Réalisé quelques jours après le vote de la motion de censure, le sondage envisage différentes hypothèses. Que le « bloc central » (comme on dit, pour éviter le terme « macroniste », étiquette en totale décote) soit représenté par Édouard Philippe ou Gabriel Attal, Marine Le Pen obtient 36 % à 38 %, tandis que Philippe est à 25 % et Attal à 20 %. Imaginons, maintenant, que François Hollande soit le candidat socialiste (et non Olivier Faure) face à Édouard Philippe. Philippe prend 24 %, Hollande atteint un humiliant 7 % et Marine Le Pen caracole en tête (35 %).
Commentateurs politiques : peut mieux faire
Il n’y a donc pas d’effet repoussoir des réquisitions au procès des assistants RN au Parlement européen - peut-être même ont-elles accru la sympathie pour Marine ? - ni d’effet négatif de la censure. Il n’a pourtant pas manqué de commentateurs pour écrire que ce choix était « une erreur stratégique », que l’électorat modéré du RN était « froissé », que grand était le risque de le « désorienter », que le RN était « isolé » et « cherchait à exister »… Mention spéciale à Alain Duhamel qui, fort de 60 ans d’analyse politique, disait, ce 10 décembre : « Marine Le Pen a commis une grosse faute et je pense qu'elle n'est pas dans une bonne phase. »
Au contraire, Marine Le Pen est en hausse de 1 à 3 points par rapport à un sondage de septembre. Imaginons, enfin, qu’elle soit inéligible et que Jordan Bardella se présente à sa place face à Édouard Philippe. Toujours selon ce sondage IFOP-Fiducial pour Le Figaro Magazine et Sud Radio, le jeune président du RN obtiendrait 34 % et Philippe 26 %…
La gauche n’existe que par la grâce du barrage
Quant à la gauche dans son ensemble, pas d’effet censure pour elle - ce qui ne manque pas de sel, puisque c’est sa motion qu’ont votée les députés RN. Mélenchon est à 11 %. Tondelier (EELV), Faure (PS) et Roussel (PCF) obtiennent, chacun, dans les 3 à 5 %. Additionnons Arthaud, Poutou, Mélenchon, Roussel, Faure et Tondelier : on grimpe, péniblement, à 24-26 %. La gauche et l’extrême gauche ne passeraient pas au second tour. Cruel, pour un NFP qui se proclame toujours le grand vainqueur des législatives de juin dernier et réclame parfois, à ce titre, le poste de Premier ministre.
Bien sûr, on pourrait « faire barrage ». En cumulant, au second tour, bloc central + gauche + extrême gauche + droite molle, le RN ne passerait pas, même en lui adjoignant les voix d’Éric Zemmour (4 %) et celles de Nicolas Dupont-Aignan (3 %). L’entourloupe du « front républicain » n’est pas jolie jolie, mais la fin justifie les moyens… Le barrage, ça fonctionne, comme le montre la carte interactive de BV sur les dernières élections législatives, grâce à laquelle on découvre l'Assemblée obtenue s'il n'y avait pas eu de désistements réciproques anti-RN. Même si, côté NFP, des compagnons de route commencent à comprendre que « toute association de la gauche au macronisme […] aurait pour conséquence inéluctable de laisser au Rassemblement national le rôle facile de seul opposant », la gauche de barrage ne participerait, au second tour, que sous la forme d'un castor auxiliaire.
Macron déconnecté
Après quelques jours d’incertitude dans les rangs même du RN, Marine Le Pen, qui assurait n’avoir pas fait un « coup politique » mais un « acte politique », semble avoir fait les deux. Invitée aux 4 Vérités, elle a appelé les responsables politiques et les commentateurs à la prudence. « Un sondage paru ce matin vient contredire l’intégralité des commentaires que j’ai pu entendre depuis une semaine. […] Qu’ils ne prennent pas leurs rêves pour la réalité. Le problème de la classe politique française, c’est sa déconnexion avec la réalité. » Et l’on se dit qu’Emmanuel Macron, en ne consultant pas le RN avant de faire le choix d’un nouveau gouvernement, n’a pas pris le pouls du pays : il s'est contenté de prendre le sien...