C'est un sondage Elabe pour Les Échos paru le 1er août qui vient remettre les pendules à l'heure : non seulement, « Lucie Castets n'émerge pas », mais « les autres personnalités [de gauche] déçoivent ». Les leaders de gauche avaient tous connu une forte poussée au sein de l'électorat de gauche durant les semaines où Mélenchon lui avait fait miroiter que la gauche allait gouverner. Mais le spectacle des négociations d'appareil, de la rivalité PS-LFI, la succession des prétendants pour Matignon, ont douché leurs espoirs. Désormais, ces leaders d'accord sur rien, sauf l'impératif de conserver leur siège et leur barragisme anti-RN, sont durement sanctionnés par l'opinion. Le NFP a fait plus fort que son ancêtre de 1936 : son état de grâce a cessé trois semaines avant une éventuelle entrée à Matignon : l'usure du non-pouvoir.
Cette sanction de ses leaders par son propre électorat est spectaculaire : Fabien Roussel (l'un des plus populaires) : - 8 points ; Raphaël Glucksmann, la révélation du 9 juin disparue le 10 : -10 points ; François Ruffin : -11 points ; Manuel Bompard : -13 points et même François Hollande chute de 14 points. LFI et PS peuvent se réconcilier : leurs propres électeurs sont également écœurés par leurs comportements de boutiquiers. Et la nouveauté de Lucie Castets, au milieu de ces poids morts, n'y peut rien : 15 % d'« image positive » pour 33 % d'« image négative » chez l'ensemble des Français, pour une personnalité tout juste découverte par le grand public ! « Généralement, le tableau est meilleur pour les gens qui viennent d'émerger », note Vincent Thibault, le sondeur interrogé par Les Échos. Mais surtout, « les électeurs du camp présidentiel et de l'extrême droite l'ont déjà prise en grippe ». La gauche, les Français n'en veulent pas ! Faut-il rappeler que, dans cette même enquête mensuelle, le premier leader de gauche n'est autre que le pauvre Raphaël Glucksmann (à 30 % d'opinions favorables), mais loin derrière un Jordan Bardella (39 %) et une Marine le Pen (37 %) ?
La gauche apparaît dans une réalité crue : incapable de s'entendre, et encore moins de susciter l'intérêt au-delà d'elle, sans leader incontesté, uniquement préoccupée par les postes à prendre. Un épouvantail. Cette autodissolution de la gauche sert les affaires d'un Emmanuel Macron, qui a rejeté la nomination de Lucie Castets. Mais cela ne résout pas l'équation insoluble de sa majorité introuvable. Il faudra bien que le parti présidentiel et la droite LR en viennent à regarder la réalité politique en face : la France penche vraiment à droite, et, même si le vote populaire a été scandaleusement détourné, cette Assemblée en porte cependant la marque. Ils ne pourront gouverner qu'avec le soutien - ou tout au moins l'absence de censure - du groupe RN, véritable faiseur de lois, et de rois. À eux de lui donner des gages. Les mauvais usages à son égard lors des élections au bureau de l'Assemblée n'en sont pas un bon signe. Si le camp présidentiel d'Attal, le Président lui-même, les LR de Wauquiez et le futur Premier ministre (Xavier Bertrand ?), qui ne pourront bénéficier du soutien de la gauche vu le positionnement qu'ils affichent, persistent dans le barragisme anti-RN, dont les premières conséquences désastreuses furent cette Assemblée ingouvernable et cette résurrection factice de la gauche extrémiste, ils paieront cher le blocage à venir. S'ils sont obligés de recueillir le soutien du RN, même discret, la duplicité de leur alliance électorale avec la gauche les discréditera tout autant. Macron demeure seul devant une cohabitation introuvable. À tout faire pour éviter le RN - et le réel - il se retrouve devant… le vide. Et la France avec lui.