Misère du monde
Dans son allocution de dimanche soir, le président de la République évoque les deux milliards d’euros par an de l’hébergement d’urgence, veut conditionner l’aide de la France aux pays d’Afrique subsaharienne à une politique « responsable » sur le dossier de l’immigration et entend se pencher sur les pays dits « de transit » en s’attaquant aux réseaux de migrants. Le tout agrémenté de la fameuse phrase réaliste de l’ancien Premier ministre Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » Un constat que seuls Reconquête et le RN s’autorisaient, jusqu’ici, à établir nettement. Zemmour a, du reste, souvent cité le mot de Rocard sous les yeux effarés des représentants du politiquement correct. Les actes macroniens ne vont pas tout à fait dans le sens de ses propos tous neufs, les Français l’auront remarqué, mais il faut noter l’évolution du discours. C’est, en soi, une forme de miracle : pas certain qu’on puisse l’attribuer à la visite papale.
Autre conversion subite, celle de Bernard Kouchner, qu’on n’attendait pas dans ce rôle. Au micro de Frédéric Haziza, sur Radio J, l’ancien ministre fend l’armure : « Le pape, c’est facile, pour lui [de parler] devoir moral, lance l’humanitaire célèbre pour ses sacs de riz. Il faut vraiment trouver une solution européenne. L’Europe n’existera pas si le problème de l’immigration se pose massivement, et il va se poser. » Bien vu l’aveugle, comme disait l’autre. Il se poserait même déjà depuis plusieurs années, ce problème d’immigration massive, qu’on n’en serait guère étonné, Monsieur le Ministre. Il faut tout de même, là encore, noter la progression, comme disent les profs, du French doctor aujourd'hui âgé de 83 ans qui a commencé sa carrière dans le militantisme communiste et antifasciste pour la poursuivre sous les ors de la République versions mitterrandienne, chiraquienne et sarkozienne. Contrairement à la valeur, la lucidité attend parfois le nombre des années…
Attali, touché par la grâce ?
Mais la plus spectaculaire de ces conversions, digne d’un saint Paul foudroyé par la grâce, touche l’inénarrable Jacques Attali. Dans le dernier billet de son blog, l’ancien conseiller de Mitterrand (entre autres) livre un saisissant plaidoyer en faveur (oui, en faveur) des frontières. Vous me direz qu’il plaide en faveur des frontières extérieures de l’Europe et non des frontières nationales, et vous aurez raison. Mais il faut, là encore, saisir le progrès fulgurant du personnage. Attali démarre par ce constat absolument indéniable pour qui se penche sur l’Histoire de l’Europe et sur les idées de son cofondateur, l’effroyable Jean Monnet (il faut, pour cela, lire l’excellent livre de Philippe de Villiers, bien sûr, mais aussi celui d’Aquilino Morelle, ancienne plume de François Hollande qui désosse, dans L'Opium des élites (Grasset), l’arnaque européenne avec art et sans concession). « La crise migratoire actuelle et le drame de Lampedusa devraient rappeler à tous ceux qui l’ont oublié, prêche Jacques Attali, une des lacunes majeures, volontaires, du projet européen : le refus obstiné des pères fondateurs de définir des frontières, et de se donner les moyens de les faire respecter. » Bel aveu de la part de ce mondialiste et européiste échevelé. Le résultat est là, constate Attali : l’industrie européenne « est, plus que jamais, menacée d’être détruite par les investisseurs américains qui viennent racheter ses fleurons, et par les entreprises chinoises, qui viennent, sans droit de douane, concurrencer déloyalement ses produits ». Autant dire que notre Europe présentée comme la solution à tout depuis des décennies n’est plus qu’un gibier facile, un garde-manger ouvert à tous les habitants de la planète qui se donneront la peine de venir.
« Pas d'armée, pas de frontières »
Dieu sait si Attali ne fut pas un chantre des frontières, ni un ferme soutien de nos hommes politiques qui eurent malheureusement pour eux raison avant les autres sur la question : Jean-Marie Le Pen, Jean-Pierre Chevènement, Philippe Séguin, Philippe de Villiers, Arnaud Montebourg. Avec Attali, le propos est si confus que tout est toujours dans tout et l’inverse est vrai. Il vous dira ainsi qu’il plaida pour des frontières extérieures à l’Europe… sans jamais cesser de soutenir ceux qui y étaient opposés - Mitterrand, Hollande, etc.
Résultat : la frontière elle-même qu’on gardait depuis l’Empire romain avec tant de mal et de sang a disparu. « L’insistance américaine pour maintenir, par l’OTAN, leur contrôle total sur la défense du continent interdisait aux Européens de prendre conscience de la nécessité de se défendre eux-mêmes : pas de frontières, pas d’armée, résume Jacques Attali. Pas d’armée, pas de frontières. ». Et il rappelle que Frontex dispose de 1.500 agents pour protéger les milliers de kilomètres de cette Europe tant convoitée, dont 1.000 agents mis à disposition par les pays membres. Une goutte d’eau. « L’Europe se retrouve alors privée de tous les moyens de la souveraineté : ni armée, ni industrie, ni protection contre les immigrations illégales, conclut Attali, qui a repris ses propos à la télévision. Et si on continue comme ça, les partis d’extrême droite auront beau jeu d’expliquer qu’il faut rendre le contrôle des frontières, internes et externes, de l’Union aux forces de police de chaque pays. »
Si on continue comme cela, les Français risquent de donner le pouvoir à ceux qui ont raison depuis quarante ans au détriment de ceux qui les ont précipité dans l’abîme. Brrr, on en frémit !
Marc Baudriller
https://www.bvoltaire.fr/immigration-trois-nouveaux-convertis-macron-attali-et-kouchner/