-vis du RN.
Une mauvaise nouvelle pour le RN ?
« On ne va pas se mentir. Ce n’est pas une bonne nouvelle ». Ce membre du groupe RN au parlement européen ne voit pas d’un œil particulièrement réjoui l’élection de Maximilian Krah à la tete de la liste de l’Afd. Pour rappel, il avait été sanctionné par son groupe en 2022 pour avoir affiché son soutien à Eric Zemmour lors de l’élection présidentielle française au détriment de Marine Le Pen. Et ce alors que le RN est un des alliés européens historiques de l’Afd. Les deux formations siègent ensemble au groupe Identité et Démocratie. Un épisode que les élus du parti à la flamme n’ont pas oublié. « C’était une erreur de sa part » observe ainsi Thierry Mariani. L’eurodéputé RN salue tout de même « un grand érudit à la fois réaliste et complexe ». Quant à son soutien à Eric Zemmour, Mariani est clair : « Malgré toute la sympathie que j’ai pour lui, je pense qu’on n’a pas à intervenir dans les choix internes d’un autre pays. Après, je constate que les Français par le suffrage universel lui ont donné tort » philosophe l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy.
« Marine Le Pen est le leader incontesté et unique de la droite française »
Quant à Maximilian Krah, il réfute aujourd’hui ce soutien : « Je n'ai jamais préféré Eric Zemmour » nous certifie-t-il. « Il s’agit d’une fausse déclaration qui a malheureusement pris son essor. Marine Le Pen est le leader incontesté et unique de la droite française et, espérons-le, le prochain président de la République ». Voilà qui devrait rassurer la liste européenne de Jordan Bardella, et sans doute un peu moins Marine Le Pen qui a toujours réfuté le terme de « droite ».
Mais l’essentiel pour le RN reste que l’élection de Maximilian Krah ne semble pas menacer les vieilles alliances. Du côté de son entourage, on affirme que « la division de la droite française (Eric Zemmour et Marine Le Pen NDLR) est triste, nous espérons que le camp de droite en France se réunira rapidement à nouveau ». Vu d’Allemagne, on croit encore à l’union des droites françaises. Vu d’Allemagne, « on ne comprend pas trop les subtilités de la politique française tout comme en France, on ne comprend pas les codes de la politique allemande » s’amuse notre fin connaisseur des deux milieux.
« Nous voulons vivre tels que nous sommes, comme vivaient ancêtres, et transmettre notre héritage » conclut Krah avec cette ultime boutade : « Essayez de me mettre une étiquette avec ça ».
Marc Eynaud
https://www.bvoltaire.fr/allemagne-qui-est-maximilian-krah-tete-de-liste-de-lafd-aux-europeennes/