En France, singulièrement, nous avons à la fois la plus importante communauté israélite et la plus importante communauté musulmane d'Europe. Emmanuel Macron le sait bien ; c’est même lui qui l’a dit. Ce numéro d’équilibriste est-il dans les cordes du roi de l’en même temps ? C’est ce qu’il semble croire. Après s’être très tardivement rendu en Israël, où personne ne l’attendait, semble-t-il, Macron a décidé d’envoyer un signal à Gaza : c’est le Tonnerre, l’un des plus gros navires de la flotte française, un porte-hélicoptères amphibie, qui a appareillé de Toulon le 25 octobre dernier pour se porter au large des côtes palestiniennes. On pourrait trouver ce geste très généreux et s’en tenir là. On pourrait aussi se dire que le président de la République, qui vient de débloquer 100 millions d’euros d’argent public pour développer les entreprises du Nigeria, a décidément un curieux sens des priorités. Mais tout cela n’est pas l’information principale.
Le fond du problème nous est incidemment exposé par le pacha de ce navire français. En effet, malgré une présentation pleine de promesses sur le site du ministère des Armées, sur lequel il est fait mention d’un bloc chirurgical et d’une capacité de soixante lits, le médecin-chef du navire explique qu’un sous-effectif au sein de l’équipage empêche d’utiliser actuellement la plupart des structures du Tonnerre. À la question « Combien de blessés le navire peut-il accueillir ? », le commandant répond sobrement : « Deux blessés, deux blessés graves. » Quatre blessés, soit l’équivalent de cinq secondes de bombardement, peut-être…
Interrogé par l’émission « Morandini Live », le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, confirme, et ajoute : « On veut emmener d'autres pays. Nous mettons beaucoup de moyens sur la table pour faire effet de levier. Le statut de nation-cadre, c'est comme un gros bloc de multiprises dans lequel nous mêmes, on remplit quelques prises et on permet à d'autres pays de venir se connecter, de venir assembler des moyens. » On passe sur la comparaison entre le statut de nation-cadre et la multiprise, après tout, si c’est plus simple à comprendre. En revanche, dire que l’on met « beaucoup de moyens sur la table » après avoir confirmé que nous envoyions de quoi évacuer quatre blessés, il y a de quoi rigoler. Quant aux autres pays qui viendraient « se connecter » ou « assembler des moyens », on ne les a pas encore vus. Il faut croire que l’effet de levier annoncé par le ministre n’est pas suffisamment puissant.
Incapacité à trancher, peur de la communauté musulmane de France, prête à s’enflammer pour Gaza, effets de manche et d’annonce… et finalement rien, ou tout du moins pas grand-chose. Comparaison n'est pas raison, mais tout de même : dans son récent ouvrage Ce qui nous attend, le général (2S) Dominique Trinquand, coutumier des plateaux télé, nous apprend que la Chine, tous les quatre ans, bâtit l'équivalent de notre marine nationale...
Arnaud Florac
https://www.bvoltaire.fr/point-de-vue-soutien-sanitaire-de-gaza-la-grande-misere-de-notre-marine/