par Gérard Leclerc
Emmanuel Macron parlera donc sur le parvis de la cathédrale, et non à l’intérieur, comme il en avait été, un moment, question. Ce sera le 7 décembre, avec la réouverture de Notre-Dame, en présence d’un nombre impressionnant de chefs d’État… et en l’absence du pape. Faut-il voir dans cette disposition un simple détail de protocole ? Pour certains, c’est le statut même des édifices religieux qui se trouve en cause, selon l’esprit et la lettre de la loi de 1905. Ce qui nous renvoie à l’interprétation du concept de laïcité, que j’ai souvent évoqué dans cette chronique.
Il y a deux interprétations opposées de cette laïcité, solidaires de la séparation des Églises et de l’État. La première est complètement négative. Elle considère que la loi de 1905 est la conséquence de l’hostilité bien réelle du personnel républicain à l’écart du christianisme. Son élaboration ne s’inscrivait-elle pas dans un climat de persécution, singulièrement à l’égard des congrégations religieuses chassées du pays – entre 50 000 et 70 000 religieux ? Charles Péguy s’était insurgé à l’époque contre la dictature combiste (du nom d’Émile Combes, responsable de cette persécution).
Mais il y a un autre avis opposé à cette thèse, argumenté par l’historien Émile Poulat. C’est Aristide Briand qui avait changé l’esprit de la loi en lui conférant une tonalité pacifique. Loin de prolonger une guerre antireligieuse, il s’agissait de trouver les moyens d’un armistice, permettant d’aménager les conditions de nouvelles relations entre l’État et les « cultes ». Si, sur le moment, la loi de 1905 fut récusée par le Vatican, elle fut amendée après la Première Guerre mondiale, les négociations aboutissant au rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège.
Il est important d’avoir en tête ces précisions historiques pour comprendre la signification symbolique de la présence d’Emmanuel Macron sur le parvis de Notre-Dame. Car la loi de 1905 a établi que, si l’État était propriétaire des cathédrales de France, l’Église catholique en était « affectataire ». Ainsi la spécificité du caractère religieux des édifices est bien reconnue, en même temps que le caractère amiable des relations entre l’Église et l’État. La séparation a le mérite d’établir la pleine autonomie du religieux par rapport à l’autorité politique, mais aussi la nécessité d’une coopération dans le sens du bien commun et de la paix civile. C’est pourquoi il importe de distinguer les différentes phases des cérémonies de réouverture de Notre-Dame de Paris. Le président de la République prononcera son discours devant l’entrée de la cathédrale, signifiant l’importance que l’État accorde à la réhabilitation d’un monument si important dans l’imaginaire de la nation. Mais c’est l’archevêque de Paris qui procédera à la réouverture de la cathédrale par un rite liturgique particulièrement significatif. En frappant par trois fois de sa crosse épiscopale le portail principal, il sera accompagné par la chorale reprenant le psaume 24 : « Ouvrez-vous, portes éternelles ! Qu’il entre le Roi de gloire ! » Un chant au demeurant magnifique, lié au rite repris à Notre-Dame à chaque procession des Rameaux.
Mgr Ullrich et la foule des invités entreront alors dans Notre-Dame pour le chant des vêpres avec le Magnificat, et in fine le Te Deum des grandes circonstances. Le lendemain, 8 décembre, sera célébrée la première messe, avec la consécration du nouvel autel.
La cérémonie civile et la célébration religieuse sont ainsi distinctes, attestant en même temps une nécessaire coopération entre l’Église et l’État, qui confère au concept de laïcité un contenu pacifiant et non plus belliqueux.
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