par Alexandra Brzozowski et Aurélie Pugnet
À un peu plus de quatre semaines du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les dirigeants européens commencent à former des coalitions pour s’assurer du soutien continu à l’Ukraine en cas de futurs pourparlers sur un cessez-le-feu.
Mercredi 18 décembre, un dîner informel organisé par le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Mark Rutte, avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et plusieurs dirigeants européens, a contribué à assurer du soutien continu à l’Ukraine dans les mois à venir.
Les discussions informelles à la résidence bruxelloise de Mark Rutte ont été suivies par l’Allemand Olaf Scholz, l’Italienne Giorgia Meloni, la Danoise Mette Fredriksen et le Polonais Andrzej Duda, ainsi que par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen António Costa.
De son côté, le président Emmanuel Macron a fait l’impasse sur le dîner pour se rendre sur l’île de Mayotte, ravagée par un cyclone, tandis que le Premier ministre britannique Keir Starmer a été remplacé par le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy.
Avant les discussions, Mark Rutte a déclaré que les partenaires de l’Ukraine prévoyaient de maintenir l’aide militaire à Kiev pour «tout» faire – y compris fournir des systèmes de défense aérienne et d’autres systèmes d’armes – afin que l’Ukraine soit dans la «meilleure position possible un jour, quand elle le décidera, pour entamer les pourparlers de paix» avec la Russie.
L’un des objectifs de cette réunion, à l’initiative de Mark Rutte, était de «discuter du soutien continu à l’Ukraine, en particulier de la défense aérienne», a confié un fonctionnaire de l’OTAN à Euractiv.
L’Ukraine attend la livraison des systèmes de défense aérienne promis en juillet, et Volodymyr Zelensky a expliqué en début de semaine que 12 à 15 systèmes supplémentaires étaient nécessaires.
Le président ukrainien a également souligné que les nombreuses réunions à Bruxelles étaient une «excellente occasion de parler des garanties de sécurité pour l’Ukraine».
«Il est vraiment très important d’utiliser ces deux jours à Bruxelles pour adopter la même position commune sur la manière de sécuriser l’Ukraine et de nous renforcer», a réagi le dirigeant ukrainien.
«L’Europe a besoin d’une position forte et unie pour garantir une paix durable», a-t-il ajouté.
Pour contourner le veto hongrois au soutien à Kiev, les États membres et hauts responsables de l’UE souhaitent convaincre la Hongrie d’accepter l’option de non-participation au financement de l’aide à l’Ukraine dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix – qui reviendrait de facto à lever son veto.
La diplomatie de l’accalmie
Les assurances données par les partenaires européens sur la poursuite du soutien militaire et les débats stratégiques, précèdent de peu le retour à la Maison-Blanche du président américain récemment réélu Donald Trump le mois prochain, et les craintes qu’il ne retire le soutien à Kiev et ne l’oblige à faire des concessions à la Russie.
Le nouvel envoyé de Donald Trump pour l’Ukraine, Keith Kellogg, devrait se rendre à Kiev et dans plusieurs autres capitales européennes au début du mois de janvier, alors que la prochaine administration projette de mettre rapidement fin à la guerre.
Ces dernières semaines, les Européens ont commencé à multiplier les efforts pour se rencontrer sous différentes formes, soucieux d’éviter d’être laissés à l’écart d’éventuels futurs pourparlers sur un cessez-le-feu.
«Tout ce qui est décidé devrait toujours impliquer l’Ukraine et devrait toujours inclure l’Ukraine (…), et il devrait en être de même pour l’Europe», a estimé le Premier ministre de l’Estonie, Kristen Michal, à Euractiv.
Kristen Michal, qui a reçu un groupe de pays nordiques et baltes sous l’égide du Royaume-Uni à Tallinn cette semaine, a fait savoir qu’il était «tout à fait convaincu que ce type d’échange d’informations est nécessaire».
«Mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, celles-ci doivent être prises derrière une table où tous les dirigeants sont présents», a-t-il ajouté.
Plusieurs diplomates de l’OTAN ont confirmé qu’au cours des dernières semaines, divers formats et initiatives ont permis d’examiner la contribution des Européens à l’Ukraine pour l’avenir, y compris lorsqu’il s’agit de «solutions d’urgence» concernant un éventuel cessez-le-feu.
Les fonctionnaires européens ont indiqué qu’ils s’attendaient à ce que ces formats, dans différentes configurations, se poursuivent au cours des semaines et des mois à venir.
«Nous ne pouvons pas toujours nous réunir à 27, nous avons besoin de représentants», a déclaré un diplomate de l’UE, tandis qu’un autre a ajouté que «des groupes plus restreints permettraient de tester différentes solutions».
Dans le cas du dîner informel et des discussions du jeudi 19 décembre entre les 27 et le président ukrainien, les diplomates de l’UE ont souligné à l’avance qu’il n’était pas question d’inciter Volodymyr Zelensky à s’engager à faire des concessions de quelque nature que ce soit.
Les fonctionnaires européens ont également précisé que les discussions se concentreraient plutôt sur ce qui peut être fait maintenant pour renforcer l’Ukraine plutôt que d’anticiper les actions futures de Donald Trump.
Jeudi, les dirigeants de l’UE devraient «réaffirmer leur soutien à une paix globale, juste et durable (…), et souligner le principe selon lequel aucune initiative concernant l’Ukraine ne doit être prise sans l’Ukraine», selon la dernière série de conclusions du sommet, consultée par Euractiv.
«Ce n’est pas écrit, mais, pour la plupart des États membres de l’UE, rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine se traduit par «rien sur l’Europe sans l’Europe», et c’est un message que nous devrons également transmettre à Washington», a confié un diplomate de l’UE à Euractiv.
Les dirigeants de l’UE devraient également appeler à une «intensification urgente des efforts, notamment en ce qui concerne la livraison de systèmes de défense aérienne, de munitions et de missiles, ainsi que la disposition de l’entraînement et de l’équipement nécessaires pour les brigades ukrainiennes».
Ils souligneront également que l’UE et ses États membres «maintiendront leurs efforts intensifs de sensibilisation à l’échelle mondiale et participeront aux discussions qui touchent à la sécurité de l’Europe».
Les États membres de l’UE relancent le débat sur le déploiement de troupes en Ukraine afin de garantir un positionnement stratégique après le cessez-le-feu et d’éviter d’être mis sur la touche par la nouvelle administration américaine.
Force de maintien de la paix
Donald Trump a clairement indiqué à plusieurs reprises qu’il attendait des Européens qu’ils prennent en charge la sécurité de l’Ukraine et qu’ils supervisent tout futur accord de cessez-le-feu entre Kiev et Moscou.
Des discussions ont été entamées entre certaines capitales européennes sur le déploiement potentiel d’une force européenne de maintien de la paix en Ukraine afin de garantir un éventuel cessez-le-feu. Une initiative évoquée précédemment par Emmanuel Macron, mais rejetée jusqu’à présent par le Premier ministre polonais Donald Tusk.
Alors que Kiev considère toujours l’adhésion à l’OTAN comme l’ultime garantie de sa sécurité, la force de maintien de la paix est perçue comme une solution intermédiaire.
Selon des personnes proches des discussions, le dîner de mercredi était également un moyen d’explorer la volonté de certains de créer une telle force de maintien de la paix pour un éventuel futur cessez-le-feu.
Si Volodymyr Zelensky a confirmé précédemment que la question pourrait être soulevée, Mark Rutte a averti la semaine dernière qu’il avait demandé à ses homologues de l’OTAN et de l’Ukraine «d’être un peu plus discrets» lorsqu’ils évoqueraient ce genre de scénarios.
«En ce moment, si vous discutez de tout cela au grand jour, pourquoi Vladimir Poutine se mettrait-il à table puisqu’il obtient ce qu’il veut», a expliqué le secrétaire général de l’OTAN.
Des diplomates européens, informés des discussions, ont déclaré qu’il était peu probable que la «nouvelle version des troupes au sol» en Ukraine recueille suffisamment de soutien pour se concrétiser pour l’instant, mais qu’elle pourrait être réexaminée si des signes plus tangibles d’un règlement d’après-guerre apparaissaient.
Plusieurs d’entre eux ont également mis en garde contre le fait que le format de l’UE des 27 ne serait pas le bon pour discuter de telles options, et que celles-ci devraient d’abord être abordées dans des groupes plus restreints et des formations différentes avant d’aboutir à un concept réel.
Lors d’une déclaration commune avec Emmanuel Macron, le Premier ministre polonais Donald Tusk a estimé jeudi 12 décembre que les «spéculations» sur le déploiement d’une mission européenne de paix en Ukraine devaient cesser, mais a reconnu avoir abordé le sujet avec le président français.
source : Euractiv