Boris Mabillard, journaliste au Temps, revient du Donbass et a livré ce dimanche son analyse de la situation au quotidien genevois. Inutile d’attendre un tel reportage de la part de la grosse presse française, fidèle petit télégraphiste de l’Otan. Boris Mabillard décrit honnêtement ce qu’il a vu sur le front. Selon le journaliste suisse, pour l’armée de Kiev, la fin est proche. Par ailleurs, « le manque d’armes et de munitions ne suffit pas à expliquer les difficultés des militaires ukrainiens »…
Extraits :
« Côté ukrainien, le manque dicte la tactique, car il y a pénurie: d’armes de tous types, de munitions et de matériel militaire, comme les blindés de transport de troupes. L’armée ukrainienne a fait ce qu’elle a pu avec ce qu’elle avait pour mener cette guerre de tranchées, or elle n’avait, et n’a, quasiment rien au regard de la profusion russe. Les hésitations des alliés de l’Ukraine, Américains et Européens en tête, ont coûté ici de nombreuses vies. Pour autant, l’état-major et le gouvernement ukrainiens ont aussi fait des erreurs dont ils payent le prix, bien qu’ils préfèrent se défausser sur des armes promises qui n’arrivent pas. »
« En comparaison, les Russes savent très bien fortifier leurs positions. La fameuse ligne Sourovikine en est le meilleur exemple. Dès qu’ils avancent, ils s’enterrent, creusent des boyaux souterrains à gauche et à droite de la tranchée principale pour éviter que les drones kamikazes ne parviennent à détruire les galeries souterraines en les pilonnant. Grâce aux drones, cependant, domaine où ils excellent, les Ukrainiens parviennent à freiner la progression de l’armée russe. Cette dernière a déployé des effectifs considérables: les Storm-Z, des repris de justice qui font office de chair à canon, appuyés par des forces très professionnelles. »
« Le recours à des drones toujours plus performants crée en effet une configuration plus favorable aux assauts des fantassins que des blindés. Et dans cette guerre d’infanterie, leur nombre s’avère déterminant: à 5 contre 1, les Russes finissent par avancer. On se souvient des mises en garde, à l’automne 2023, de Valeri Zaloujny, alors commandant en chef des forces armées d’Ukraine: il réclamait alors 450 000 hommes pour 2024, demande qui lui a coûté son poste. La réalité du terrain lui donne aujourd’hui raison, et donne tort à Volodymyr Zelensky. L’armée ukrainienne manque d’hommes et, surtout, d’hommes prêts à se battre. La faute au recrutement et à l’encadrement. »
« Si la situation est mauvaise pour les Ukrainiens sur l’ensemble du front, à Pokrovsk et à Kourakhove, elle est désespérée. Les combattants ukrainiens sont encerclés, les troupes forcées de se replier sous les assauts répétés des Russes, et les soldats obligés de creuser leurs tranchées sous le feu même de l’ennemi. Sans être rapide, la progression russe est continue depuis février dernier, et s’accélère même. Après avoir longtemps minimisé ses pertes territoriales, l’armée ukrainienne admet une situation difficile. «L’ennemi doit urgemment être stoppé et la ligne de front stabilisée», déclarait récemment Nazar Voloshyn, le porte-parole militaire pour l’est de l’Ukraine. »
Pour Boris Mabillard, l’aventure de Koursk a été un succès tactique mais une erreur stratégique : Zelensky et son nouveau chef d’état-major le général Syrsky s’y sont lancés dans l’espoir d’amoindrir la poussée russe dans le Donbass, ce qui n’a pas été le cas, Moscou s’étant adjoint les services de quelque 10 000 soldats nord-coréens pour reconquérir le saillant. Kiev a en revanche dépêché ses meilleures unités dans l’oblast, dégarnissant d’autant le front stratégique du Donbass. Une erreur stratégique majeure qui se traduit quelques mois plus tard par l’accélération de la retraite ukrainienne.
« Au sud et à l’est de Pokrovsk, la poussée russe est énorme: les troupes se concentrent sur le sud du Donbass pour faire craquer la résistance ukrainienne. La région a une grande valeur stratégique et économique. En achevant l’occupation du sud de l’oblast de Donetsk, la Russie pourrait menacer les villes de Dnipro et de Zaporijjia et mettrait la main sur une région minière cruciale pour l’économie ukrainienne. »
La plus importante mine de charbon d’Ukraine, qui permettait au pays de produire l’acier indispensable à l’effort de guerre, a dû cesser son activité le 12 décembre.
La Russie sortira à l’évidence vainqueur du conflit, mais également à l’évidence profondément meurtrie, sans doute autant que l’Ukraine :
« La tactique russe n’a pas de secrets et elle n’a guère évolué depuis la prise de Bakhmout, les drones en plus: il s’agit de tirer profit de la dissymétrie en munitions et en hommes. Ce qui se traduit, sur le terrain, par des bombardements sans fin suivis d’offensives de fantassins envoyés par vagues successives mourir sur les défenses ukrainiennes. La tactique du rouleau compresseur, en somme. »
Que cette guerre entre deux peuples européens ait été sciemment voulue et entretenue par les Etats-Unis et leurs vassaux est tout simplement abjecte. Il serait illusoire de penser que les commanditaires et leurs exécutants serviles en paieront un jour le prix.
Henri Dubost