À peine terminée la grand-messe solennelle de la Sainte-Ivégée - Éric Dupond-Moretti, offrant son grand livre rouge, place Vendôme, aux applaudissements de la foule ressemblait furieusement à un curé seventies montrant l’Évangile aux fidèles : « Acclamons la parole du Seigneur ! » -, voici une nouvelle fête votive : l’euthanasie, annoncée dimanche par Emmanuel Macron. Ce n’est plus un programme de gouvernement, c’est un funérarium.
Pour les deux bouts de la vie. Ne l’appelez plus que l’« aide à mourir », qui sera une loi de « fraternité », avec « la solidarité de la nation ». Rien que de l’altruisme, on vous dit. On pourrait, du reste, convenir d’un acronyme lénifiant ? AIM, par exemple ? Pour AIde à Mourir. À prononcer « aime », bien sûr. Ce gouvernement est tellement prévisible.
Quel zèle ! Si seulement il pouvait montrer la même efficacité en matière sécuritaire, migratoire, agricole, énergétique, scolaire… bref, aider les Français à vivre plutôt qu’à mourir, comme l’a dit Ségolène Royal, pour une fois inspirée.
Mais l’horizon est bouché, aussi bien sur le plan national qu’international. C’est le point mort, l’impuissance totale. Le marasme et l’impéritie. Où que l’on se tourne. Reste donc le progressisme sociétal. Là, les possibilités sont infinies. Il permet à Emmanuel Macron de maîtriser l’agenda politique et médiatique, on dissertera à longueur d’émission de l’euthanasie, comme on l’a fait pour l’IVG. Il ne sera plus question de rien d’autre, et Emmanuel Macron sait bien - car tous les sondages le montrent - qu’une majorité de Français y est favorable. L’inlassable travail des lobbies pro-euthanasie a parfaitement fonctionné : vous ne voudriez quand même pas mourir dans d’atroces souffrances et dans l’indignité, n’est-ce pas ? La moindre objection vous vaut, à l’instar de l’IVG, d’être taxé de bigot intégriste.
Tant pis pour la boîte de Pandore qu’il est en train d’ouvrir. Bien sûr, comme à chaque fois - c’était déjà le cas il y a plus de quarante ans pour l’IVG -, on nous promet, croix de bois croix de fer, une loi cadrée, pour des cas très précis. Mais une fois le principe acté, en élargir les contours, déplacer le curseur jusqu’à faire de l’exception la règle sera d’une facilité enfantine. Peu importe l’indignation des personnels soignants, les cris d’orfraie des évêques, l’insidieux doute instillé dans le cœur des personnes très âgées ou malades quant à leur utilité. Foin des soins palliatifs, laissés en rase campagne. Seule compte l’utilité politicienne de la manœuvre. Sinon, pourquoi lancer ce sujet grave, ontologique, en pleine course aux européennes ?
Un plan machiavélique
La constitutionnalisation de l’IVG, la relance du débat sur l’euthanasie sont autant de peaux de banane jetées dans les pieds d’un Jordan Bardella en pleine ascension, tels les obstacles de plus en plus nombreux, inattendus et rapides comme des scuds, que Mario, au fur et à mesure de sa progression, doit enjamber dans le célèbre jeu vidéo éponyme.
Une majorité de Français, on l'a dit, se déclarent dans les sondages pour l’euthanasie. Parmi eux, nécessairement, c’est arithmétique, des électeurs du Rassemblement national. Que l’on puisse en même temps s’indigner de voir disparaître la croix en haut du dôme des Invalides et accepter sans moufter que l’on brise la pierre d’angle de notre civilisation, le « tu ne tueras pas » du Décalogue, est un mystère, mais c’est un fait.
Quand il était étudiant à Nanterre, Emmanuel Macron avait consacré un mémoire à Machiavel. Il en a tiré toutes les leçons. À quelques semaines du scrutin, forcer les partis à prendre position sur ces sujets sociétaux est machiavélique : s’y opposer au risque de perdre significativement des voix, ne pas s’y opposer au risque de perdre son âme et devenir en même temps l’idiot utile, comme pour la constitutionnalisation de l'IVG, d’une victoire factice d’Emmanuel Macron.
Gabrielle Cluzel