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Comment les USA volèrent Cuba et les Philippines

 On ne change pas une équipe qui gagne. Ni surtout ses méthodes.

En 1898 les Etats-Unis déclarèrent la guerre à l’Espagne. Ils balayèrent la flotte de ce pauvre pays, s’emparèrent de Cuba et des Philippines – jugées indispensables alors pour s’emparer de la Chine convoitée. A la même époque des révolutions orange éclatèrent à Hawaï et au Panama pour s’assurer ces territoires stratégiques. La guerre à l’Espagne fut comme toujours déclarée suite à un attentat « fausse bannière ».

Toute la plèbe goba le storytelling officiel. Il n’aurait plus manqué que cela !

J’aime citer le mantra de l’historien Joseph R. Stromberg : « il n’est pas une situation dans le monde que l’intervention du gouvernement américain ne puisse aggraver ». Stromberg a une deuxième loi : « tous les pays que les Américains veulent sauver les détestent. » Et de citer Cuba, l’Irak, le Nicaragua, terre de l’United Fruit, et quelques dizaines d’autres…

Quelle ingratitude tout de même !

Prenons l’exemple de Cuba et des Philippines que notre professeur d’université Stromberg a étudié dans un texte excellent.

En 1898 la pression impériale monte pour, une fois la frontière passée sous contrôle et les derniers peaux-rouges évacués dans de minuscules et sordides réserves, décrocher de nouveaux marchés.

Alors on médite.

On envahit l’île d’Hawaï et on détrône la pauvre reine Liliuokalani avec une poignée de marines (car la révolution orange n’a pas attendu Soros) ; Hawaï devient un « Etat américain » peu après. Le logement et le vêtement US déciment la moitié de la population (voyez les livres de Jared Diamond).

Tout le monde écrit, souvent des textes grotesques, grandiloquents ou obscènes. Les excités invoquent le racisme, le commerce, le messianisme, l’humanitarisme, car tout est bon pour abolir la constitution et la doctrine de Monroe. Tout est bon pour attaquer et se créer des marchés et libérer les « races inférieures » de leur méchante barbarie. Comme on voit rien n’a changé.

On envahit Hawaï, puis l’appétit vient en mangeant. On voit que les Espagnols, plus très malins il est vrai, n’arrivent plus à se dépatouiller de la rébellion cubaine qui a trouvé refuge… en Amérique ! Alors on menace l’Espagne, on l’accuse d’inhumanité (il ne s’agit pas pour nous de la défendre, ni aucun empire colonial d’ailleurs), alors qu’on laisse tranquille l’Angleterre qui parque femmes et enfants boers dans des camps de concentration. Prudente, l’Espagne négocie un peu, mais désire garder son contrôle sur Cuba. Les médias trouvent des télégrammes, des lettres incorrectes de fonctionnaires espagnols pour déclencher l’ire de la foule imbibée de médias. Ici aussi on n’a pas attendu la CIA. On a la presse jaune de Hearst.

Après arrive l’incident dont tout le monde rêvait, comme dans les films hollywoodiens. Souvenez-vous du bon navet titré Piège de cristal. « Tu me demandais un miracle, je te donne le FBI », dit le terroriste allemand joué par un Alan Rickman hilare.

Le miracle pour la diplomatie américaine c’est toujours un attentat ou un incident de guerre. Le navire de guerre USS Maine explose dans le port de La Havane le 15 février 1898 ; comme pour la Syrie, on n’attend pas d’enquête, on déclare la guerre. L’opinion est enthousiaste, un million d’hommes se présentent sous les drapeaux pour des motifs humanitaires. Mark Twain et Henry James protestent (qui sont ces deux traîtres ?) !

L’Espagne mal armée et bien naïve est balayée et on signe à Paris (merci la république !) un sale traité de paix. Cuba est indépendante mais l’amendement Platt autorise l’Etat US à intervenir quand il veut. La monoculture du sucre spolie les petits fermiers qui deviendront les cadres de la révolte de Castro. La Havane devient le casino-bordel bien connu.

Aux Philippines ce sera pire. On traite les Philippins de sous-hommes et de nègres (des soldats noirs US ont déserté dont un nommé Fagen qui rejoignit l’insurrection), et on regarde déjà vers la Chine. Les îles seront un porte-avions comme la pitoyable Angleterre aujourd’hui ou le Japon. On les prive d’indépendance, on se rebelle, car on a des hommes et pas des « occidentaux », donc on doit les mater. Cela durera quatre ans, la plaisanterie régénératrice. 200 000 morts, ce sera le bilan de l’opération, un autre crime de guerre américain. Dansez avec les loups.

Tout le monde exulte, frétille. Question d’habitude.

Citons enfin la prose du sénateur Beveridge de l’Indiana pour bien comprendre la mentalité américaine. Cet illuminé résume tout ici :

« Les Philippines sont nôtres pour toujours. Et juste au-delà des Philippines se trouve la Chine avec ses marchés illimités. Nous ne nous retirerons pas. Nous ne renoncerons pas à notre devoir en orient ; nous ne renoncerons pas à la mission de notre race qui est de civiliser le monde. »

Notre phénomène yankee ajoute que ces Philippins « ne sont pas capables de gouvernement autonome. Comment le pourraient-ils ? Ils ne font pas partie des races autonomes. Ce sont des Malais instruits par des Espagnols. »

Puis le débile président McKinley ose parler de la mission de christianiser ces îles comme s’il ne savait pas qu’elles sont catholiques.

Et la cerise sur le gâteau US :

« Mr le Président, cette question est élémentaire. Elle est raciale. Dieu n’a pas préparé les peuples anglophones et teutoniques durant des siècles pour rien. Dieu nous a donné l’esprit de progrès pour mettre fin à la réaction dans le monde tout entier. »

Et la pathologie américaine – qui s’exprime par la bouche d’un Trump ou d’un McCain – de se révéler naïvement, mécaniquement :

« Dieu a décrété que le peuple américain est sa nation élue pour mener la régénération de ce monde. »

Nous voilà rassurés. Et on n’était qu’en 1898 !

Nicolas Bonnal

Bibliographie (Mises.org)

The costs of war : America’s pyrrhic victories, edited by John V. Denson, Transaction Publishers, New Brunswick, New Jersey

Chapter 8: THE SPANISH-AMERICAN WAR AS TRIAL RUN, OR EMPIRE AS ITS OWN JUSTIFICATION, by Joseph R. Stromberg

https://reseauinternational.net/comment-les-usa-volerent-cuba-et-les-philippines/

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