Le Livre « La légende du roi Arthur » de Martin Aurell analyse la littérature arthurienne, qualifiée de « matière de Bretagne », au cours des années 550 à 1250, dans un voyage menant du Pays de Galles à la France du Nord, du paganisme celtique à l’ascétisme chrétien.
Tout au long du Moyen Âge, le roi Arthur hante l’imaginaire d’hommes et de femmes qui entretiennent le souvenir de ses aventures. Très tôt, au moins à partir de l’an 570, des épopées en langue galloise exaltent les combats d’un guerrier admirable portant son nom et affrontant les Anglo-Saxons. Toujours en Grande-Bretagne, ces chansons en langue vulgaire sont relayées par plusieurs chroniques et vies de saints en latin, mises en forme entre les IXe et XIIe siècles.
Peu après la conquête normande de l’Angleterre, un clerc d’Oxford, Geoffroi de Monmouth, fait une longue synthèse en latin de toutes ces traditions (l’Historia regum Britanniae - Histoire des rois de Bretagne). De son vivant, le livre est traduit en français par l’écrivain normand Wace, et il connaît dès lors une large diffusion sur le continent.
Dès la fin du XIIe siècle, des ouvrages de fiction en langue vulgaire ou romane, qu’on appelle « romans », sont consacrés à Arthur. Les plus anciens sont signés de Normand Wace et de Chrétien de Troyes.
Chrétien de Troyes est indéniablement novateur. Il est le premier à rédiger des romans dont la matière est de Bretagne, sans se limiter, comme Wace, à adapter en français une œuvre latine à visée historique. Il met donc en scène Arthur et les guerriers de la Table Ronde, se déplaçant à cheval dans le monde magique de l’ancienne mythologie celtique qu’il stylise en profondeur jusqu’à les rendre méconnaissables. Il imagine des châteaux et palais luxueux, peuplés de dames raffinées, traitées avec courtoisie. Il développe ces aventures, autant amoureuses que militaires, dans de longs récits de quelque huit mille vers en langue vulgaire, et jette donc les bases thématiques et formelles d’un genre original, promis à un long avenir.
Chrétien de Troyes fut le premier à introduire le Graal sans toutefois en dire grand-chose. Selon l’écrivain picard Gerbert de Montreuil, poète de la cour de Ponthieu, un de ses Continuateurs, Chrétien de Troyes trouva la mort lors de la rédaction du Conte du Graal. C’est ce qui explique la fin abrupte du roman. Le « graal » reste une énigme qui va donner lieu à plusieurs continuations.
Nul ne peut dire aujourd’hui quelle est l’origine du « graal » de Chrétien. Les spécialistes du folklore et des civilisations indo-européennes considèrent souvent que le Conte du Graal n’est que le dernier avatar d’une très antique structure narrative, issue de mythes païens.
Le récit tronqué par le brusque abandon du Conte du Graal, reste enveloppé d’un profond mystère. Dès la fin du 12e siècle, il donne naissance à de nombreux continuateurs qui vont poursuivre l’œuvre inachevée de Chrétien de Troyes. Ils laissent d’imposantes œuvres où des chevaliers, qui incarnent les valeurs d’une parfaite noblesse chrétienne, partent à la quête du Graal, reprenant les thèmes arthuriens de Chrétien de Troyes.
Martin Aurell est directeur de la revue Cahiers de civilisation médiévale et professeur d’histoire médiévale.
La légende du roi Arthur, Martin Aurell, éditions Perrin, collection Tempus, 928 pages, 12,50 euros
http://histoirerevisitee.over-blog.com/2018/05/la-legende-du-roi-arthur.html