Pendant que le Sénat français mettait la dernière touche au texte qui fera entrer l’avortement par la grande porte dans la Loi fondamentale, le Parlement européen, sous l’effet d’une écrasante majorité PPE (Parti populaire européen), a voté, ce mercredi, une résolution beaucoup moins anodine qu’il ne pourrait paraître sur le « Rapport 2023 de la commission sur l’État de droit ».
Depuis son introduction dans l’article 2 du texte fondateur de l’Union européenne par le traité de Lisbonne, le concept d'État de droit – un instrument de théorie juridique qui fait toujours l’objet de volumineux débats sur sa portée – est instrumentalisé par l'Union européenne. Non plus seulement pour s'assurer de la légalité des procédures et du respect des principes constitutionnels, mais pour modifier le droit matériel, c’est-à-dire le contenu des lois.
Derrière l'État de droit, la morale progressiste
Préjugeant que les nations européennes se définiraient par une société patriarcale, homophobe, raciste et sexiste, les progressistes se donnent pour mission d’imposer une nouvelle morale basée sur trois principes : la négation de l’altérité sexuelle, dans le prolongement de la théorie du genre, avec, a contrario, la sacralisation de l’orientation sexuelle que le sujet se donne ; la théorie critique de la race, qui considère que tout Blanc est structurellement raciste et que les personnes « de couleur » sont infailliblement ses victimes ; et la préférence pour les croyances et les mœurs des « minorités », au premier chef celles de l’islam, perçues comme équivalentes en valeur et en légitimité à celles qui ont forgé l’Europe. Pour couronner le tout, « l’intersectionnalité » permet et même exige, entre ces trois aberrations, une « convergence des luttes ».
Le rapport 2023 illustre la dérive de « l’État de droit » dans les institutions européennes. Ainsi, le paragraphe 63 demande à tous les États membres de reconnaître les unions homosexuelles. Plusieurs paragraphes appellent à faire des droits LGBTQI+ une priorité politique. Le paragraphe 67 demande que l'avortement soit reconnu comme un droit fondamental dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Autant de revendications idéologiques qui n'ont rien à voir avec l'État de droit et remettent gravement en cause la souveraineté de chaque État-nation dans son pouvoir de faire les lois et, selon l’expression d’Edith Stein, « d’être lui-même auteur de son droit ».
Pour saisir la portée menaçante de ces mesures, regardons l’exposé des motifs. Nous y lisons que l’objectif est de « définir un mécanisme global européen unique pour protéger de manière effective la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux » et de renforcer l’efficacité du groupe de surveillance de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement, notamment vis-à-vis des pays récalcitrants à la mise en œuvre de cette nouvelle version de l’État de droit. Le rapport cite ainsi à plusieurs reprises les pays conservateurs comme la Hongrie de Viktor Orbán ou la Pologne, lorsqu’elle était dirigée par le parti Droit et Justice.
Une résolution loin d'être inoffensive
« Non contraignant », ce rapport n’en est pas moins consternant. Car il sert l’agenda progressiste et sème dans les esprits les idées qui, sur des pattes de colombe – ou aux accents de la terreur morale -, voudront mener le monde. Rapporteur de la résolution, la hollandaise Sophia In’t Veld a appelé d’emblée à ce qu’elle ne reste pas sans conséquence. C’est précisément parce qu’elle infuse et conditionne l’ensemble des textes qui suivront que la résolution n’est pas inoffensive. Or, les eurodéputés du groupe PPE ont plébiscité le texte, au mépris de la souveraineté des nations. Les quatre parlementaires LR qui s’y sont opposés font bien piètre figure, en infime minorité dans leur propre groupe. En siégeant au PPE, ils adhèrent à ses statuts, dont l’article 3 prévoit qu’ils s’engagent à « promouvoir le processus d’unification et d’intégration fédérale en Europe en tant qu’élément constitutif de l’Union européenne ».
À l’inverse, pas un seul député conservateur du groupe ECR n’a validé cette résolution. Au contraire, avec 37 d’entre eux, dont Nicolas Bay, ils en ont été la principale opposition. Au Parlement français comme au Parlement européen, le wokisme sexuel, racialiste, pro-minorités et intersectionnel fait son nid. Retenons la leçon de Gramsci, tenons fermement nos positions !
Laurence Trochu
https://www.bvoltaire.fr/tribune-le-ppe-toujours-a-la-remorque-dursula-von-der-leyen/