Au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement, les espoirs des électeurs de droite toutes tendances confondues ont du plomb dans l'aile.
Enfumage et copinage apparaissent plus que jamais comme les deux mamelles de la Macronie, la version Barnier n'ayant malheureusement pas grand-chose à envier aux précédents gouvernements. En 1914, Robert de Jouvenel avait stigmatisé, dans un livre à succès réédité récemment - La République des camarades -, celle qui, au-dessus des partis, s’entend pour menus ou grands services. Cette fois-ci, on va bien au-delà, car c’est la République d’un clan qui, chassé par la grande porte, revient par la fenêtre pour reprendre possession des postes.
Car à la fin, c’est Macron qui gagne. Battu sèchement aux européennes, ridiculisé au premier tour des législatives, amputé de 100 députés au deuxième tour en dépit de tractations ahurissantes avec toute la classe politique, de la gauche à la droite, Macron change les visages mais conserve la ligne, celle du macronisme. Avec une nuance : ce CDD gouvernemental a fait fuir les grandes ambitions, les ambitions présidentielles, comme Wauquiez ou Philippe. Celles qui n’ont pas fui, comme David Lisnard, le maire de Cannes dont le nom a été cité, ont été rayées de la liste par un Emmanuel Macron soucieux d'éparpiller la concurrence. Les hommes et les femmes disponibles pour cette aventure gouvernementale n’ont rien à perdre et tout à gagner : expérience, notoriété, voiture de fonction, retraite.
Témoin de mariage
Quelques jours après la nomination du très pâle et très macroniste Séjourné en Europe, Macron a donc profité de l’anonymat général de ce gouvernement pour imposer de nombreux « camarades » façon Jouvenel. Ces intimes ne risquent pas de mordre la main qui les a placés là. Champion dans la catégorie « promotion présidentielle », le ministre Marc Ferracci, HEC, ancien conseiller économique de Jean Castex, inconnu du grand public. C’est Le Monde qui en parle le mieux : « Le nouveau ministre délégué à l’Industrie est un fidèle du président de la République, écrit le quotidien du soir. Mieux, un intime. Les deux hommes, nés à deux jours d’intervalle en décembre 1977, se connaissent depuis leurs études à Sciences Po en 1999. Le chef de l’État a été le témoin de mariage de son ami avec Sophie Ferracci – qui dirigea le cabinet du ministre Macron à Bercy, en 2016. Marc Ferracci, lui, a été le témoin de son union avec Brigitte Macron. »
Au poste clé de ministre de l'Économie et des Finances, le jeune Antoine Armand, 33 ans, a donné d’emblée l’ampleur de son analyse critique. Alors que Barnier a souligné le défi financier auquel est confronté la France après sept années de macronisme, une dégradation financière et des perspectives tragiques, son ministre des Finances a prononcé, ce 23 septembre, ces mots surréalistes : « Je mesure la chance que j’ai d’hériter un tel bilan. » Foin des 3.000 milliards de dettes.
Papier cadeau
Armand livre aussi un hommage appuyé au ministre des PME Olivia Grégoire, alors que la vague de faillite des PME est plus qu’inquiétante. Comment Barnier imprimera-t-il sa marque, flanqué d’un Antoine Armand à l’un des postes les plus importants du gouvernement ? Le ministre a, du reste, immédiatement donné une leçon de macronisme en évoquant la nécessaire souveraineté alimentaire, énergétique, industrielle, technologique ou numérique pour laquelle « on a besoin de l’Europe et d’une Europe forte qui défende l’intérêt des nations ». Comment emballer le mondialisme européiste exécré des Français dans le papier cadeau aux couleurs de la nation ? Quatrième ministre de l’Éducation nationale en mois de trente mois, Anne Genetet n’a pour compétence, accusent les syndicats d’enseignants pour une fois réalistes, que son macronisme absolu. Guislaine David, la secrétaire générale du SNUipp-FSU, évoque même auprès de l'AFP la désignation d'un « clone de Gabriel Attal ». Pannier-Runacher, Barrot, Lecornu et tant d’autres bien moins célèbres composent un gouvernement d’exécutants froids, européistes et obéissants, très proches du Président et sans moyens de lui résister par leur compétence, leur expérience ou leur personnalité. Isolé, déjà ciblé tous azimuts par l’extrême gauche qui veut sa peau, Retailleau aura fort à faire. De son côté, le RN, qui marchandait son soutien, tweete officiellement, ce 23 septembre : « Les Français n’ont rien à attendre de ce remaniement entre macronistes, qui n’améliorera pas leur quotidien. »
Macron, qui a tordu le bras de Barnier jusqu'à obtenir le gouvernement de ses vœux - une équipe à sa botte mal cachée par le chiffon rouge Retailleau -, pense avoir roulé une fois de plus la classe politique et dupé les Français. Il a peut-être raison. Pour combien de temps ?
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