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"Le choc des civilisations" de Samuel Huntington 7/7

Huntington

  • Ce que nous critiquons 
  • La question russe

Dans son livre, Huntington pose la question suivante : « La Russie doit-elle adopter les valeurs, les institutions et les pratiques occidentales, et tenter de s’intégrer à l’Occident ? Ou bien incarne-t-elle une civilisation orthodoxe et eurasiatique différente de l’Occident et dont le destin serait de relier l’Europe et l’Asie ? Les élites intellectuelles et politiques et l’opinion sont divisées sur ces questions. D’un côté, on trouve les partisans de l’occidentalisation, les “cosmopolites”, les “atlantistes”, et de l’autre, les successeurs des slavophiles, qualifiés diversement de “nationalistes”, d’“eurasianistes” ou de “derzhavniki” (Étatistes) » [p. 205]. Huntington répond clairement à cette question dans sa conclusion. Il faut selon lui intégrer à l’Union européenne et à l’OTAN les États occidentaux de l’Europe centrale, c’est-à-dire les États du sommet de Visegrad [Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie], les Républiques baltes, la Slovénie et la Croatie. Il faut considérer la Russie comme l’État phare du monde orthodoxe et comme une puissance régionale essentielle, ayant de légitimes intérêts dans la sécurité de ses frontières sud. Les intérêts des États-Unis seront mieux défendus s’ils évitent de prendre des positions extrêmes en cherchant par ex. à intervenir dans les affaires des autres civilisations et s’ils adoptent une politique atlantiste de coopération étroite avec leurs partenaires européens, afin de sauvegarder et d’affirmer les valeurs de leur civilisation commune [p. 470-471]. Nous ne sommes pas d’accord avec Huntington pour deux raisons :

 

  • Premièrement la Russie fait partie intégrante de l’Europe. Huntington considère qu’il existe une séparation entre ce qu’il appelle l’Europe occidentale et le monde orthodoxe. Or nous ne voyons pas pourquoi la séparation entre peuples latins catholiques et germaniques protestants d’une part et peuples slaves orthodoxes d’autre part serait plus grave et plus fondamentale que la séparation entre peuples latins et germaniques. Au contraire, puisque Huntington affirme dans son ouvrage que la religion est un élément primordial pour définir la culture d’une civilisation, nous pourrions arguer que le catholicisme considère les orthodoxes comme simplement schismatiques alors qu’il qualifie les protestants d’hérétiques. L’histoire européenne elle-même vient infirmer les thèses du politologue américain. En effet, la Russie n’a-t-elle pas été au cours des derniers siècles un protagoniste majeur dans les relations entre pays européens ?
  • Deuxièmement, l’Europe ne fait pas partie de l’Occident. Comme l’avait déjà démontré dans les années 80 Guillaume Faye, il n’y a pas identité entre Occident et Europe. Les deux termes sont même antagonistes. Osons l’affirmer, l’Occident tel que défini par Huntington, moderne, héritier de l’Antiquité classique remise à l’honneur par la Renaissance et les Lumières, caractérisé par l’État de droit, le pluralisme social et l’individualisme, et spirituellement ancré dans le catholicisme de Vatican II lié au protestantisme, cet Occident là est une couverture répugnante qui étouffe le vieux brasier européen sommeillant au plus profond de nous, un feu qui couve et qui ne demande qu’à renaître. Nos cousins d’outre-Atlantique ne possèdent pour culture que cette couverture odieuse, émergence cancéreuse de nos racines profondes et saines. Marc Rousset, dans son livre sur Les Euro-ricains [Godefroy de Bouillon, 2001], dresse à la fin de celui-ci le portrait de l’authentique Européen. En voici un petit florilège :
  • « Gouverner [pour un Européen], c’est croire dans le politique, au sens noble et gaullien du terme (…). Gouverner, ce n’est pas flatter l’opinion, mais faire les choix qui s’imposent dans l’intérêt du pays ! »
  • « Être Européen, c’est croire en des valeurs culturelles, nationales, familiales, religieuses ou mythiques pour s’opposer à l’envahissement de l’argent » 
  • « Être Européen, c’est refuser la société multi-ethnique »
  • « Être Européen, c’est refuser l’économie hédoniste, unidimensionnelle et futile des biens de consommation »
  • « Être Européen, c’est croire en des valeurs au lieu d’amasser et de consommer »
  • « Être Européen, c’est accorder de l’importance à la mentalité héroïque : tâche, désintéressement, abnégation, sacrifice, fidélité, candeur, vénération, bravoure, remplir ses devoirs. C’est accorder moins d’importance à la mentalité mercantile : utilitarisme, hédonisme, droit au bonheur par l’argent, réclamer ses droits »
  • « Être Européen selon Nietzsche ce n’est pas être une brute blonde ou un être avide de gains mais un individu avide de connaissances qui se dépasse sans cesse. Le salut de l’homme [est] (…) de se détacher du troupeau pour rejoindre Zarathoustra »
  • « Être Européen, c’est avoir le sens du beau » [p.469-484].

Outre les propositions détachées par Marc Rousset, nous rajoutons : ÊTRE EUROPÉEN c’est :

  • Avoir le sens de l’honneur, de la parole donnée et de la loyauté
  • Avoir le sens de la honte (de déroger à ses propres yeux et aux yeux de Dieu)
  • Savoir qu’avec les Musulmans, les Chinois, les Hindous, les Japonais… nous partageons bien des valeurs communes mais pas celles du genre des droits de l’homme !!!
  • Faire de sa vie  (et de celle des autres) sa propre œuvre d’art
  • Aimer le raffinement et le luxe sans jamais tomber dans le snobisme et la préciosité
  • Pouvoir vivre avec un esprit égal, dans un palais ou dans un bivouac
  • Aimer les femmes et les hommes, pas les playboys bellâtres “homomorphes” ou les collectionneuses vulgaires et superficielles
  • Vouloir des hommes toujours plus hommes et des femmes toujours plus femmes

Donc vous l’aurez compris, à l’inverse de Huntington, nous plaçons la séparation dans le monde blanc, non sur la frontière superficielle entre le monde orthodoxe et le monde catholique mais plutôt au niveau de l’Atlantique entre d’une part la “Vieille Europe” et d’autre part le “Nouveau Monde”. Les motivations réelles qui se cachent derrière cette séparation artificielle sont clairement exprimées par Huntington lui-même à deux endroits de son livre :

« Depuis plus de deux cent ans, les États-Unis s’efforcent d’empêcher qu’émerge une puissance dominante en Europe.  Depuis presque cent ans, avec la politique de “la porte ouverte” vis-à-vis de la Chine, ils procèdent de même en Extrême-Orient. Pour ce faire, ils se sont battus dans deux guerres mondiales et dans une guerre froide avec l’Allemagne impériale, l’Allemagne nazie, le Japon impérial, l’Union soviétique et la Chine communiste » [p. 338].

« Cela serait conforme à la tradition, l’Amérique s’étant toujours souciée d’empêcher que l’Europe et l’Asie soient dominées par une seule puissance. Ce n’est plus d’actualité en Europe, mais en Asie, cet objectif reste valide. En Europe occidentale, une fédération relativement lâche [ndlr. dans les deux sens du terme], liée intimement aux États-Unis d’un point de vue culturel, politique et économique ne menacerait pas la sécurité américaine » [p. 344].

D’un point de vue européaniste, nous devons bien évidemment nous atteler à réaliser cet empire eurosibérien que les Américains redoutent tant. Mais dès lors, une question se pose :

Une entité politique voulant correspondre avec une réalité civilisationnelle peut-elle contenir des minorités n’appartenant pas à la civilisation dominante ? À notre sens, un empire eurosibérien majoritairement européen peut, dans un cadre institutionnel impérial, englober des territoires ne faisant pas partie de sa civilisation mais liés à lui historiquement et géopolitiquement, telles les républiques musulmanes d’Asie centrale. À l’inverse la présence massive d’une immigration bariolée dans nos ensembles urbains ne peut être intégrée à un système fédéral basé sur les peuples et les ethnies.  Nous devons privilégier au sein de l’Empire européen l’ancrage des peuples sur leur terre d’origine. Le concept de civilisation n’est donc pas réducteur ! D’aucuns voudraient nous faire croire qu’il enferme la diversité des communautés sous un même vocable et finit par tuer cette diversité. Le fait qu’un Empire s’identifie à une civilisation (Chine, projet de Synergie Européenne) ne veut pas dire pour autant que les minorités y seront automatiquement brimées. C’est la politique adoptée par les dirigeants qui conditionne la bonne cohabitation des différentes communautés. La Chine est certes un mauvais exemple qu’on nous ressert d’ailleurs un peu trop souvent pour nous convaincre que toute volonté de politique civilisationnelle rime automatiquement avec impérialisme et disparition à long terme des minorités culturelles tel le peuple tibétain au sein de la sphère chinoise. Pourtant la Russie impériale (sauf durant la courte période de russification intensive pratiquée au XIXe siècle sous l’influence du nationalisme occidental) et surtout l’Empire austro-hongrois ne sont-ils pas des beaux exemples de cohabitation réussie de différentes communautés sous une seule et même autorité politique ? Et au contraire, ne sont-ce pas justement le métissage, le multiculturalisme, le “mélange” des civilisations bref la grande soupe des peuples que nos “élites” politiques, culturelles et médiatiques nous préparent en chantant un hymne à la tolérance, ne sont-ce pas tous ces termes prononcés sur un ton solennel pour leur donner le relief qu’ils ne possèdent pas, tous ces mots creux et vides de sens qui seront dans le futur les véritables fossoyeurs des cultures ?

Les mouvements entre civilisations sont comparables à la tectonique des plaques : Sur les pourtours des sphères civilisationnelles se développent des zones de trouble comparables aux failles volcaniques. Le fait de construire la civilisation européenne n’impliquera pourtant pas automatiquement l’absence de conflits également intracivilisationnels mais ces conflits ne seront pas insurmontables dans la mesure ou deux régions d’une même civilisation qui s’opposent doivent pouvoir s’entendre au nom d’intérêts civilisationnels communs. Sauf si une civilisation ennemie vient bien entendu exciter les antagonismes. Il faut faire la promotion d’une généralisation de la doctrine Monroe au niveau civilisationnel. L’Amérique aux Américains, l’Asie aux Asiatiques, la Oumma islamique aux Musulmans et bien entendu l’Europe aux Européens !

Index des concepts clefs

  • Abstention (Règle de l’…, p. 24)
  • Chaudron des civilisations (p. 19)
  • Civilisation comme entité culturelle (p. 4)
  • Civilisation comme entité “englobante” (p. 4)
  • Civilisation universelle (critique) (p. 6-7-8)
  • Déclin moral (p.10)
  • Diffusion de la puissance (p. 16)
  • Dominos (théorie des …, p. 21)
  • État phare (p. 12)
  • Fin de l’histoire (p. 2)
  • Guerres civilisationnelles (p. 20-23)
  • Indigénisation (p. 10)
  • Kémalisme (p. 8)
  • Niveaux d’engagement dans une guerre civilisationnelle (p. 21-22)
  • Pays déchiré (p. 13)
  • Pays divisé (p. 13)
  • Pays isolé (p. 12-13)
  • Prolifération négociée (p. 16)
  • Réformisme (p. 8)
  • Rejet (p. 8)
  • Religion comme moteur civilisationnel (p. 9)
  • Suivisme (p. 20)

Luc Moulinat et Xavier Hottepont, École des cadres de Synergies européennes-Wallonieconférence prononcée au Cercle Hermès de Metz le samedi 27 septembre 2003.

 Notes

  • [1] Si on possède l’honnêteté intellectuelle suffisante pour admettre que les pays divisés sont continuellement minés par des guerres civiles larvées, il devient très facile d’appliquer cette règle simple à nos propres pays. L’arrivée massive de populations d’origine étrangère ne saurait effectivement qu’y multiplier la probabilité de conflits futurs entre les communautés de culture différente.
  • [2] Si nous parvenons à rétablir la Tradition en Europe, l’Inde pourrait devenir un allié important, d’autant plus que nous possédons des racines indo-européennes communes avec la civilisation hindoue.
  • [3] Pensons notamment à l’usage de valises nucléaires mises au point par les Russes pendant la guerre froide. Ces armes combinent habilement le facteur nucléaire avec la stratégie terroriste.
  • [4] Les États-Unis et l’Europe, “champions toute catégorie de la démocratie”, poursuivent dans ce domaine une politique particulièrement hypocrite, condamnant les élections truquées ou annulées par des juntes militaires opposées à leurs intérêts mais fermant discrètement les yeux là où, comme en Algérie, l’armée annule le résultat d’élections légitimant l’arrivée au pouvoir de partis religieux tels le FIS algérien.
  • [5] Pierre Lellouche, cité dans Miller, Strangers at the Gate, p.80.
  • [6] Notons que l’essor des moyens de communication n’a pas favorisé l’intégration des communautés étrangères. Câblées sur les chaînes de leur pays respectif et retournant au pays chaque fois qu’elles en ont l’occasion, comment les familles musulmanes pourraient-elles réellement se sentir européennes ? 
  • [7] Au VIIIe siècle, l’invasion arabe n’ayant pu être stoppée que par Charles Martel à Poitiers en 732 et au XVIe siècle, le siège de Vienne en 1529 marquant un terme à l’avancée arabe.
  • [8] QUIGLEY, Evolution of Civilizations, p.138-139 et p.158-160.
  • [9] Les missions de sécurité et de défense définies par les membres de l’UE sont également complètement opposées à cette règle puisqu’elles prévoient de s’immiscer dans des conflits étrangers où les droits de l’homme sont bafoués.
  • [10] Et non imposé comme l’actuel droit international d’obédience anglo-saxonne.
  • [11] WEYEMBERGH (Maurice), « Carl Schmitt et le problème de la technique », in : P. Chabot et G. Hottois (dir.), Les philosophes et la technique, Vrin, 2003, p. 161.
  • [12] Günther Maschke, « Unité du monde et Grand Espace européen », in : Vouloir n°1 (nouvelle série), 1994.

http://www.archiveseroe.eu/recent/150

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