Ukraine, Brics, Mali, Niger, Congo, malheureuse série de revers diplomatiques pour la France de Macron !
Après l’ultimatum des putschistes du Niger enjoignant à notre ambassadeur de quitter le pays, le président Macron s’est exprimé fermement : « Quoi qu’il arrive, et je le dis avec fermeté, l’ambassadeur français restera français ! »
Mais cette détermination de façade masquait de nombreuses hésitations - qu’on en juge par ces discussions qui ont fuité hors de la cellule de crise. Il est toujours intéressant de voir comment se décident les grandes affaires du monde.
- Commençons par l’Ukraine : où en est-on ?
- Toujours pareil, monsieur le président : Poutine refuse de vous prendre au téléphone.
- Bien. Continuez à l’appeler tous les jours. Non : plusieurs fois par jour. La France ne se laissera pas traiter comme un vulgaire démarcheur commercial, c’est une question d’honneur national !
- Je laisse sonner combien de fois ?
- Dix minutes, ça suffira à lui faire sentir notre mépris. Quant à ces parvenus des BRICS qui n’ont pas voulu que je vienne à leur sommet, j’ai bien envie de leur envoyer le fleuron balistique de la France, histoire de rappeler que nous sommes une puissance nucléaire, à défaut d’industrielle… D’ailleurs, rappelez-moi qui a vendu Alstom aux USA ?
- Mais… c’est vous, monsieur le président.
- Ah ! Oui, c’est vrai. Personne n’est parfait. Mais qui a défendu bec et ongles le cadre supérieur incarcéré aux USA ? Ou Julian Assange, le lanceur d’alerte ?
- Euh… personne je crois.
- Ah oui, mauvais exemples, c’est vieux tout ça. Et je n’étais même pas ministre à cette époque-là. Bon, on va pas se laisser abattre par quelques pays qui ne comprennent pas la grandeur de la France et de son président, hein ? Préparez un communiqué, genre « La France va annoncer un important geste diplomatique dans... », dans quoi, d’ailleurs ? Sarkozy a eu la Géorgie… Ah ! Oui, je sais : la crise du Haut-Karabakh. Et trouvez-moi une poignée de députés qui ont envie de voyager un peu, même là-bas.
- Oui, monsieur le président. Les voyages, ça plaît toujours.
- Pff… si ça continue, moi qui suis taillé pour l’international, qui parle couramment américain, je vais finir médiateur entre Flamands et Wallons… Et vous, là, trouvez-moi des idées ! Même une seule ! Ah là là, du temps de MacKinsey, ils m’auraient déjà fourni dix argumentaires !
- Et une grosse facture…
- Très drôle. Est-ce qu’au moins, à part les vannes, vous avez une idée ? Sinon, c’est la porte.
- Euh… oui, peut-être : c’était délicat avec le Niger seul, mais maintenant qu’au Congo le peuple semble heureux, on pourrait appeler ces coups d’État des révolutions oranges ! Si ça a marché pour l’Ukraine, ça marchera pour le Niger et le Congo...
- Pas mal, oui… mais au Maïdan, c’était des civils, pas des militaires.
- Bah ! Pour le Niger, nos télés sont pleines d’images de foules insultant la France ou réclamant le départ de notre ambassadeur, non ? Et de nos troupes, comme au Mali. Quant au Congo, ils semblent sincèrement heureux de voir renversé le régime que la France soutient depuis longtemps, euh… je veux dire, c’est bien une révolution populaire, avec quelques militaires...
– Pas mal : un président populaire, en France ça a un petit côté exotique ! Ah ! ah ! Trouvez quelques images des militaires en costard et brodez là-dessus, c’est votre boulot. Mais l’astuce a quand même beaucoup servi, non ? Tunisie, Géorgie, Ukraine, ça va se voir, faudrait trouver une autre appellation - comme le printemps arabe, la révolution du jasmin, un truc poétique…
- Et si on changeait de couleur ?!
- La révolution blanche ?
- Mais ils sont tous noirs ! Ça va faire rigoler tout le monde ! Et « la révolution blanche », ça a un petit côté Ku Klux Klan… La révolution noire, peut-être ?
- C’est sombre, pour ne pas dire noir. On va encore nous accuser de racisme… Non, il faut un truc neutre ou woke.
- Jaune ?
- Vous êtes des idiots : j’ai pas envie de réveiller les Gilets jaunes ! Et j'espère que ces putschs ne sont pas contagieux, l'Elysée me sied bien... De toute façon, jaune c’est l’Asie.
- La révolution verte ?
- Trop écolo, ils ne votent pas pour moi. Et dans un pays qui a trois arbustes au kilomètre carré, on a l’air de se moquer.
- Euh… Multicolore ?
- Déjà pris : la révolution des Oeillets, ça vous parle ? Mais on vous apprend quoi, à Sup de comm. ?
- J’ai fait l’ENA !
- Ça explique tout, j’ai bien fait de le supprimer.
- Brillante réforme, monsieur le président. On pourrait essayer les couleurs restantes sur un panel de citoyens noirs représentatifs, qui…
- Arrêtez vos conneries ! Et soyez pas lèche-bottes. Voilà ce qu’on va faire : OK pour la révolution populaire du Niger et du Congo ! Comme vous dites, si ça a marché pour l’Ukraine, y a pas de raison que ça marche pas pour l’Afrique. Préparez un narratif en ce sens, des éléments de langage pour les médias. Ah oui, transmettez au Quai d’Orsay, qu’ils ne se sentent pas inutiles. Et dites à l’ambassadeur qu’il va bientôt pouvoir arrêter son régime à base de sardines en boîtes, ah ! ah ! Félicitez-le pour son dévouement, son courage, légion d’honneur, tout ça. La France restera la France, même chassée d’Afrique !
Abaya : l’interdire ou pas ?
Une députée LFI a déclaré : la police du vêtement est une police des mœurs ! Selon les autorités religieuses, l’islam n’impose pas le port de l’abaya. Le fait que ce vêtement ne soit porté que dans les milieux intégristes est une pure coïncidence. Je m’étonne même que les Iraniennes risquent leur vie pour enlever un vêtement si seyant.
- Je peux vous citer ?
- Oui, et je vous offre un scoop : mes collègues et moi-même allons porter une abaya durant la campagne des européennes, par solidarité féministe.
- Madame la députée, qu’en est-il de vos collègues masculins ?
- C’est à eux qu’il faut poser la question ! S’ils sont vraiment solidaires, nous irons tous aux Européennes en abaya et djellaba – encore que les djellabas soient moins couvrantes que les abayas, mais c’est le principe qui compte.
- Ne craignez-vous pas, outre le ridicule, que cette polémique favorise le retour de l’uniforme à l’école ?
- Non à l’uniformité, oui à la diversité ! (je teste quelques slogans pour 2024)
- Mais l’abaya n’est-elle pas le contraire de la diversité ?
- On peut choisir la couleur de son abaya. Enfin... je crois. Non ?
- Il me semble que oui. Pour l'instant...
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/fake-news-france-250199