Michel Festivi
Je l’écris souvent, l’histoire politique de la France recèle des permanences par-delà les décades écoulées, et ce malgré des changements sociaux, économiques ou comportementaux.
Nous l’avons encore vécu, lors de ce frauduleux deuxième tour des élections législatives du 7 juillet dernier. La large victoire en voix du RN et de ses alliés, lui a été volée au niveau des sièges, certes à cause d’un système électoral totalement inique, le seul en Europe, faut-il le souligner, mais surtout et avant tout par les trahisons des droites molles, des centristes, des conservateurs de façade, qui ont proclamé reporter leurs suffrages, sur les pires des révolutionnaires, des classés S, des islamistes patentés, des antisémites notoires. Peu importe si leurs appels faisaient triompher les partisans de la tabula rasa. Il importait de tout faire, tout entreprendre pour jeter aux gémonies les tenants de l’ordre, de l’autorité, de la nation, selon un triptyque mit en vigueur aussi dans les années 1930.
J’y reviendrai et j’illustrerai mon propos de plusieurs exemples. Nous l’avons de nouveau vécu lors de la répartition des postes, et donc des prébendes, à l’Assemblée dite nationale, et une fois de plus, « des modérés », ont mêlé leurs voix à la pire engeance qui soit, pour écarter des élus RN, et ce contre tous les usages parlementaires, comme l’a récemment rappelé Bruno Gollnisch, indiquant qu’en 1986, avec 34 députés, le FN avait eu deux représentants au bureau de l’AN, et que Jacques Chaban Delmas, alors Président du Palais Bourbon, s’était toujours parfaitement comporté à l’égard des élus FN.
Mais déjà dans les années 1930, un grand écrivain, journaliste et académicien français, avait dans un livre qui connut alors un succès retentissant, fustigé la trahison non pas des clercs, mais des modérés.
Cet homme, bien oublié aujourd’hui, car relégué parmi les auteurs maudits, c’est Abel Bonnard, né en 1883 à Poitiers et qui fut tour à tour poète, écrivain-voyageur, diariste de renom et donc auteur en 1936 d’un livre d’importance et qui reçut les honneurs appuyés des plus grands écrivains de l’époque : Les Modérés. Les éditions Déterna, distribuées par Francephidiffusion, avaient eu l’excellente idée de le republier, en 2014, avec un avant-propos de Saint-Paulien. Il fut en 1936, salué autant par Robert Brasillach, André Bellesort, Charles Maurras, que par André Suarez, Henri Bergson, Henry Berstein ou André Maurois qui salua « un très beau livre, écrit dans une langue admirable et pensé noblement ». Georges Guilbaud déclara à Bonnard « Je vous ai lu avec la rage au ventre et la passion au cerveau car vous stigmatisez une société médiocre et oppressive avec des formules frappées dans le bronze. »
Elu à l’Académie française en 1932, Bonnard était alors l’un des phares de la vie littéraire et politique française. Maurrassien, il se rapprochera ensuite du PPF de Jacques Doriot, à l’instar de nombreux intellectuels même de gauche, surtout de gauche comme Ramon Fernandez. Bonnard sera nommé en avril 1942, lors du retour au pouvoir de Pierre Laval, ministre de l’éducation nationale. A la libération, il sera condamné à mort par contumace, s’étant avec son frère, exilé en Espagne. Finalement, Bonnard reviendra en France en 1958, purger sa contumace et sera condamné, par la Haute cour de justice, à dix années de bannissement avec sursis, et au surplus avec effet rétroactif en 1945, autant dire un acquittement qui ne disait pas son nom. Il mourra à Madrid en 1968, étant revenu vivre en Espagne.
Ce livre, Les modérés, est la dénonciation implacable des mous, des trouillards perpétuels, des égotistes, des opportunistes qui préfèrent, tout à coup, se dédouaner de leurs peurs en soutenant les pires des bouffeurs de bourgeois ou de curés. Ils sont en permanence, paralysés par leurs adversaires. Comme l’avait souligné Saint Paulien, leur faiblesse vient de ce qu’ils n’ont aucune doctrine, ni colonne vertébrale. Je rajouterai que l’idéologie des gauches leur a été inoculée et qu’elle les submerge.
Aujourd’hui, en 2024, c’est la même trahison des modérés. C’est Edouard Philippe qui appelle à voter pour un communiste ; Xavier Bertrand qui insulte les élus ou candidats RN, leur préférant l’extrême-gauche ; Gérard Larcher ou Bruno Retailleau qui refusent de prendre parti entre un RN et un LFI, tout comme Christian Estrosi ou Renaud Muselier, faisant au final le jeu des plus révolutionnaires. C’est toute la clique LR canal historique qui a exclu de faire reporter les voix de ses électeurs du premier tour sur les candidats nationaux, faisant élire l’extrême-gauche islamiste et antisémite, sans parler des bataillons des macronistes à l’image de Yaël Braun-Pivet qui s’est faite insulter pendant deux ans par les LFI, mais qui n’a pas pris position pour le RN en cas de duel entre eux. Alain de Benoist a très justement souligné dans un entretien pour Monde et Vie, que ce bal des hypocrites était favorisé par un système politique qui préférait « la coalition des perdants » aux vainqueurs du 1er tour.
On n’a pas oublié, non plus, qu’en 1998, lors d’élections régionales, le RPR et l’UDF pouvaient prendre à la gauche de nombreux exécutifs régionaux en s’alliant au FN d’alors. Ceux des élus locaux UDF ou RPR qui l’ont fait ont été exclus de leur formation politique et contraints de démissionner, laissant le PS et le PCF gouverner ainsi ces régions pourtant gagnées à droite. L’un des plus acharné, fut un dénommé Philippe Seguin, alors chef du RPR qui exclura par exemple Jean-François Mancel qui dans sa région avait passé un accord avec le FN. Charles Million dû aussi s’incliner en Rhône-Alpes sous les oukases de Jacques Chirac.
En 2011, dans une tribune Au Monde, Philippe de Saint Robert avait annoncé « Le centrisme est aujourd’hui partout ». C’est ce centrisme qui est à l’origine de la situation politique actuelle, le centre ayant toujours fait le jeu de la gauche en refusant le combat politique et idéologique et en se vautrant délibérément dans le camp des gauches.
Alors, tout est-il perdu ? Maurras affirmait qu’en politique, le désespoir est une sottise absolue. Il faut absolument que le mouvement national s’ancre plus encore dans la réalité et le quotidien des villes et des villages et qu’il démontre ses qualités. Bonnard fustigeait le manque de doctrine, l’individualisme étroit, il appelait à la constitution d’une élite, et surtout ne jamais faire le jeu de l’adversaire. C’est à cette tâche immense que les tenants de la nation doivent s’atteler. Une élite reconnue, concrète, mue par des idées précises et un corpus doctrinal qui entraînent le peuple. C’est seulement ainsi que l’on pourra renverser la trahison des modérés.
Les modérés, Abel Bonard, Déterna, 232 pages, 23,00 €