Des Français ont cru en 2017 intelligent de confier la conduite de la France à un homme jeune et “brillant” qui allait assainir la vie politique, restaurer l’autorité de l’Etat et la verticalité du pouvoir autour d’un projet transcendant le jeu des partis, et rassemblant la gauche et la droite pour réformer et moderniser le pays. Ceux qui font preuve d’une modeste lucidité savent désormais qu’ils ont confié le destin du pays à un affairiste arriviste venu de ce PS tendance caviar qui a déjà effacé notre nation ringarde dans son esprit en lui préférant l’Europe fédérale et le mondialisme anglo-saxon. Pour tenir son rang dans le monde, la France avait besoin d’une économie solide. Désindustrialisée, son énergie nucléaire mise entre parenthèses pendant des années, nombre de ses entreprises liquidées, elle est aujourd’hui la lanterne rouge de l’Europe avec une dette écrasante, une croissance en berne et une dépense publique qui tient de l’addiction suicidaire.
Depuis le déclenchement de la guerre américaine en Ukraine, l’Allemagne chute davantage. La belle affaire ! Elle demeure la première en Europe et la troisième dans le monde quand la France est seconde et septième devant l’Italie dont l’industrie et le commerce extérieur se portent mieux que les nôtres. La France est réduite à être un pays de consommateurs et d’assistés dont le PIB est gonflé par des dépenses improductives facilitées par la planche à billets européenne, les déficits nationaux, l’endettement et l’inflation. Pour jouer son rôle sur la scène internationale, il lui fallait un dirigeant dont la personnalité puisse incarner le redressement ou au moins compenser les faiblesses réelles par une stature internationale. De Gaulle avait été le premier, Chirac, le second. Macron est un personnage narcissique dont on se demande où il puise le talent d’acteur qu’il exhibe dans de nombreux discours prononcés avec une diction quasi parfaite malgré une tendance à surjouer, à cabotiner. Une fois le rideau baissé, les Français qui ont regardé la performance, malgré leur lassitude, retrouvent la réalité de plus en plus grise, avec les mauvais chiffres de l’économie, de l’éducation, de la santé, de la sécurité, et une impuissance à inverser leur courbe, avec des politiques de plus en plus contraires à l’intérêt national en matière d’immigration, de souveraineté nationale, et de respect de la démocratie. Le candidat qui braillait son “projet” au risque de s’égosiller n’est en fait qu’un tyranneau qui ignore les Français, contourne le parlement et conduit le pays selon son bon plaisir non avec le soutien d’un peuple de plus en plus récalcitrant, mais grâce à la connivence de ses amis socialistes répandus au Conseil Constitutionnel, au Conseil d’Etat, à la Cour des Comptes et ailleurs. Des Français avaient pu croire embaucher le Mozart de la finance, un capitaine au long cours parlant parfaitement anglais, capable de les mener en haute mer par gros temps, et ils ont engagé par distraction un skipper de yacht sans expérience qui cabote et louvoie sans s’éloigner des côtes. Ainsi, son seul horizon est celui toujours proche de l’élection qui vient, sans jamais que l’avenir du pays à long terme soit privilégié. La politique étrangère abandonnée à l’ancien “conjoint” du premier ministre, incapable de parler un français digne de sa fonction, n’a d’importance qu’en fonction de la politique intérieure, de même que l’histoire n’est invoquée que pour un usage cynique à des fins électorales. La séquence actuelle s’achèvera avec les élections européennes dont il lui faut déjouer les pronostics pessimistes.
Trois moyens assez grossiers sont mis en oeuvre. D’abord, il faut noyer la colère qui monte de tous côtés, et dernièrement du monde agricole, sous une douche de manifestations symboliques et de discours grandiloquents pour flatter les uns, détourner l’attention des autres. Jacques Delors aux Invalides en Janvier, Badinter, place Vendôme, victimes françaises des attaques terroristes du 7 octobre en Israël, à nouveau aux Invalides avec un retard dû à l’hésitation entre le geste envers la communauté juive nationale et la peur d’indisposer les banlieues, enfin faute d’autres morts récents, transfert au Panthéon de Missak Manouchian et de son épouse, résistants communistes, jalonnent notre calendrier avant les célébrations de Mai et de Juin qui seront convoquées pour conjurer le retour de la bête immonde et des heures noires. En second lieu, les lois sociétales, l’avortement devenant valeur constitutionnelle, la fin de vie c’est-à-dire l’euthanasie et le suicide assisté, relancés, avec une cérémonie en prime pour le premier, ont un double avantage : elle concentrent les débats sur d’autres sujets que ceux qui touchent tous les Français au quotidien et elles obligent la droite à dévoiler son conservatisme, ce qui devrait dissuader un certain nombre d’électeurs sensibles à ces questions. En troisième lieu, la politique étrangère elle-même est instrumentalisée : on a vu les circonvolutions de la politique à l’égard d’Israël, passant de la coalition contre le Hamas aux mises en garde adressées au gouvernement israélien pour le dissuader de détruire le Hamas. L’Orient étant trop compliqué pour lui, Macron s’est rabattu sur le conflit entre l’Ukraine et la Russie. C’est plus simple car il n’y a pas de communauté directement concernée en France et on peut avec l’orchestre médiatique pour la musique, tourner un western avec ses gentils Ukrainiens agressés et ses méchants Russes agresseurs. Cela a déjà fonctionné pour la présidentielle ! Cette fois, il s’agit d’une part de rassembler les Français derrière le chef des Armées, et de désigner les collaborateurs, les traîtres, les suppôts de l’infâme dictature poutinienne : le Rassemblement national qui ne soutient pourtant pas la Russie est désigné ! Le débat superflu à l’Assemblée, puisque le traité d’assistance à l’Ukraine est déjà signé, n’a pas d’autre but. Curieuse contradiction d’un chef d’Etat qui appelle à la guerre non pour unir mais pour diviser son propre pays. Après avoir raté ce que Chirac avait réussi en s’opposant à l’impérialisme américain, la véritable cause de la situation en Ukraine, ce que Sarkozy lui-même avait accompli en Géorgie, jouer les médiateurs, Macron, incapable de compter à ce niveau, est redescendu dans la meute des chiens de garde de Washington, et simplement, il essaie d’aboyer plus fort que les autres, au risque de se faire remettre en place par ses congénères. Comme si l’alignement sur les Etats-Unis ne nous avait pas assez coûté en Afrique, le voilà qu’il menace la Russie de la guerre directe. Une meilleure connaissance de l’histoire et de la diplomatie lui aurait appris qu’il n’y a aucun rapport entre Hitler et Poutine, aucune ressemblance entre Munich et Minsk. Poutine, au pouvoir depuis près d’un quart de siècle, n’a nullement envie de soumettre l’Europe, quand bien même il en aurait les moyens. Il veut seulement contrer la stratégie de Brzezinski que les Américains suivent depuis la fin de l’URSS : affaiblir la Russie, la faire exploser, et laisser la Chine seule. Pour cela, il ne faut pas que l’ensemble composite qu’on appelle l’Ukraine tombe en bloc dans l’OTAN, que les missiles pointés sur Moscou se trouvent à une frontière trop proche, et enfin que des Russes depuis les XVII et XVIIIe siècles deviennent des ennemis. A partir de cela, il fallait trouver un compromis : c’étaient les accords de Minsk que les Occidentaux ont fait semblant d’accepter le temps d’armer l’Ukraine comme Merkel et Hollande l’ont avoué, c’était l’objet des négociations en Turquie au résultat desquelles Zelinsky a renoncé sous pression des Anglais mandatés par les Américains. Faute d’avoir pu participer à une solution favorable à l’Europe et à la France qui ont besoin de la Russie, Macron ne vise plus qu’un objectif qu’il croit à sa portée : sauver son parti aux européennes. Il serait temps qu’il quitte une fonction dont il n’a pas la stature.
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