L’éditorial de François Marcilhac
La logique toxique des institutions républicaines est décuplée lorsque celui qui préside aux destinées du pays est un personnage à l’ego démesuré, imprévisible, déconnecté des exigences nationales et internationales, sûr de sa supériorité intellectuelle mais incapable de distinguer le rêve de la réalité. Comme le dit l’Ecclésiaste : « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant ». Un tel pays est en marche vers le chaos, d’autant plus sûrement si la situation est explosive et que l’enfant en question a la possibilité constitutionnelle de jouer avec les allumettes.
« DÉTRUIRE, DIT-IL… »
Commentant, lors de son tournage, son film tiré de son livre éponyme Détruire, dit-elle, Marguerite Duras, en 1969, professait ainsi sa foi révolutionnaire : « On casse tout et on recommence » ; ajoutant : « Je suis pour qu’on ferme toutes les facultés, toutes les universités, toutes les écoles. Profondément. On recommence tout. Le départ à zéro, Je suis pour qu’on oublie l’histoire, l’histoire de France, l’histoire du monde. Complètement. Qu’il n’y ait plus aucune mémoire de ce qui a été vécu ». Parce que pour elle, c’était la mémoire de « l’intolérable ». Les Khmers rouges réaliseront au Cambodge de 1975 à 1979 le vœu de toute une gauche intellectuelle, qu’on n’appelait pas encore bobo. C’est semble-t-il aussi, certes pour l’heure, de manière moins sanglante mais non sur un mode mineur, tant il conduit le pays au bord du précipice, la politique de destruction radicale du pays que mènent celui qui se définit comme un « rêveur pragmatique » et ses acolytes. On n’a pas prêté suffisamment attention au fait que le livre-programme de Macron, en 2016, avait pour titre Révolution.
Destruction des principes, déjà fragilisés, présidant au respect de la vie et de la personne humaine, avec la constitutionnalisation de l’avortement et la prochaine légalisation — et constitutionnalisation ? — de l’euthanasie. Destruction d’une économie, notamment d’une industrie et d’une agriculture, que des décennies de soumission à la mondialisation et aux règles ubuesques de l’Union européenne ont déjà mises à mal. Destruction méthodique du lien social par l’opposition des Français entre eux et la promotion, toujours sur l’ordre de Bruxelles et d’un patronat dénationalisé, d’une immigration invasive. Oui, depuis sept ans, Macron aura passé son temps et consacré toute son énergie à détruire la France, à appauvrir les Français, à creuser de façon abyssale nos finances, au point qu’on en vient à craindre les verdicts des agences de notation comme un pays sous-développé. Mais aussi, aux plans culturel et politique, à annihiler l’emploi international d’une langue dont l’élite autoproclamée à laquelle il appartient a une honte décomplexée, et à détruire tout ce que la France avait su conserver d’institutions prestigieuses et nécessaires, et qu’elle avait souvent héritées de nos Rois, comme un personnel diplomatique hors pair et des grands corps d’État qui, au cours des 150 ans passés, ont su maintenir ou remettre le bateau à flots, en dépit d’une République dont l’imprévoyance criminelle et la logique propre, partisane et oligarchique, ont trop souvent mené le pays au bord de l’abîme, quand elle ne l’y a pas précipité.
Quel frein peut alors brider une énergie entièrement vouée à la destruction, dont l’incontinence verbale ne fait plus illusion, qui a encore trois ans devant elle et qui, dans une sorte de nihilisme assumé, halluciné, s’emploie, en application d’une rêverie mortifère, à tout casser plutôt qu’à réformer l’existant pour l’améliorer ? Et qui, effrayant jusqu’à nos partenaires et alliés officiels européens et transatlantiques, semble vouloir jouer au soldat et, pour cela, provoquer l’embrasement général de l’Europe en une apothéose jupitérienne finale ? En prélude à l’ambition, médiocre, de devenir le premier président de l’« Europe » ?
LA COLÈRE DU PAYS RÉEL
Il faudrait être aveugle, ou prendre, comme un macronien ordinaire, ses rêves pour la réalité, pour ne pas voir combien le pays réel est en opposition frontale avec une politique négatrice de son existence même, voire de son être profond. Rien n’a été résolu : ni les causes de la colère des Gilets jaunes, ni celles, plus générales, de la colère des premiers de corvée ; ni les causes de la colère des enseignants empêchés d’enseigner ni celles de la colère des personnels soignants empêchés de soigner et qui ne demandent les uns et les autres qu’à exercer leur activité dans des conditions normales. Mais c’est à une politique illisible et contradictoire en matière d’éducation que les premiers assistent, tandis que c’est à la casse méthodique de l’hôpital et de notre système de soins que les seconds sont confrontés. Quant à la légitime colère des agriculteurs, elle couve encore sous la cendre, telle une braise qui ne demande qu’à redevenir incandescente, tandis que les pêcheurs pourraient bientôt les rejoindre, au moment où ils assistent, à la demande de l’Europe et avec la complicité du pays légal, à la destruction de la pêche française. Faut-il évoquer aussi la colère des forces de l’ordre, sur-employées et toujours montrées du doigt sans que jamais l’État envisage de peser sur le niveau de la délinquance par une politique pénale appropriée et un tour de vis en matière d’immigration — qu’il s’agisse des reconduites à la frontière ou de la fermeture de ces mêmes frontières aux clandestins ?
UN MÉPRIS EXISTENTIEL
« Il se joue en Ukraine une guerre existentielle pour notre Europe et pour la France » : cette façon, qu’a eue Macron le 14 mars, d’employer la première personne (« notre ») pour l’Europe et la troisième pour « la » France, que l’on désigne du doigt, comme de loin, n’est-elle pas un aveu involontaire de son mépris, pour le coup, oui, « existentiel » pour la France et les Français ? Nous ignorons si, avec une victoire de la Russie en Ukraine, « la vie des Français changerait », notamment en matière de sécurité : il est en revanche certain que, de manière accélérée depuis sept ans, la vie des Français a effectivement changé, en matière non seulement de sécurité « tout court », mais également de sécurité économique, sociale, éducative, sanitaire ou fiscale, sans compter un droit à la vie qui rétrécit comme peau de chagrin. Oui, si la situation du pays réel n’est pas près de changer, si les causes de la misère sociale et de l’insécurité culturelle d’un grand nombre de Français ne sont pas réglées, ni même en voie de règlement, c’est en raison d’un pays légal qui cultive l’entre-soi et ne se considère pas comme faisant partie d’une nation qu’il méprise de façon « existentielle » puisqu’il va jusqu’à nier l’existence d’une culture nationale tout en favorisant une « mixité » ou une « diversité » qui ne sont que les prête-noms de la dissolution de la France dans l’agglomérat « européen », lequel se définit lui-même par l’absence de limites, puisque l’Union européenne revendique pour seules frontières la « démocratie », l’« État de droit » et les « droits de l’homme ». L’immigration est alors, dans une logique simpliste, faussement humanitaire (la gauche idiote utile de la finance internationale) et surtout néo-esclavagiste, la solution idoine à une démographie en berne à propos de laquelle, précisément, les européistes les plus convaincus devraient s’interroger s’agissant du modèle de société qu’ils promeuvent. Mais l’arithmétique est la seule science de nos néo-humanistes : une arithmétique toutefois faussée par le caractère irrédentiste de la volonté de vivre du pays réel — des pays réels des peuples européens.
Nous souhaitons évidemment que le 9 juin retentisse comme un coup de tonnerre « existentiel » au sein d’une Union européenne dont l’imposture finira bien par éclater un jour. Contre le chaos en marche, l’Action française, dans les semaines et les mois à venir, continuera d’éclairer les enjeux, dans l’attente de la libération à venir : elle prendra toute sa part du sursaut national.
https://www.actionfrancaise.net/2024/04/07/leditorial-de-francois-marcilhac-71/