La CJUE rappelle que la directive de 2003 indique clairement que la « longue durée » permettant à des immigrés de pays tiers d’accéder aux droits sociaux ne peut excéder cinq ans. Cinq années, et l’immigré peut prétendre à autant que l’autochtone. Par conséquent, un État membre ne peut allonger à sa guise ce délai : dix ans serait une condition abusive. Pour Nicolas Bauer, de l’European Centre for Law and Justice (ECLJ), la décision de la CJUE est « correcte d’un point de vue juridique ». Elle applique, explique-t-il à BV, « l’article 34 de la Charte des droits fondamentaux et la directive européenne d’harmonisation des résidents de longue durée ».
Le piège de la « discrimination indirecte »
Mais la Cour interprète les dix années de résidence requises comme « une discrimination indirecte vis-à-vis des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ». Là, le bât blesse, pour Nicolas Bauer. « Ce concept de "discrimination indirecte" permet d’analyser comme discriminatoire une loi objectivement neutre. » Permettant de faire dire beaucoup de choses à un texte de loi, il joue un rôle important dans la jurisprudence « alors qu’il n’apparaît pas dans la Charte des droits fondamentaux ni dans la Convention européenne des droits de l’homme ».
Question incidente : quand on connaît les liens entre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le financier George Soros, fondateur de la très mondialiste et immigrationniste Open Society, qu’en est-il de la CJUE ? Doit-on la soupçonner de véhiculer l’idéologie migratoire ? Non, nous répond Nicolas Bauer. D’une part, les juges sont de vrais magistrats, on ne trouve pas parmi eux d’anciens salariés d’ONG, des avocats ou des professeurs militants, comme c’est le cas à la CEDH. D’autre part, les juges y sont soumis à une obligation annuelle de déclaration d’intérêt - ce qui fait cruellement défaut à la CEDH.
Florian Philippot en appelle au Frexit
Si juste soit-il juridiquement, l’arrêt en question est « évidemment une (nouvelle) atteinte à la souveraineté des États », écrit Pierre Gentillet. Il apporte de l’eau au moulin des partisans du Frexit, Florian Philippot en tête. À quoi sert de promouvoir la préférence nationale, demande celui-ci, si on ne milite pas parallèlement pour le Frexit ? Une question posée au RN, bien sûr, qui lui répondrait sans doute par une nécessaire « réforme de l’intérieur », comme disent les partisans d’un changement de paradigme européen. Mais, sur ce point précis, cela paraît compliqué. « La Charte des droits fondamentaux qui empêche d’appliquer la préférence nationale pour la Sécurité sociale et les avantages sociaux, explique Nicolas Bauer à BV, n’est révisable qu’avec l’accord de tous les États membres car elle a valeur de traité. »
La remarque de Florian Philippot est donc pertinente. Cependant, elle n’envisage pas tous les moyens de lutter contre l’immigration illégale. Si désamorcer les pompes sociales et aspirantes est difficile du fait de la législation européenne, un relatif contrôle des flux est encore possible et le gouvernement de Giorgia Meloni le prouve. Ainsi, en Italie, les débarquements de clandestins ont diminué de 60 %, au cours des six premiers mois de 2024, par rapport au premier semestre de 2023. Sur la période, l’Italie est passée de 62.364 à 25.345 arrivées. C’est toujours trop mais… c’est déjà moins, et autant de moins qui prétendront à des droits sociaux au bout de cinq années passées en Italie.