La grosse colère de Torreton
Le 15 décembre déjà, dans les colonnes du quotidien Le Monde, Philippe Torreton, porte-parole autoproclamé de l’ultra-gauche socio-cul', sortait les mouchoirs par grappes. Dans un élan grandiose, il rappelait cette mission sacrée des gens de l’art : « Depuis l’aube humaine, nous avons toujours eu à cœur de protéger les artistes afin qu’ils nous peignent, écrivent, chantent, dansent, jouent et rejouent le monde tel qu’il est, tel qu’il pourrait être ou encore tel qu’il a été. » Touche finale de la tragédie torretonienne : « Je ne savais pas qu’en 2024, une telle opinion, un tel mépris envers le monde culturel et associatif pouvait, non seulement se concevoir, mais également s’assumer avec cet aplomb que doit certainement autoriser l’ignorance débridée. » Il n’était que temps d’en appeler aux grands ancêtres, ce dont se chargea avec panache son altesse le directeur de Libération, Dov Alfon : « Le ministre de la Culture Jack Lang […] a imposé l’artiste roi dans la société […] Pour un responsable politique, critiquer l’artiste subventionné, c’était se dévaloriser, se démonétiser. Passer pour ringard ou un censeur […] Aujourd’hui, Lang n’est plus le patron et les verrous sautent. Fini les complexes. Des maires et autres élus n’hésitent plus à dire ce qu’ils pensent de telle ou telle manifestation, voire à imposer leur goût. » Effrayant constat, en effet, qui incite Le Monde à qualifier Christelle Morançais de « "cost-killeuse" présidente des Pays de la Loire ».
Elle a osé toucher au sacré !
Ce torrent de larmes grassement subventionnées ne semble pourtant pas avoir outre mesure ému la vice-présidente d’Horizons, le parti d'Édouard Philippe (le diable ne loge pas seulement au RN), comme en témoignait déjà sa première réaction, sur X, le 12 novembre : « La culture serait donc un monopole intouchable ? Le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public. Je suis la cible de militants qui m’accusent de vouloir arrêter les subventions régionales à leurs structures. À moi seule, je voudrais "détruire la culture" (la culture subventionnée, je précise)… Rien que ça ! »
L’inconsciente que voilà. On touche au sacré, là, tout de même ! Et si Christelle Morançais se contentait de la seule culture… Mais non, nous alerte Le Monde. Il fallait qu’elle s’en prenne au totem absolu de la « révolution sexualiste » : « La fédération régionale du Planning familial a dit dans un communiqué […] avoir appris que la région envisageait dès 2025 "la suppression pure et simple des subventions" qui lui sont versées. » Et sans aucune compassion pour l’évidente désespérance des belles personnes du Planning familial, voilà que l'avocat Gilles-William Goldnadel ose se moquer, sur X : « Bravo Christelle Morançais. Certaines associations sans utilité publique connue vivent dans des pantoufles de rentiers. Quelqu’un qui coupe les vivres au Planning familial [...] et affiche un homme enceint vivant en couple avec une femme à barbe ne peut être mauvais. »
Exagérations chiffrées
Bon, si l’on revient un instant sur la terre ferme, il faut bien convenir que les envolées larmoyantes des idoles subventionnées cachaient aussi quelques exagérations chiffrées. On pardonnera au génie artistique de ne pas briller dans le calcul mental et d’enfumer le tout d’un soupçon de mauvaise foi militante. Car c’est pour la bonne cause. Mais tout de même… Le Monde dut pourtant en convenir et permettre à la diablesse Morançais de corriger les plus voyants des chiffres mensongers des impertinents du spectacle : « Ceux qui circulent sont faux. L’effort des 100 millions d’euros dont tout le monde parle, c’est en réalité 10 % pour la culture et le sport. Nous allons supprimer l’équivalent, sur trois ans, de 10 millions d’euros de crédits. Notre intervention moyenne, en ce qui concerne les festivals et les lieux que nous aidons, est inférieure à 5 % de leur budget. Nous ne sommes pas en train de massacrer la culture à la tronçonneuse. » En auscultant le procès-verbal du vote dudit budget, comme l'a fait Le Figaro, on s’aperçoit par ailleurs que l’objet de tant de frayeurs ne pèse que 100 millions d’euros, sur un budget global annuel de 1,4 milliard. Que les secteurs de la culture et du sport, dont on annonce la réduction charcutière dans d’insupportables souffrances, ne représentent que 10 % des économies annoncées. Et qu’on oublie, enfin, d’ajouter que la région prend elle aussi sa part dans les économies en rognant sur son propre budget de fonctionnement avec le non-renouvellement de 100 postes au sein d’une collectivité qui en compte 4.000.
Évidemment, nous entendons déjà les mauvaises langues nous expliquer que 13 régions votant chacune 100 millions d’économies, cela ferait… non, pas ça… Encore un instant, monsieur le bourreau…