Pour Gérald Darmanin, à Ouistreham, le problème est réglé, vraiment ?
À Ouistreham, en Normandie justement, où nous avons enquêté très récemment, la situation n'est pas exactement telle que décrite par Gérald Darmanin : c'est depuis la mi-août que le nombre de migrants installés sous des tentes de fortune à proximité de la gare maritime a brusquement augmenté, passant d'une dizaine d'individus à plus de 250 hommes jeunes nourris et pris en charge par des associations.
Une situation tendue pour le maire, les habitants, les commerçants et les touristes anglais qui - contrairement à ce que prétend le ministre - n'est absolument pas réglée à ce jour.
Répondant à cette question de Pascal Praud (à 39'40") : « Mais qu'est-ce qu'on va faire à Calais, comment on va évoluer ? » , le ministre de l'Intérieur profère ce gros mensonge : « À Calais, Valls a été très courageux, Cazeneuve a été très courageux, Collomb a été très courageux. Nous évacuons, nous l'avons encore fait à Ouistreham avant hier, c'est Caen. »
Or, qu'en est-il réellement, à Ouistreham ?
Et pourtant, à Ouistreham, la situation n'est pas aussi idyllique. S'il est vrai que, le jeudi 7 décembre, les services de la préfecture ont en effet bien évacué 54 migrants pour leur assurer « un abri pérenne », le reste de la troupe (environ 200 jeunes Soudanais) est, à ce jour, toujours sur place.
Par ailleurs, les bus affrétés pour l'évacuation des 54 volontaires n'ont fait que déplacer le problème ailleurs, c'est-à-dire dans d'autres villes de l'Eure, de Seine-Maritime, à Angers, Angoulême, Clermont-Ferrand et Besançon. Une véritable obsession du gouvernement que ces dispersions en province de migrants en ces semaines cruciales de préparation des Jeux olympiques. Mais ce n'est pas tout : d'autres mensonges ont également été proférés sur le même sujet.
Ce Brexit qui a bon dos !
Gérald Darmanin croit avoir trouvé le coupable à la déferlante migratoire : le Brexit ! Saisissant là une bonne occasion de donner une leçon de choses aux souverainistes, il déclare : « Constatons ensemble que la sortie de la CEDH, la sortie de l'Europe, ça n'a pas donné grand-chose avec nos amis britanniques. Les migrants qui viennent là, c'est pour aller en Angleterre. Malheureusement, la démagogie qui a mené au Brexit n'a jamais donné autant de migrants qui sont allés en Angleterre. Pour le discours français, les "il y a qu'à, il faut qu'on", les Frexit, les sorties de tout ça ne mènent rien sauf à ce qu'on voit. »
Une accusation qui n'a rien à voir avec la réalité. Le Brexit (sortie de l'Angleterre de l'Union européenne) n'est entré en vigueur que le 31 janvier 2020 à minuit. Et ce n'est que le 31 décembre de cette même année 2020 que les frontières anglaises se sont effectivement fermées à la libre circulation des personnes. Soit plus de cinq ans après les premières arrivées de migrants à Calais (dès 2014) et Ouistreham (2017). Et si la situation a particulièrement empiré, en 2018, en Normandie et en Bretagne d'ailleurs, c'est suite au démantèlement de cette même jungle de Calais qui a précipité les clandestins vers d'autres gares maritimes. Une belle opération de diversion réussie, à l'époque, qui a permis aux politiques comme Gérald Darmanin de triompher pendant que des campements de migrants se reconstituaient ailleurs... pour ne plus disparaître !
Cette situation tragique remonte à 2003, année où un certain Jacques Chirac signe avec l'Angleterre les accords du Touquet, s'engageant moyennant finances à ne pas laisser les migrants traverser la Manche tout en maintenant les frontières françaises grandes ouvertes ! Un véritable piège pour les candidats au départ de plus en plus nombreux, cette année 2023 battant tous les records et qui n'a rien à voir avec le fameux Brexit.
Gérald Darmanin multiplie les bourdes, ces derniers jours. Par manque d'information ? C'est très inquiétant. Volonté politique ? Guère plus rassurant pour ce premier flic de France décidément adepte des grandes diversions.