Julien de Monthémard
Depuis quelques jours, la République est en deuil ; elle vient de perdre l’un de ses membres historiques l’ayant magnifiée. Robert Badinter (1928-2024), garde des Sceaux sous la présidence socialiste Mitterrand, est celui à qui nous devons une répression des crimes inopérante, empreinte de sensiblerie et de compassion vis-à-vis de ceux qui les commettent, notamment par l’abolition de la peine capitale, pourtant symbole d’efficacité répressive et sécuritaire depuis l’aube de la société humaine.
Loin de nous l’idée de salir la mémoire des morts, force est de constater tout de même que les œuvres de ces derniers leur survivent, parfois brillamment au profit du bien commun, parfois hélas tragiquement au travers de travaux immoraux et préjudiciables au collectif.
L’abolition de la peine de mort, articulation et conception droit de l’hommiste, humaniste et révolutionnaire du Droit, ne fait que poursuivre l’héritage individualiste en priorisant les droits subjectifs de l’individu, au détriment du droit objectif, garantissant la sécurité du peuple. Désormais le Droit attribue des droits protectionnistes quant aux plus infâmes scélérats. La République se réjouit-elle de coopérer avec de tels personnages, arrêtés, jugés et condamnés à quitter ce monde ?
Vraisemblablement, Gouvernement et législateur favorisent le « vivre ensemble », la « réinsertion dans le milieu sociétal » par le prisme d’une justice réhabilitative, et le financement exorbitant de la détention par le contribuable de ceux que personne ne souhaite côtoyer ni même rencontrer. Devant le sentimentalisme et l’émotivisme face aux plus crasses criminels, devant la charité inversée, l’État en ses compétences de protecteur travestit le principe chrétien de charité en se montrant attentif du mal, en suivant une idéologie romantique de cœur et de larmichettes plutôt qu’une doctrine naturelle de raison classique.
Le défunt ministre, fort de sa compassion inébranlable, de sa foi incommensurable face à la justice de l’Homme et non de celle de Dieu, ainsi que de sa vertueuse « ambition progressiste », se rêva en Victor Hugo – plaidant pour les bonnes conditions carcérales, et se faisant un grand opposant à la peine de mort– jusqu’à se perdre dans les méandres les plus exacerbés d’un romantisme fantasmé, instituant – tout comme les gardes des Sceaux successifs – un « romantisme carcéral », visant un idéal de la justice tronqué et perverti par le mépris du réel.
S’il est de mise, quarante-trois ans après son abolition, de continuer à louer l’efficacité répressive et préventive de la peine de mort, c’est qu’il paraît aujourd’hui nécessaire, dans une société s’hostillisant, de permettre à une justice classique d’être réhabilitée. Il est désormais plus que nécessaire de renouer avec une justice rigoureuse et disciplinée, puisant sa source dans un idéal de justice. Un idéal s’incarnant dans la Justice naturelle, et non en celle des hommes, pervertie, au mieux par leur émotivité, au pire par des calculs politiques et électoraux, s’inscrivant dans la bien-pensance despotique moderne, enfonçant davantage le clou de la faillite républicaine.
Là où le détenu croupira, l’exécuté aurait payé. En cela, la peine capitale ne serait non pas un acte de vengeance, bien au contraire, mais une figure de Justice, apaisant les esprits meurtris par l’horreur. Néanmoins, les mœurs bien-pensantes – à défaut d’être pensantes tout court – s’évertuent de penser à tort que l’exécution vaut torture : il n’en n’est rien. La torture est vengeance là où l’exécution du nuisible n’est que le parachèvement de l’ordre public, une nécessité pour la réalisation du bien commun. En la mort de l’individu antisocial, réside une certaine finalité, qui se veut efficace et bénéfique – contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime à bord – pour guérir une société attaquée dans son corpus.
La mort est une fin. Or, sous le présent règne de l’impitoyable médiocrité, les choses entreprises paraissent infinissables, tristement éternelles à moins qu’elles n’aient réellement commencé ; des choses qu’on ne peut désormais plus transfigurer, ni couvrir de transcendance et leur faire atteindre, par une impérissable espérance, le beau. En la peine de mort, une fin tragique, grande, et digne est proposée ; le corps n’est plus, redeviendra poussière, tandis que l’âme s’élèvera.
C’est en cela que réside en la peine de mort une approche classique de la Justice, où la sanction des hommes entraînera, sans délai, la sanction spirituelle. Ainsi, une certaine verticalité s’observe dans cette pratique où l’homme se tourne davantage vers le Droit naturel, dans lequel la recherche du beau et l’application de ses codes est prééminente.
Si la République est, comme elle le présume, une démocratie, pourquoi ne remet-elle pas au sommet du quantum de la peine l’exécution de l’individu qui a irréparablement fauté ? La presse de tout bord politique s’accorde à dire que plus de 55% des Français souhaitent la restauration de la peine de mort. Pourquoi ne pas prêter une oreille attentive au souhait populaire ? Cela tient tout simplement au fait que nous assistons, inévitablement, au règne de la « dictature du sensible » empêchant tout autre raisonnement que celui du cœur, celui du ressenti.