Ci-dessous l’éditorial et le sommaire
Editorial : La Waffen-SS, une armée européenne ?
De la petite troupe de quelques centaines d’hommes créée à sa dévotion par Hitler après le putsch raté de 1923, à Heinrich Himmler qui en fera un élément clé de l’énorme machinerie nationale-socialiste, la SS combattant apparaît dès le milieu de la guerre comme la quatrième branche de la Wehrmacht. Forte de centaines de milliers de soldats, dont 70 % ne sont pas Allemands, d’aucuns n’ont pas manqué de la comparer à la Grande Armée hétérogène de Napoléon, engloutie en 1812 dans les steppes glacées de Russie. D’autres ont convoqué le souvenir des grandes coalitions passées entre royaumes européens, dans leurs combats solidaires contre l’islam conquérant et l’expansionnisme de l’Empire ottoman.
Ce souhait d’un corps européen combattant sous une même uniforme et sur la base commune de l’anticommunisme naîtra des nécessités de la guerre, grande broyeuse d’hommes, qui changera la nature de la Waffen-SS telle qu’elle avait été pensée à l’origine par le Reichsführer. Himmler décida au début des années 30 un recrutement élitiste de « volontaires » (dont certains le furent fort peu à la fin du conflit), sur le modèle des chevaleries médiévales, et plus précisément du prestigieux Ordre des chevaliers teutoniques qui le fascinait.
Mais ce temple autoproclamé de la « pureté nordique » va s’ouvrir non seulement aux Européens de l’Ouest mais aussi majoritairement aux peuples slaves et également à des ethnies disparates, de diverses confessions, enrôlées notamment en URSS et dans les Balkans. La propagande du régime hitlérien exaltera dans le caractère international de la SS la manifestation d’une « solidarité raciale » avec les peuples nordiques, la nécessité de la « Croisade contre le bolchevisme » et pour « l’Europe unie », voire le gage d’une indépendance future des petits peuples dont les soldats auront combattu dans ses rangs…
Mais est-ce suffisant pour en faire un exemple d’une véritable première grande armée européenne unifiée et cohérente dans le cadre d’un projet commun ? On peut en douter. D’abord parce qu’un recrutement aussi hétéroclite ne pouvait que provoquer sur le plan opérationnel des complications extrêmes et de très fortes disparités dans la valeur combattive des unités qui furent mises sur pied. Et surtout, l’accumulation dès fin 1942 de revers militaires plaça l’Allemagne sur la défensive et priva les dirigeants nationaux-socialistes du temps nécessaire pour faire émerger leur rêve d’une Europe unifiée sous la férule germanique. Comme le résumera l’historien fascisant François Duprat, « la défaite n’est jamais un bon climat pour essayer de bâtir un appareil politico-militaire radicalement différent de celui que l’on possède ».
L’objet de notre dossier est donc une armée que l’on peut néanmoins qualifier d’« européenne », voire d’« internationale » mais uniquement au regard de sa composition et de ses vagues de recrutement dictées par les circonstances du conflit. Étude, nous le précisons, de nature purement historique et qui ne se veut en aucun cas l’apologie d’une organisation coupable de crimes de guerre.
Guillaume Fiquet
Photo d’illustration : DR
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