Il y a plus de quinze ans désormais que la question Louis XVII a été close par comparaison d’ADN chez les historiens de l’anecdote (la “petite histoire”). Nous pensons, disant cela sans aucun mépris, à des gens qui furent nos amis et qui, aujourd’hui, reposent dans la paix éternelle. Par exemple Jacques Hamann, qui fonda le Cercle d’études historiques sur la question L. XVII. Nous tenons de lui une rigueur scientifique qui le fit fréquenter les meilleurs de la spécialité : Jean Tulard, Alain Decaux, André Castelot, Jean-François Chiappe… Il nous honora de son amitié lorsque nous décidâmes, à Historama, en avril 1991, de consacrer un numéro à cette question urticante. Ce n’était pas la première fois, ce ne fut pas la dernière.
Aujourd’hui, plus de sept cents ouvrages (je dis bien 700 !) sont consacrés à la survivance ou, au contraire, à la mort de l’Enfant du Temple. Sans compter le bon millier d’articles de presse… Et plus de cent prétendants – tous réfutés – se sont avancés au premier plan, sous les flambeaux, quand ils en avaient l’âge. Depuis, il était possible que cessent au moins les démonstrations. « Sauf coup de théâtre apporté par la science moderne, disait Jacques Hamann, ou par la découverte de documents conséquente à l’ouverture d’archives, les trouvailles ne peuvent être époustouflantes et les chercheurs ne deviendront plus les stars de la petite histoire ». Voilà où nous en sommes en cette deuxième décennie du XXIe siècle.
Que penser du dernier ouvrage en date sur la question, à savoir Sang royal, de Jean-Louis Bachelet, édité chez Ring ? Il a beau être sous-titré “La vérité sur la plus grande énigme de l’Histoire de France”… c’est à voir. Tout d’abord ce livre ne commence vraiment qu’à la page 111. Tout ce qui précède est archiconnu et nous ne pouvons qu’approuver l’auteur : la terre de France est baignée du sang des contre-révolutionnaires – à commencer par ces Vendéens dont je m’honore d’être un descendant. Maintenant, l’exagération n’apporte rien à la thèse : les Vendéens n’ont pas été « exterminés par centaines de milliers ». Deux historiens reconnus, Reynald Secher et Jean-Clément Martin, s’en tiennent – chacun pour son clan – à une “fourchette” qui va de 160 000 à 200 000. C’est déjà beaucoup…
Alors, sur notre sujet. Reprenons. Jean-Louis Bachelet a lu un certain nombre d’ouvrages et les a analysés. Il lui reste cependant beaucoup de travail… Dans la bibliographie “succincte” de 48 titres (pas tous consacrés à l’affaire) sur 700 qui termine son ouvrage, la part des partisans de la mort de l’Enfant domine largement. Il a lu Augustin Cochin et donc tient compte de “l’épopée du grand on”. C’est bien, Cochin ça vaut mieux qu’Aulard. Partant du commencement, il expédie assez justement le premier roman écrit sur la question : Le Cimetière de la Madeleine de Regnault-Warin, qui ne prédispose pas à prendre la survivance au sérieux. Mais il fait l’impasse sur la transplantation à Saint-Denis des restes supposés de Louis XVI et de Marie-Antoinette – leurs cadavres ayant été immergés dans la chaux vive, ce qui laisse peu d’espoir quant aux “restes”. C’est là, dans la basilique, que repose désormais le coeur, également supposé, de l’Enfant. De ces suppositions, il ne dit rien ou les expédie en un tour de main. Et pourtant…
La plus grosse part de sa démonstration revient à Naundorff, dont on sait qu’il fut petit valet de Mme Vigée-Lebrun (c’est un détail intéressant qui lui aurait permis de s’instruire du quotidien de Versailles) avant d’être horloger et d’émigrer en France sous le règne de “l’usurpateur”, le roi Louis-Philippe… qui avait déjà à combattre la duchesse de Berry. À ce propos, pourquoi Bachelet, page 186, fait-il de Marie-Caroline la “fille de Charles X” ? C’est dommage mais j’ai achopé sur ce point à son analyse. D’autant plus dommage qu’au contact de Mme de Rambaud, nous serions portés de croire à ce qu’avance “l’horloger prussien”. Il s’appesantit sur les procès de 1851 et de 1874 où Jules Favre prend le parti de Naundorff et s’emberlificote dans sa plaidoirie. Bien joué !
Bachelet n’a pas lu Le Roi de Thermidor, de Jean Pascal Romain (décédé en 1985), qui fut – de loin – le meilleur analyste de la question. Comme le disait Jacques Hamann à votre serviteur, reprenant le propos de son ami : « Je n’œuvre ni pour ni contre (Naundorff) mais pour la seule recherche de la vérité dans cette affaire du Temple dont l’éclaircissement me paraît souhaitable parce que, en une certaine mesure, le destin même de la France s’y trouve engagé. » Ce point de vue est aussi le mien. J’espère qu’il en va de même de Jean-Louis Bachelet.
Nicolas MEAUX
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