« Nous voulons médiatiser, nous voulons que les gens comprennent ce que nous vivons en tant que victimes. » Un an après la mort de son fils Valentin, retrouvé lardé de coups de couteau dans son studio du XVIe arrondissement de Paris, le 4 mars 2023, Fabien Francy, encore ému, accepte de se confier à BV. Son fils aîné avait été laissé pour mort dans l’appartement qu’il occupait à Paris, le corps transpercé de 18 coups de couteau. Quelques jours plus tard, Foreman P., un livreur Uber Eats, déjà suivi pour des troubles psychiatriques, était interpellé et mis en examen pour assassinat. Et après près d’un an d’instruction, Fabien Francy découvre, en janvier dernier, les conclusions de l’expertise psychiatrique menée sur le suspect. « Au moment des faits, Foreman [était] atteint d’un trouble psychique ayant totalement aboli son discernement », conclut l’expert mandaté. Un nouveau coup de massue pour cette famille qui se sent abandonnée.
Porte-drapeau du Souvenir français
« Notre fils a été massacré. Il avait 20 ans, il avait toute la vie devant lui. » Les mois passent depuis ce terrible jour de mars 2023 où Romain, son fils cadet, s’est mis à « hurler » en découvrant sur les réseaux sociaux la mort de son frère, et l’émotion de Fabien reste la même. Auprès de BV, il évoque le souvenir d’un jeune homme généreux et serviable. « Comme le disait son ancien directeur du lycée Edmond-Michelet, il y a deux catégories de personnes : les "tout pour ma gueule" et les "tournés vers les autres". Valentin était dans la deuxième catégorie », résume son père. Engagé aux Restos du cœur à 16 ans, « il y consacrait ses vacances scolaires, se levait à 4 heures du matin pour les ramasses, participait aux distributions ». À la piscine, où il pratiquait la natation, son caractère altruiste se révèle encore. « Ce n’était pas un compétiteur dans l’âme, alors il s’était tourné vers le sauvetage. À la fin du cours, il restait pour le handi-nage pour aider la monitrice », résume Fabien. Et à Paris, où il s’installe en 2019 pour suivre sa licence d’histoire-sciences politiques - lui qui rêvait de devenir journaliste -, Valentin décide de s’engager auprès des sans-abri avec le Collectif des morts de la rue. « Tout se goupillait bien pour lui », souffle son père, si fier de son fils aîné qui faisait ses premiers pas dans l’univers des médias après un premier stage sur Touche pas à mon poste ! (société WeClap) et une première expérience aboutie dans un média étudiant.
Mais ce qu’il animait surtout, c’était son engagement au sein du Souvenir français de Brive, une association qui préserve la mémoire des soldats morts au sein de laquelle il était porte-drapeau. « Ce qui lui tenait à cœur, c’était la cérémonie du 15 août à Brive, jour de la commémoration de la libération de la ville. Il aimait beaucoup cette journée et ne voulait surtout pas la louper », raconte avec fierté Fabien, ancien militaire.
Abolition du discernement
« Et là, on voudrait nous dire que sa mort, c’est la faute à pas de chance ? » s’agace soudain Fabien. En cause, un courrier reçu à la fin du mois de janvier qui l’informe lui, son épouse et son fils cadet, des conclusions de l’expertise menée sur le suspect. « Totalement pris dans une problématique délirante et hallucinatoire paranoïde […], atteint d’un trouble psychique ayant totalement aboli son discernement au sens de l'article 122-1 du Code pénal », résume l’expert sur le profil du meurtrier présumé. La famille de Valentin, abasourdie par un tel rapport, redoute que ces conclusions psychiatriques ne les privent de procès. Ils ont d’ores et déjà demandé une contre-expertise.
« Il faudra m’expliquer comment on est capable de déterminer en août, donc cinq mois après la mort de Valentin, que le suspect n’avait pas de discernement au moment des faits », s’énerve le père de famille, qui ne comprend pas cette expertise. « On parle bien d’homicide routier même quand le conducteur responsable est sous l’influence de l’alcool ou de la drogue. Moi, si je prends le volant en ayant bu, je sais que je suis un meurtrier en puissance… Mais lui, il pourrait s’en sortir sans procès ? » souligne Fabien, qui milite avec son avocat pour la reconnaissance d’un « homicide psychiatrique ». Et il s’étonne : « Le suspect en question suivait un BTS, il était inséré, il était stabilisé, et là, on nous dit maintenant qu’il n’avait plus de discernement ? » Il en veut également aux médecins qui laissent « ces gens [atteints de troubles psychiques] dans la rue et qui pensent qu’ils peuvent les soigner ». « Qu’est ce qu’il faisait dehors ? Comment ça se fait qu’il n’ait pas été suivi ? Ces personnes sont des bombes à retardement, il faudrait qu’ils en aient conscience », martèle-t-il.
Mais plus que tout, il en veut aux politiques. « On fait des minutes de silence pour un jeune qui fait de la merde. On fait une cagnotte pour ce délinquant. Tout ça, ça me met en rogne », lâche Fabien, qui ne pardonne pas aux politiques de se soucier davantage des délinquants que des victimes. « Le problème, en France, c’est que les victimes payent. Je vais payer mes impôts pour payer le traitement de celui qui a tué mon fils », ajoute-t-il, las. Car depuis la mort de Valentin, Fabien et sa famille se sentent seuls, abandonnés de l’État. « Nous allons payer plus d’impôts maintenant que Valentin n’est plus là, Romain, son petit frère, n’aura plus le droit aux mêmes aides pour ses études, nous n’avons pas le droit à la protection juridique parce que nous sommes des "victimes par ricochets"… », énumère avec agacement Fabien. Malgré cela, il promet de ne pas baisser les bras. « J’ai été prêt a donner ma vie pour la France, maintenant je vais me battre pour mon fils », conclut-il.
Clémence de Longraye