Par James Howard Kunstler – Le 15 décembre 2023 – Source Clusterfuck Nation
La société ne vit et n’agit que par les individus…. Chacun porte une partie de la société sur ses épaules ; personne n’est déchargé de sa part de responsabilité par les autres. Et personne ne peut trouver une issue sûre pour lui-même si la société est en train de s’effondrer. – Ludwig von Mises
Rappelez-vous que vous êtes un individu souverain et que le blob dans la capitale de notre nation est une masse indifférenciée de protoplasme sans cervelle. Vous renfermez un cosmos d’idées et d’aspirations. Le blob est un agglomérat de simulacres et d’échecs. Le blob se représente lui-même, il ne représente pas notre pays. Vous et moi pouvons défendre notre pays.
N’oubliez pas non plus que l’économie de notre pays, à son apogée, était la somme des choix faits par des individus souverains, tandis que l’économie du blob est une accumulation gélatineuse d’hypothèses bancales qui n’ont rien à voir avec la poursuite du bonheur. Nous le sentons dans les rumeurs menaçantes d’une monnaie numérique de la Réserve fédérale, qui implique la réhypothèque de nos espoirs et de nos rêves dans le flux de déchets du blob, transformant tout ce que nous faisons – on ne peut pas le dire avec délicatesse – en merde.
La monnaie numérique de la Fed servira à masquer l’échec de la financiarisation de l’économie. La finance, vous comprenez, était un module de l’économie, avec un rôle particulier à jouer. L’objectif de la finance, autrefois, était de rassembler les richesses excédentaires provenant d’une activité productive antérieure afin de rendre possible une nouvelle activité productive. La financiarisation, cependant, ne fait pas cela. La financiarisation est un effort pour remplacer l’économie de production réelle par un hologramme de production. La financiarisation est un racket – et un racket, rappelons-le, est un effort pour obtenir quelque chose pour rien, c’est-à-dire de manière malhonnête. Le blob se nourrit et prospère grâce à la malhonnêteté, sa nourriture préférée.
La financiarisation cherche à reproduire la valeur non pas à partir d’une activité productrice de richesse, mais à partir de choses qui prétendent seulement représenter la richesse : actions, obligations, devises et tout ce qui peut prétendre détenir de la valeur, en se conformant à des notions et à des souhaits. Ses opérations sont basées sur des “produits dérivés” parce qu’elles visent à tirer une “richesse” supplémentaire de choses qui signifient la richesse, mais qui ne sont pas la richesse elle-même. Chaque itération d’un produit dérivé rend davantage abstraite sa valeur par rapport aux choses réelles signifiées à l’origine, telles que les entreprises productrices de revenus, les prêts portant intérêt, les baux et les contrats de livraison de marchandises. Les produits dérivés peuvent être considérés comme de fausses richesses, et lorsqu’ils s’accumulent en nombre suffisant dans une économie financiarisée, ils font exploser l’économie, semant la pagaille dans le paysage économique.
De nombreux observateurs de ce paysage s’attendent à ce qu’une telle explosion se produise d’un moment à l’autre. Ils affirment qu’elle peut prendre la forme d’un krach boursier, d’une faillite du marché obligataire, d’une fermeture des banques et de désordres monétaires (monnaies). Tout cela peut appauvrir et même ruiner beaucoup de gens. Nous vivons actuellement une phase préliminaire corrosive de ce phénomène, l’ouverture d’une grande explosion elle-même. Les effets sont ressentis de manière aiguë par les classes moyennes, qui luttent en vain pour payer leurs factures, faire rouler leur voiture et nourrir leurs enfants.
L’économie financiarisée était prête à exploser en septembre 2019 lorsque les symptômes d’une détresse grave se sont matérialisés dans un coin obscur du système connu sous le nom de marché des prises en pension, où les banques se prêtent mutuellement de l’argent à très court terme, généralement du jour au lendemain, pour fournir ce que l’on appelle des “liquidités”, c’est-à-dire l’apparence de la solvabilité. La crise s’est traduite par une hausse dangereuse des taux d’intérêt. La Fed a trouvé suffisamment de liquidités pour étouffer la crise, puis, comme par miracle, l’“urgence” de la Covid-19 quelques mois plus tard lui a donné la possibilité d’“imprimer” des milliers de milliards de dollars et de distribuer rapidement cet “argent” dans l’économie réelle, là où les gens achètent les choses de la vie quotidienne.
Le résultat de ce méfait monétaire est l’inflation d’aujourd’hui. L’inflation, bien sûr, est une façon de se ruiner. Vous avez beaucoup d’argent qui perd de plus en plus de valeur. L’autre façon de se ruiner est la déflation, où l’on n’a plus d’argent. Dans le cas d’une déflation globale, personne n’aura d’argent, de sorte qu’au moins vous aurez de la compagnie dans la misère d’être fauché. À mon avis, la situation actuelle se dirige vers une grave déflation. Les déflations sont provoquées lorsque les personnes et les entreprises ne peuvent pas faire face à leurs obligations en matière de dette – ne peuvent pas assurer le “service” de leurs prêts (payer les intérêts), ou rembourser les sommes contractées, ou ne peuvent tout simplement pas payer leurs factures. Chaque prêt qui échoue entraîne la disparition d’une partie de l’argent – pouf – et lorsque tout cela se produit, il n’y a plus d’argent.
La monnaie numérique de la Réserve fédérale est une sorte de solution de dernier recours. C’est un moyen simple pour le système de prétendre qu’il y a beaucoup d’argent alors qu’il n’y en a pas vraiment. Elle présente l’énorme avantage supplémentaire, grâce à la comptabilité informatisée, de permettre aux autorités de contrôler ce que chacun dépense avec son argent, en particulier la possibilité de bloquer l’achat de telle ou telle chose : un billet de train, de l’essence, de la viande, si les autorités en ont envie. Elle permet également aux autorités de prélever des impôts, des taxes et des pénalités à volonté, sans aucun accord de la part du citoyen. Une monnaie numérique fédérale constituerait un pas de géant vers la pire forme de tyrannie exquise et ciblée. L’excuse, bien sûr, serait une “urgence nationale”.
Une monnaie numérique serait probablement d’abord testée parmi les plus démunis de la société, ceux qui ont peu ou pas de revenus. C’est déjà le cas, en fait, avec les cartes de débit actuellement délivrées aux personnes qui franchissent illégalement la frontière. Les comptes de ces cartes sont rechargés tous les mois, ce qui équivaut à un revenu de base garanti. Ensuite, ce privilège sera étendu aux couches économiques inférieures des citoyens américains, et ainsi de suite, jusqu’à ce que toute la classe moyenne et même les couches supérieures soient enrôlées, et alors les autorités auront la capacité de bousculer tout le monde.
C’est en tout cas l’hypothèse. Je ne crois pas que cela fonctionnera. Les autorités ont sous-estimé le nombre de citoyens qui savent ce que signifie être des individus souverains. Ils refuseront de se laisser faire. Ils pourraient même se rebiffer, commencer à piétiner les tentacules du blob à mesure qu’il s’étend sur le territoire. Les citoyens d’une région ou d’une autre de notre pays pourraient aller jusqu’à créer leur propre monnaie, ce qui ferait d’eux des régions souveraines d’individus souverains. Ce sera un problème que le blob et le blobisme ne peuvent surmonter.
James Howard Kunstler
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone