La notion d’arc républicain s’impose dans le discours politique. Je n’ai jamais considéré que le RN et Reconquête s’inscrivent dans l’arc républicain, déclare le chef de l’Etat le 19 février. M. Mélenchon s’est mis hors de l’arc républicain affirmait de même le président du Sénat. Outre les compétences constitutionnelles dont elles disposent, les plus hautes autorités de l’Etat s’arrogent en quelque sorte une autorité morale qui consiste à délivrer ou refuser le label républicain au sens de digne de participer à la vie démocratique.
La signification de cette notion est cependant brouillée par des gestes d’apparence contradictoire. Le président Macron avait invité le président du RN aux rencontres de Saint Denis au titre de sa grande initiative le 30 août 2023. Il est tout à fait normal d’avoir des discussions avec le RN, ajoutait-il le 9 février dernier. Ainsi, la notion d’arc républicain semble être à géométrie variable, s’appliquer en certaines occasions, mais pas d’autres. A ce titre, elle semble relever d’un usage opportuniste: utile pour exclure par commodité de communication mais neutralisée si nécessaire à des intérêts politiciens.
En vérité, l’arc républicain a été inventé pour figer la vie politique autour d’une vaste coalition centrale composée de la classe politique dite respectable, entourée par deux maudits, à droite et à gauche, LFI et RN, le mélenchonisme et le lepénisme. Cette approche correspond à l’idéal politique macroniste, celui d’une fusion des forces prétendument républicaines, en gros Renaissance et la droite LR et mieux encore avec des écologistes et des socialistes qui auraient rompu avec LFI, autour de la figure glorifiée du chef de l’Etat. Ce schéma rappelle la Troisième force de la IVe République à ses débuts, quand la coalition centrale formée du MRP centriste et de la SFIO socialiste combattait le parti communiste à gauche et le RPF gaulliste (alors considéré comme anti-système) à droite. Il a l’immense intérêt, pour les dirigeants au pouvoir et leurs alliés, de geler pour des décennies le rapport de force dans la perspective d’un pôle central massif et intangible face aux deux extrêmes diabolisés. Il bouleverse le paysage politique français qui reposait depuis 1958 sur un tête-à-tête entre majorité et opposition (droite/gauche) se respectant mutuellement comme républicaines – et rend quasiment impossible une alternance. Telle n’est-il pas le but recherché?
La grande faiblesse de cette approche tient au déni de démocratie qu’elle exprime. Les candidats Mélenchon, le Pen, Zemmour, ainsi écartés de l’arc républicain représentaient environ 52% au premier tour des présidentielles de mai 2022. Cette notion revient ainsi à considérer que plus de la moitié de l’électorat est non républicain, au sens d’illégitime, hors du champ de l’acceptable. Elle aboutit à une situation où une partie du peuple – et même la majorité – est de fait exclue de la République. Elle procède par ailleurs d’une logique qui valorise la pensée unique, une vision monolithique et conformiste de la vie politique: pour avoir le privilège d’être accepté dans l’arc républicain, il convient de penser droit, conformément à une ligne officielle – ou s’en éloigner le moins possible… Par le plus grand des paradoxes, la notion d’arc républicain est fondamentalement anti-républicaine, au sens ou elle foule au pied le fondement de toute démocratie: le libre débat d’idée, le suffrage universel, le respect du peuple.
MT
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