La fin du droit du sol ? parlons-en. Une croyance largement partagée (et cyniquement entretenue) veut que la naissance sur le territoire français suffise à obtenir la nationalité française. Tel n’est pas le cas. En réalité, pour bénéficier de la nationalité au titre du droit du sol, il faut être né en France de parents étrangers mais aussi y avoir vécu pendant 5 ans à l’âge de ses 18 ans.
Dès lors, il est à la fois excessif et inexact de faire croire que la perspective de voir son enfant, né à Mayotte, obtenir la nationalité française à l’horizon de ses 18 ans serait le déterminant essentiel des migrations vers cette île française. Quand on embarque dans des conditions périlleuses pour affronter la mer et les vedettes de la gendarmerie, c’est dans l’espoir d’un Eldorado à court terme et sûrement pas, à titre principal, dans la perspective d’une éventuelle acquisition de nationalité pour ses enfants à l’horizon d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’années…
D’ailleurs, la réforme draconienne limitant le droit du sol à Mayotte, adoptée en 2018 dans le cadre de la loi Colomb (avoir un parent en situation régulière depuis au moins trois mois), annoncée comme une clé de la sortie de crise migratoire, n’a pas permis d’améliorer d’un iota la situation sur place. Le mythe du droit du sol comme déterminant de l’immigration à Mayotte (ou ailleurs…) sert de leurre – ou de chiffon rouge – pour détourner l’attention d’une situation infiniment plus complexe.
En vérité, c’est le différentiel de niveau de vie qui est l’unique déterminant du flux migratoire et qui explique pourquoi environ la moitié des 300 000 habitants de Mayotte (au moins) sont des migrants en situation irrégulière. Le revenu moyen à Mayotte est plus de 12 fois supérieur à celui des Comores : 1500 €/mois contre 135 $/mois. Les habitants d’Anjouan, à 80 km de Mayotte sont dépourvus de tout : hôpitaux, écoles, services publics, eau potable et sont condamnés à la misère dans l’un des pays les plus pauvres du monde. La tentation de gagner l’îlot de prospérité qu’est Mayotte, ses écoles, son hôpital (sur le standard de la métropole), la perspective d’un revenu 12 fois supérieur, est dès lors inévitable !
En revanche, la suppression du visa territorial annoncée en parallèle par le gouvernement, elle, peut exercer une influence considérable, mais dans le sens de l’accueil en métropole… Car la plupart des titres de séjour délivrés par la France à Mayotte ont aujourd’hui une particularité : ils ne valent que pour Mayotte (à l’exception des titres de résident de longue durée – 10 ans – accordés notamment aux réfugiés reconnus par l’OFPRA). Les titres de séjour de courte durée d’un an ou pluriannuels, distribués à la masse des personnes régularisées, ne permettent pas aux étrangers qui en bénéficient à Mayotte de se rendre en métropole. Les détenteurs de ces titres de séjour doivent en plus demander un visa territorial, accordé par le préfet de Mayotte, pour se rendre en métropole, à condition d’offrir toutes les garanties de leur retour à Mayotte par la suite. Ce dispositif représente une précieuse garantie pour maîtriser l’immigration comorienne, malgache ou africaine en France métropolitaine… Donc, pour alléger la pression migratoire sur Mayotte, la suppression des visas territoriaux pourrait bien créer un appel d’air vers la métropole.
MT