Qui sait encore ce que veulent dire les mots « Toussaint rouge » ? C’était le 1er novembre 1954, Guy Monnerot, un instituteur de Limoges fraîchement débarqué en Algérie avec sa jeune épouse, institutrice elle aussi, est tué par le FLN lors d’une embuscade dans les gorges de Thighanimine. Il est considéré comme le premier mort de ce qui allait devenir - nul ne le savait encore - la guerre d’Algérie. La journée est marquée par neuf autres assassinats.
Ce 1er novembre 2023 était férié, en Algérie : c’était la « fête de la révolution ».
Comment ne pas voir mille similitudes entre ce qui s’est passé il y a 69 ans et ce qui nous tombe sur la tête aujourd’hui ?
Samuel Paty et Dominique Bernard sont les nouveaux Guy Monnerot. L’assassinat de l'instituteur avait suscité une vive émotion. À l’office pour son inhumation dans l’église Saint-Joseph à Limoges, des centaines personnes s'étaient rassemblées, comme pour la messe d’enterrement de Dominique Bernard dans la cathédrale d’Arras. Cet instituteur est un symbole, pour un camp comme pour l’autre. Les écoles deviennent des cibles parce qu’elles représentent la culture française. In fine, le nombre d’enseignants assassinés dans ce conflit s’élèvera à 70. À Arras, le terroriste islamiste cherchait un prof d’histoire. À défaut, un prof de lettres a fait l’affaire.
Les méthodes du FLN, son modus operandi, étaient celles du Hamas aujourd’hui : le 20 août 1955, aux prémices de la guerre, une attaque du FLN vise simultanément une quarantaine de lieux dans le Nord constantinois. À Philippeville, à Sétif et ailleurs, des familles, notamment des jeunes femmes et des enfants, furent massacrées et mutilées comme dans les kibboutz début octobre… déjà au cri d’Allah akbar.
Le mensonge et la propagande sévissaient aussi : lors du massacre de Melouza, le FLN avait commencé par accuser l’armée française, jusqu'à ce que l'évidence s'impose. Déjà, la riposte de l’armée suscitait d’insondables cas de conscience, d’épouvantables dilemmes et une opération de diabolisation était téléguidée en sous-main par l’extrême gauche pour manipuler l'opinion, comme le montrent les romans Les Centurions de Lartéguy, Le Tortionnaire de Volkoff ou le film Pour l’honneur d’un capitaine de Pierre Schoendoerffer.
Car, déjà, l’extrême gauche soutenait sans condition, avec les mêmes éléments de langage, parlait de résistants opprimés par des colons. Parce qu’ils étaient victimes éternelles et absolues, tout était pardonné aux Algériens comme aujourd’hui aux Palestiniens. Jean-Paul Sartre, dans sa préface au livre Les Damnés de la terre de Frantz Fanon, a donc pu écrire sans complexe et sans être nullement inquiété dans sa carrière de mandarin invité dans toutes les universités, étudié dans toutes les écoles, la terrifiante phrase suivante : « Le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. »
Le trait d’union entre hier et aujourd’hui est résumé aujourd'hui par Taha Bouhaf, militant d’extrême gauche franco-algérien, ancien candidat LFI, protégé d’Éric Coquerel et de Jean-Luc Mélenchon. Ces derniers jours, son compte n’était que soutien à la Palestine et dénonciation d’Israël. Il crie « Guiraud Président ! » quand le député LFI se déclare solidaire de la manifestation parisienne pro-palestinienne. Le 1er novembre, Taha Bouhaf a décidé de parler de l’Algérie… y voyant un motif d’inspiration pour la Palestine : « 1er novembre. Gloire à nos martyrs. Vive le peuple algérien. Pensée pour nos Palestiniens, votre jour viendra. »
L’extrême gauche, au fond, n’a pas changé. Ce sont les yeux de certains qui se sont (enfin) décillés. Pour combien de temps ?