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Immigration : l’extraordinaire et tardive conversion de Gérard Larcher

L’interview de Gérard Larcher dans Le Parisien du 2 septembre a suscité des commentaires sans faire l'événement dans les grands médias nationaux. Elle n'a pourtant pas échappé à notre ami Frédéric Sirgant ! Et pour cause ! Le président du Sénat se dit clairement favorable à un élargissement de l’article 11 de la Constitution qui ouvre l’accès au référendum. « Il faudra que cet élargissement soit bien cadré », précise-t-il, indiquant qu'il fait partie des réflexions d'un groupe de travail sénatorial. Derrière le référendum, il y a bien sûr le grand sujet français, la patate chaude que chaque gouvernement refile au suivant : le sujet migratoire. Cette immigration que les bonnes consciences nous décrivent depuis quarante ans comme mineure, inexistante, fruit des obsessions d’un peuple ontologiquement raciste, manifestation d’une maladie psychiatrique grave. Et qui sera évidemment, une nouvelle fois, au centre du scrutin européen et de l’élection présidentielle.

Qui trompe les Français ?

Sur l'immigration, Larcher subit la violence de la conversion de saint Paul ! « Nous avons vu l’échec de la loi Collomb en 2018 et des vingt textes précédents, constate le troisième personnage de l'État dans l'ordre de préséance. Nous avons impérativement besoin d’une politique migratoire efficace. » Et il insiste : « Sans réforme constitutionnelle, il n’y aura pas de politique migratoire réelle et donc aucune politique d’intégration réussie. » On ne saurait mieux dire. Conclusion ? « On ouvre la porte à l’extrême droite si on trompe encore les Français sur ce sujet. » Phrase merveilleuse, que Le Parisien a du reste reprise en titre. Autrement dit, on les a beaucoup trompés, ces Français, avoue Larcher, précisément pour ne pas « ouvrir la porte à l’extrême droite ». Dans la démocratie exemplaire qui est la nôtre, on aurait donc menti sciemment aux électeurs pour garder le pouvoir entre partis de gouvernement ? Qui le croirait ? Ainsi, désormais, il faudrait cesser de mentir, sans quoi ces électeurs trompés seraient capables de rejoindre précisément ceux qui… ne les ont pas trompés. Ceux qui dénoncent depuis des décennies les risques d’une immigration sans contrôle.

Si le diable a raison

Mais alors, quand Gérard Larcher attaquait le RN bille en tête, avait-il conscience qu’on « trompait les Français sur le sujet » ? L’homme qui défendait la place du foulard islamique dans l'espace public n’y a pas été de main morte. Le 13 avril dernier, sur BFM TV, il assurait qu’il ferait « tout pour combattre Marine Le Pen »Le 20 avril 2022, juste avant la présidentielle, celui qui recommande de cesser de tromper les Français accusait Marine Le Pen de « représenter un danger pour notre pays »Le 4 avril 2017, le même Larcher, qui sera très opposé à la candidature trop conservatrice pour lui de François-Xavier Bellamy, désignait Marine Le Pen comme « l’ennemi numéro 1 » à battre lors de l’élection car « elle est contraire à tous les intérêts de la France [et] aux valeurs de la République ». Pourtant, le RN, comme Zemmour, n'a pas d'autre message que celui-ci : l'arrêt des mensonges en série sur l'immigration et une politique migratoire réelle, gage d'intégration. Si le diable a raison, est-il vraiment le diable ?

À écouter Larcher, on peut enrager. Ou se réjouir que la classe politique, en dehors des forcenés de la NUPES, se range peu à peu à des positions raisonnables, jusqu’au socialiste Julien Dray, désormais adepte de quotas migratoires.

Raison trop tard ?

Il n’est jamais trop tard pour emprunter le chemin de Damas, poussé par les échéances électorales. L’ancien député des Yvelines Jean-Frédéric Poisson, président du parti VIA, n’est pas si surpris par la conversion du président du Sénat. « La plate-forme de l'UDF-RPR de 1993, celui de Giscard, Chirac, Juppé et Bayrou, serait considérée comme droitière par rapport au programme du RN actuel, rappelle-t-il. Il y a une conscience depuis trente ans à droite qu’il faut donner un tour de vis. » On attend toujours... Poisson rappelle aussi que Larcher est élu depuis 1983 dans les Yvelines, un département qui abrite la tranquille Versailles mais aussi Trappes, Mantes-la-Jolie ou La Verrière, villes à haute concentration d'immigrés. Les Yvelines sont le département le plus pourvoyeur de combattants de Daech. Larcher le sait, bien sûr. Par ailleurs, le président du Sénat écoute : « Il fait le tour de France, parle aux élus et entend partout le même constat, explique Jean-Frédéric Poisson à BVDéjà, l’an dernier, il avait tenu des propos alarmistes en privé, auprès des élus des Yvelines. Aujourd’hui, le sujet est devenu évident et manifeste pour tous. Nous assistons en effet à la conversion des ouvriers de la onzième heure : ils seront traités comme les premiers, selon l’Évangile », sourit Poisson.

Une partie de la droite reproche à Jean-Marie Le Pen d’avoir eu raison trop tôt. Larcher, lui, prend le risque sérieux d’avoir raison… trop tard.

Marc Baudriller

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