Mikhaïl Alexandrovitch Bakounine (1814-1876) est l’une des figures les plus emblématiques du mouvement anarchiste. Philosophe, révolutionnaire, et théoricien politique, Bakounine est souvent cité comme l’un des fondateurs de l’anarchisme moderne. Son influence sur la pensée politique contemporaine, notamment sur les mouvements anarchistes, syndicalistes, et socialistes, est considérable. Explorons ci-dessous sa vie et son oeuvre
Une vie révolutionnaire
Né dans une famille noble russe en 1814, Bakounine a rapidement montré un intérêt pour les idées philosophiques et politiques. Après avoir quitté l’armée russe, il se rend en Allemagne où il rencontre des penseurs influents comme Hegel, dont les idées l’influencent profondément. Toutefois, il se détourne rapidement du conservatisme hégélien pour embrasser le radicalisme révolutionnaire.
Bakounine participe activement aux soulèvements de 1848, ce qui lui vaut d’être arrêté et emprisonné en Russie. Après plusieurs années de captivité, il s’évade et continue à voyager à travers l’Europe, s’impliquant dans divers mouvements révolutionnaires. Sa vie est marquée par une activité incessante : il conspire, écrit, et participe à des insurrections, affirmant toujours son engagement envers la cause de la liberté.
Les idées de Bakounine : un Anarchisme collectiviste
Bakounine est surtout connu pour son anarchisme collectiviste, une forme d’anarchisme qui prône l’abolition de l’État et la mise en place de collectivités autogérées. Contrairement à Karl Marx, avec qui il entretient une célèbre rivalité, Bakounine rejette l’idée d’une dictature du prolétariat. Pour lui, l’État, même s’il est contrôlé par les travailleurs, reste un instrument de domination. Il prône donc une révolution immédiate pour abolir toutes les formes d’autorité et permettre l’émancipation totale des individus.
Ses idées sont fortement influencées par une profonde méfiance envers toute forme de pouvoir. Bakounine croit que l’État est intrinsèquement oppressif, qu’il soit capitaliste ou socialiste. Il défend l’idée que seule une société fondée sur l’autogestion, la solidarité, et l’entraide peut garantir la véritable liberté. Cette vision s’oppose directement au centralisme autoritaire de Marx, menant à une scission notable au sein de la Première Internationale, une association internationale des travailleurs.
Les principaux ouvrages de Bakounine
Bakounine n’a jamais rédigé un ouvrage systématique exposant l’ensemble de sa pensée, mais ses écrits, souvent fragmentaires, ont été réunis en plusieurs volumes. Parmi ses œuvres les plus importantes, on retrouve :
1. “Dieu et l’État” (1882)
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Résumé : Cet ouvrage est probablement le plus célèbre de Bakounine. Il critique la religion et l’État comme des instruments de domination. Pour Bakounine, la religion est une invention humaine utilisée pour asservir les masses, tandis que l’État impose une forme de hiérarchie et de contrôle contraire à la liberté. Il y développe sa vision de l’anarchisme, où l’autonomie individuelle est primordiale.
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Extrait : « La liberté de l’homme consiste uniquement en cela qu’il obéisse aux lois de la nature parce qu’il les a reconnues comme telles, et non parce qu’elles lui ont été imposées de l’extérieur par une volonté étrangère, divine ou humaine. » . Ce passage résume la philosophie de Bakounine sur la liberté, qui doit être autodéterminée et non dictée par une autorité extérieure.
2. “Étatisme et Anarchie” (1873)
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Résumé : Dans cet ouvrage, Bakounine s’oppose au marxisme, particulièrement à l’idée de dictature du prolétariat. Il considère que toute forme d’État, même temporaire, mène à l’oppression. Il prône à la place une fédération de communes autonomes et autogérées, où la liberté collective et individuelle peut s’épanouir sans hiérarchie.
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Extrait : « Tout gouvernement, même le plus socialiste, le plus révolutionnaire, le plus sincère, mène nécessairement à l’oppression des masses par une minorité dirigeante. ». Cette citation souligne la méfiance de Bakounine envers toute forme de pouvoir centralisé, même s’il est issu de la révolution, car il estime que cela conduit inévitablement à une nouvelle forme de domination.
3. “La Confession de Bakounine” (1977)
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Résumé : Écrite sous la contrainte après son arrestation par les autorités russes, cette confession est une réflexion personnelle de Bakounine sur ses actions et ses croyances. Bien que dictée par les circonstances, cette œuvre offre un aperçu unique de son état d’esprit et de ses dilemmes moraux.
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Extrait : « Je crois que le désir de détruire est aussi un désir créateur. ». Cette phrase emblématique de Bakounine exprime son idée que la destruction des structures oppressives est nécessaire pour permettre la création de nouvelles formes d’organisation sociale plus justes.
4. “Lettre à La Liberté” (1872)
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Résumé : Dans cette lettre adressée au journal “La Liberté”, Bakounine répond aux critiques faites par ses contemporains sur ses idées et son engagement politique. Il y défend son anarchisme en soulignant la nécessité d’une révolution radicale et immédiate contre toutes les formes d’autorité, qu’elles soient politiques, économiques, ou religieuses.
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Extrait : « L’idée d’un pouvoir providentiel, bon ou mauvais, est également absurde et immorale. Il n’y a qu’une seule force créatrice et civilisatrice : la liberté. ». Bakounine rejette ici l’idée d’une autorité bienveillante, insistant sur le fait que seule la liberté, non contrainte par une quelconque forme de pouvoir, peut mener à une véritable civilisation.
5. “La Commune de Paris et la notion de l’État” (1871)
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Résumé : Dans ce texte, Bakounine analyse la Commune de Paris de 1871, qu’il considère comme une tentative incomplète mais prometteuse de mise en œuvre de ses idées anarchistes. Il critique l’incapacité des communards à abolir complètement l’État et à instaurer une véritable autonomie locale.
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Extrait : « La Commune est tombée parce qu’elle n’a pas su comprendre que pour être libre, il faut détruire, non seulement le gouvernement central, mais toute forme de gouvernement. ». Ce passage critique la Commune pour ne pas avoir été assez radicale, soulignant l’insistance de Bakounine sur l’importance de l’abolition totale de l’État.
6. “L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale” (1871)
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Résumé : Cet ouvrage est une critique du tsarisme russe et du pangermanisme, ainsi qu’une analyse de la situation politique en Europe. Bakounine y prédit la montée des tensions qui mèneront à une guerre généralisée, tout en appelant à une révolution sociale pour prévenir cette catastrophe.
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Extrait : « L’Europe est une poudrière, et la seule issue pour éviter l’explosion est une révolution sociale radicale qui brisera les chaînes de l’oppression. ». Bakounine voit la révolution comme la seule solution pour éviter la guerre, considérant que l’oppression impérialiste conduira inévitablement à des conflits.
7. “Fédéralisme, socialisme et antithéologisme” (1867)
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Résumé : Ce texte est une défense du fédéralisme anarchiste, où Bakounine propose une organisation sociale décentralisée basée sur des communes fédérées. Il s’oppose également à la théologie et à toute forme de dogme religieux, qu’il considère comme incompatibles avec la liberté humaine.
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Extrait : « Le fédéralisme est l’organisation naturelle de la société libre, où chaque commune, chaque groupe, est maître de son destin sans interférence d’un pouvoir central. ». Bakounine propose ici une alternative à l’État centralisé, prônant une organisation fondée sur la coopération et l’autonomie locale.
8. “Catéchisme révolutionnaire” (1866)
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Résumé : Rédigé en collaboration avec Sergueï Netchaïev, ce texte est un manuel pour les révolutionnaires, exposant les principes et les méthodes pour renverser l’ordre établi. Bakounine y exprime une vision intransigeante de la révolution, où tous les moyens sont justifiés pour atteindre la liberté.
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Extrait : « Le révolutionnaire est un homme condamné, il n’a ni intérêts propres, ni affaires personnelles, ni sentiments, ni attaches, ni biens, ni même un nom. Tout en lui est absorbé par un unique intérêt, une unique pensée, une unique passion : la révolution. ». Ce passage illustre l’extrémisme de Bakounine dans sa vision de la révolution, où le sacrifice total est exigé des révolutionnaires pour atteindre l’émancipation.
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