Quelques heures plus tôt, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont donc rencontré Emmanuel Macron à l’Élysée, prenant leur tour dans la consultation de la classe politique française.
Erreur et compromission
En décidant la dissolution d’une Assemblée dans laquelle il disposait d’une majorité relative certes, mais une majorité tout de même, le banquier d’affaires devenu président de la République, si longtemps décrit par les thuriféraires du politiquement correct comme un génie précoce de la politique, s’est lui-même fourré dans une situation inextricable. L’été finit comme il a commencé : sans solution mais avec une ébauche d'échafaudage centriste. Les observateurs sont sévères avec Villepin, à l’origine de la dissolution-naufrage de 1997. Les mêmes choisissent leurs mots pour éviter de parler d’erreur stratosphérique de Macron, qui a réduit sa majorité relative de 245 députés à 163 sièges, seulement, depuis le 7 juillet. Mais les faits sont têtus. À cette erreur majeure qui trahit une méconnaissance profonde de l’opinion et des Français, le Président a ajouté une fixation, celle du « tout sauf le RN ». Excepté Éric Ciotti, l’ensemble de la classe politique a, une nouvelle fois, foncé tête baissée dans l’assommoir : à court terme, chaque parti a sauvé les meubles, divisant le spectre politique en trois blocs : central, extrême-gauchiste et patriote RN-LR (Ciotti). Mais l’ensemble de la classe politique s’est assise sur ses principes et ses électeurs pour obtenir des députés, quitte à accueillir les voix des banlieues les plus suspectes via le soutien de LFI. Macron a apporté les voix de ses partisans aux opposants du parti à la flamme, quelle que soit l’étiquette, dans toutes les circonscriptions concernées.
Pour prendre les subventions de l’État liées au nombre d’élus, tout ce beau monde s’entend. Mais lorsqu’il s’agit de conduire les destinées de la France et de se préoccuper de l’avenir des Français, la belle phalange anti-RN n’existe plus. C'est la leçon de cette rentrée. La suite, l'administration du pays, le budget de l’État qui devra être tranché entre mi-septembre et fin décembre, tout cela est si secondaire…
Marine Le Pen a ainsi beau jeu de le rappeler : « Nous avions dit soit il y aura une majorité stable RN, soit ce sera le chaos, lance-t-elle, après son entrevue à l’Élysée, ce 26 août, devant les micros tendus. Emmanuel Macron a choisi le chaos. » Un chaos politique très dangereux.
L'ébauche d'un gouvernement au centre, constitué de bric et de broc et à grand peine, ressemble de plus en plus nettement aux derniers efforts d'un système vermoulu et à bout de souffle pour échapper au naufrage. On peut mentir une fois aux Français mais pas mille fois, sept ans durant. Combien de temps durera l'improbable coalition gouvernementale qui se dessine ? Marine Le Pen et Jordan Bardella peuvent se préparer à ramasser le fruit mûr.