Ivan Cadeau, officier et docteur en histoire, est chef du bureau Doctrine, opérations et renseignement au Service historique de la Défense. Spécialiste des guerres d’Indochine et de Corée, il intervient régulièrement devant les cadres de l’armée de terre et est l’auteur de nombreux articles et ouvrages. Son nouvel ouvrage Okinawa 1945 vient d’être publié chez Perrin en collaboration avec le Ministère des Armées.
Okinawa occupe une place singulière puisqu’elle est non seulement la seule bataille qui se déroule véritablement sur le sol japonais, mais surtout parce qu’elle constitue la dernière bataille de la Seconde Guerre mondiale. Elle clôt dans le sang, et en atteignant un degré de violence jusqu’alors inédit dans le Pacifique, le cycle d’opérations militaires qui secouent la planète depuis la fin des années 1930. Le sort réservé aux habitants d’Okinawa et des îles environnantes symbolise également l’horreur que subissent les populations civiles en guerre, en Europe comme en Asie, écrasées sous les bombes.
Typhon d’acier
Quant aux soldats, japonais comme américains, les conditions particulières du combat font d’Okinawa un cas à part. Certes, Guadalcanal, Tarawa, Peleliu ou encore Iwo Jima, pour ne citer qu’eux, ont causé des pertes importantes et connu des épisodes marquants, mais Okinawa les surpasse par leur ampleur : avec plus de 12.500 tués, elle est pour les Américains la plus meurtrière des batailles livrées sur le théâtre d’opérations de l’Asie-Pacifique. Par certains de ses aspects, elle rappelle également les engagements emblématiques de la Première Guerre mondiale tels Verdun et Passchendaele. Les duels d’artillerie et l’intensité du feu dépassent ce que les soldats du Mikado, les GI’s et les Marines, même vétérans des campagnes précédentes, ont pu endurer. Ce sont eux, notamment, qui donnent à la bataille d’Okinawa son surnom de “Typhon d’acier”, quand la mémoire japonaise évoque plutôt la “Pluie d’acier”. Plus de 25.000 soldats de la 10e armée américaine, trop longtemps exposés à l’artillerie nippone, au stress et à la peur, sont incapables de poursuivre la lutte et doivent être retirés du front et mis au repos, pris de tremblements incontrôlés ou plongés dans un état catatonique. Ces syndromes touchent également – et c’est une autre nouveauté – des centaines de marins de l’US Navy soumis entre avril et juin 1945 aux attaques kamikazes, projetés parfois par vagues de centaines d’appareils contre les bâtiments américains.
Un ouvrage d’une grande clarté qui méritera l’attention de tous les amateurs d’histoire militaire.
Okinawa 1945, Ivan Cadeau, éditions Perrin, collection Champs de Bataille, 288 pages, 25 euros
A commander en ligne sur le site de l’éditeur