Cellule Stratégie 7
La rubrique « Cellule Stratégie » présente des concepts de la stratégie politique du coup de force. Après le royalisme de témoignage, le royalisme politique et le royalisme de complot et le concept de pédagogie de la transgression, voici le concept de conspiration à ciel ouvert de Michel Michel tiré de son Analyse sociologique du royalisme.
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Par Michel Michel
On a parfois reproché à Maurras d’avoir négligé le complot. Il est vrai qu’en certaines périodes il était plus urgent de « sauver l’héritage » que de « ramener l’héritier » ; à la fin des années 1930, Maurras cherchait probablement plus à peser sur le gouvernement pour qu’il réarme la France face à l’Allemagne ou à empêcher que l’on ne renvoie Mussolini dans une alliance avec Hitler… De même, dans son admirable lettre d’après-guerre à Pierre Boutang où devant le triomphe apparent du pire et des pires, il préconise la construction de « l’arche catholique et royale », Maurras semble se retrouver sur les positions d’un royalisme de valeurs…
Pourtant, même si sa tâche de journaliste l’amenait à incarner le « royalisme politique », si l’écrivain savait – et avec quelle altitude ! – évoquer les principes et les valeurs de la tradition contre-révolutionnaire, il serait injuste d’affirmer que Charles Maurras s’est désintéressé de la stratégie pour restaurer l’État royal. Avec bien d’autres œuvres (je pense ici à l’essai sur Mademoiselle Monk), la brochure sur «Si le coup de force est possible » en témoigne. Publié en 1910, il n’y a pas grand-chose à rajouter ou modifier à ce texte.
Bien sûr, l’histoire a montré l’importance dans ces domaines des nouveaux média (voir ici ce qu’écrit Curzio Malaparte sur l’importance de la TSF dans la prise de pouvoir par Hitler dans Technique du coup d’État) et plus encore sur le rôle que jouent internet, les téléphones portables et les réseaux sociaux… On pourrait souligner l’importance des manipulations étrangères dans les changements de régime (c’était déjà vrai au temps de Bismarck et de la dépêche d’Ems) et les techniques de la CIA pour subvertir les républiques bananières (voir là Edward Luttwach dans Coup d’État).
Enfin, peut-être pourrait-on relativiser l’importance que Maurras attribue à la création d’un « état d’esprit royaliste » : au début du XXe siècle, l’opinion est relativement stabilisée et dominée par des réseaux de notables ; aujourd’hui l’opinion est plus instable et segmentée.
Malgré ces nuances Si le coup de force est possible reste un texte majeur de la stratégie royaliste. Oui, contre les rêves démocratiques ou pseudo-providentialistes, la Restauration ne se fera pas spontanément par un appel unanime des Français au Prince, elle passera nécessairement par combinazione tactiques mettant en jeu des rapports de forces et des ruptures de légalité. Oui, contre les naïvetés activistes, nous reconnaissons que les circonstances sont l’élément le plus déterminant et que le pouvoir n’est à prendre que lorsque l’État s’abandonne. Lénine, orfèvre en la matière, résumait cela par une déplaisante image : « La révolution est un coup de poing donné au paralytique ».
Or, ces situations sont récurrentes, particulièrement en France où – c’est une des tares du régime républicain – l’État est divisé contre lui-même.
Encore faut-il qu’un appareil soit en mesure d’exploiter une telle situation. C’est à l’organisation et à l’entraînement d’un tel appareil que doit s’atteler l’Action française.
Pour cela, peut-être faudrait-il mettre moins d’énergie à « royaliser le pays » (ou alors faudrait-il modifier le slogan en « royaliser les secteurs utiles du pays » en fonction d’une analyse stratégique à définir). Sur quoi reporter cette énergie ? Il faut continuer de transformer des contre-révolutionnaires spontanés (et des protestataires circonstanciels) en « royalistes politiques » mais plus encore, il faut prendre les moyens pour qu’une partie de ces « royalistes politiques » deviennent des « royalistes de complot ».
Les coups d’États qui se multiplient dans le monde donnent à nos publications l’occasion de faire de l’empirisme organisateur fonctionnel. Oui, le coup de force est possible et la mission de l’école d’Action française est d’en assurer la préparation psychologique et technique.
Comme l’Action française de 1910, faisons du « complot à ciel ouvert » un spectacle susceptible d’attirer les hommes d’action, ceux qui sont prêts à engager leur vie dans une aventure risquée, mais dont les chances ne sont pas nulles. Sans doute, « notre force est d’avoir raison », mais il importe d’adjoindre d’autres forces à cette raison. Puisse cette republication ici sur le site de notre mouvement y contribuer.
https://www.actionfrancaise.net/2024/11/28/cellule-strategie-7/