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Mougins : la France renouvelle les titres de séjour des étrangers condamnés !

Capture d’écran (71)
Cet article a été mis à jour ce 30 août.

Il fallait s’y attendre. Après les mots poignants de la veuve du gendarme tué à Mougins par un chauffard désormais poursuivi pour homicide volontaire aggravé - autrement dit, pour meurtre -, le débat se concentre sur la récidive. L’homme avait en effet dix condamnations à son actif. Un point pourtant crucial passe ainsi au second plan : la France a renouvelé le permis de séjour du chauffard, un étranger né au Cap Vert, en dépit de ses multiples condamnations. Son permis de séjour a encore été renouvelé en 2022 pour quatre ans, jusqu’en janvier 2026.

Or, comme nous l’écrivions hier, selon Europe 1, le mis en cause Louis Antonio Mendez Vaz apparaît dès 2006 « au traitement des antécédents judiciaires dans une procédure pour violences ». Il enchaîne procédure pour outrages (2009), violences (2010), délit de fuite (2012), conduite sans permis (2014), « violences et outrages sur des policiers, rébellion, violences et port d’arme prohibé » (2016), ivresse au volant (2023). Jusqu’à la soirée dramatique de lundi. On ignore précisément quand cet individu est arrivé en France. Contactée par téléphone et par courriel, ce 29 août, la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas pu être jointe.

Feu vert, sauf « menace grave pour l'ordre public »

Selon Le Figaro, le capverdien arrivé en France en 1992 a demandé en 2015 et 2021 une carte de résident, en vain du fait de ses infractions routières. Il n'empêche. Son titre de séjour n'a pas été remis en cause. La question se pose donc à ce stade avec gravité. Pourquoi l’administration a-t-elle benoîtement renouvelé le permis de séjour de Louis Antonio Mendez Vaz, en dépit de ses antécédents ? Les agents avaient-ils connaissance de son parcours judiciaire ? Pouvaient-ils légalement en tenir compte ? Sans cette décision administrative, le gendarme Éric Comyn serait au milieu des siens.

Poser la question de l’examen du profil judiciaire des immigrés légaux, c’est lever un tabou et mettre le doigt sur une faille béante (encore une) du système judiciaire français. Car en France, une carte de résident ou un titre de séjour sont renouvelables de plein droit : « Est considéré comme résidant en France de manière habituelle l'étranger qui y a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux ; et qui y séjourne pendant au moins six mois au cours de l'année civile […] »selon le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tranquille.

Il faut aller chercher l’article 433.2 de ce document pour lire cette menue réserve : « Sous réserve de l'absence de menace grave pour l'ordre public, de l'établissement de la résidence habituelle de l'étranger en France et des articles L. 411-5 [des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, NDLR] et L. 432-3 [pas de polygamie ni de violence sur mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente] ».

Apparemment, malgré ses nombreuses condamnations, le chauffard incriminé ne représentait aucunement, pour la préfecture, de « menace grave pour l’ordre public ». On croit rêver.

« Pas de consultation systématique du casier judiciaire »

Le parcours judiciaire des voyous étrangers n’entre en effet pas ou très peu dans l’examen du renouvellement de leur droit à rester en France. « Le seul moyen pour la justice de lier une décision à une expulsion, c’est la prononciation de l’interdiction du territoire français (ITF) », explique Pierre-Marie Sève, interrogé par BV. Mais ces décisions, notamment liées au terrorisme, sont très rares : « Sur 400.000 à 500.000 condamnations par an, seules 300 à 1.000 personnes écopent d’une ITF », poursuit Pierre-Marie Sève. Pour les autres dossiers, l’administration organise son propre aveuglement : « Les préfectures s’obligent à ne pas regarder », explique Pierre-Marie Sève.

Une politique de l'autruche ultra-dangereuse pour la société que confirme le haut fonctionnaire Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex, spécialiste de l’immigration et, aujourd’hui, député européen du Rassemblement national.

« Il n’y a pas de consultation systématique du casier judiciaire, explique-t-il. L’administration pratique un cloisonnement entre le passé pénal et la démarche purement administrative : on regarde le domicile, les revenus, on vérifie s’il est entré légalement, mais l'État ne donne pas les moyens à ses agents de vérifier si une personne a porté atteinte à l’ordre public. Les agents administratifs préfectoraux n’ont pas accès à ces mentions et n’ont pas le droit de les vérifier pour en tenir compte. » Fabrice Leggeri évoque « une hémiplégie » : « Le juge a rendu la justice, il a condamné, mais il n’examine pas la question de l’expulsion. Cette notion n’existe pas dans le code qu’ils ont à appliquer. »

Résultat : « pour la délinquance du quotidien et le droit commun, il y a un angle mort », convient-il.

Cet angle mort était dans le viseur de la loi Darmanin, qui avait précisément pour objet de faciliter les expulsions. Le ministre fait état régulièrement de ses résultats. Mais le taux des reconduites effectives à la frontière ne dépasse pas, selon les chiffres du Ministère de l'intérieur, la barre des 20 % : seules 20 000 expulsions ont été effectivement réalisées sur 110 000 mesures prises en 2023. Un rapport de la Cour des comptes, cité par Le Figaro, estimait en janvier que « seule une petite minorité - autour de 10 % - des OQTF est exécutée ».

Si des étrangers multirécidivistes sèment la désolation en France depuis des années et emplissent nos prisons, c’est parce que notre système le leur permet. Hasard, négligence ou responsabilité mortelle du législateur et du pouvoir depuis longtemps sous l’influence de l’idéologie sans-frontiériste ? Poser la question, c’est y répondre. En attendant, Harmonie Comyn pleure son mari qui ne reviendra pas.

Marc Baudriller

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