En collaboration avec Géraldine Woessner, Erwan Seznec signe Les Illusionnistes : Climat, agriculture, nucléaire, OGM, un livre-enquête publié en septembre 2024 qui plonge au cœur des contradictions de l’écologie politique. Erwan Seznec a été interrogé dans Conflits. Extrait :
Comment définir l’écologie politique ?
La décroissance est son concept clé. Elle considère l’humain comme un parasite qui dévore la terre-mère et qui doit s’autolimiter à tous les niveaux. Idée d’extrême-droite au départ, l’écologie décroissante a basculé dans l’anticapitalisme dans les années 1970. Ajoutez une couche de wokisme datant d’une quinzaine d’années et vous obtenez l’écologie politique actuelle, adversaire résolu du capitalisme patriarcal occidental prédateur, à la fois archaïque dans ses références (Malthus, l’animisme…) et très contemporaine, « produit de la culture populaire qui a donné le blockbuster Avatar : une compagnie minière veut détruire la forêt primitive, des rebelles connectés aux forces spirituelles telluriques se dressent pour leur tenir tête… », écrivons-nous dans le livre.
Son influence va bien au-delà de ses résultats électoraux (5,5% aux dernières Européennes, un record à 13% aux Européennes de 2019). Sa force tient dans sa capacité à mobiliser un réseau associatif extrêmement influent (Greenpeace, WWF, la FNE, Sea Shepherd, etc.) et dans la séduction qu’elle exerce sur une large partie de la fonction publique. Au nom de la protection de l’environnement, le pouvoir réglementaire est extensible presque à l’infini. Je rappelle qu’on parle sérieusement à notre époque de confier à l’Etat le pouvoir de dire combien de vols en avion nous devrions faire dans notre vie… Jean-Marc Jancovici, écouté de nombreux ministres et élus, est favorable à une telle limitation.
L’écologie est-elle dévoyée à des fins idéologiques ?
L’écologie, en tant que discipline scientifique visant à la compréhension et la protection de la nature, n’a plus qu’un lointain rapport avec l’écologie politique, qui n’est pas seulement une idéologie : c’est la dernière idéologie de l’offre politique contemporaine en France (avec l’antispécisme, éventuellement, mais ce dernier reste une niche politique), avec une conception de l’humain, inscrite dans le temps long, et une vision de transformation radicale de la société.
Quels sont ses leviers d’actions ?
En termes de leviers d’action et de stratégie, dans une perspective décroissante, je citerais la diabolisation de l’agriculture et du nucléaire. Les deux sont attaqués au nom de leurs défauts présumés, mais ce sont pour leur qualité que les idéologues les détestent. Aussi longtemps qu’il y aura des centrales nucléaires disponibles jour et nuit et une agriculture à haute productivité, il sera impossible de faire accepter aux citoyens « la sobriété », c’est-à-dire des rationnements d’énergie et d’alimentation. Car tel est le but. Et c’est saisissant à constater. Vous creusez pendant des jours les arguments des défenseurs du tout bio, par exemple (destruction de la biodiveristé, pollution, risque pour la santé, etc.). Au fil de vos recherches, vous voyez s’effondrer un par un tous ces arguments, par rapport à du conventionnel raisonné. À la fin, ne reste plus qu’un constat : la production va s’effondrer si on bascule au tout bio. Et ce sera une bonne chose…
Un exemple ou l’écologie politique s’écarte des recommandations scientifiques ?
La biodynamie. Elle enthousiasme les écologistes. Quiconque a étudié ne serait-ce qu’une heure les principes de l’agriculture en biodynamie sait qu’il s’agit purement et simplement de magie. La biodynamie, c’est Harry Potter agronome. Je cite notre enquête : « Du maraîchage en biodynamie qui offre les mêmes rendements que l’agriculture conventionnelle, c’est possible. C’est aussi davantage d’emplois et davantage de goût. Changeons de modèle et utilisons les milliards de la PAC pour accompagner cette transition », twittait Yannick Jadot le 16 février 2019. Il ne mentait pas. Sur quelques productions, certaines saisons, avec de la chance, si les conditions s’y prêtent, la biodynamie peut avoir le même rendement que l’agriculture conventionnelle. Mais à grande échelle et sur la durée, elle n’a jamais fait ses preuves. Les études parfois citées tendant à démontrer le contraire proviennent invariablement de sources militantes. La biodynamie a été élaborée par un philosophe autrichien passionné par le paranormal, qui n’avait aucune compétence en agronomie. Rudolf Steiner (1861-1925) a d’abord créé sa doctrine ésotérique, l’anthroposophie. Il en a ensuite tiré une méthode d’agriculture extravagante. À la base, zéro expérimentation, aucune mesure d’efficacité, même pas de fondement théorique scientifique ». […]
https://lesalonbeige.fr/les-manipulations-autour-de-lagriculture-et-du-climat/