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Produits halal : le juteux business de la grande mosquée de Paris

@Cédric Sicot/Wikimedia Commons
@Cédric Sicot/Wikimedia Commons
Dans une enquête publiée lundi 20 Janvier et intitulée « Certification halal : la petite cuisine de la grande mosquée de Paris », le quotidien l’Opinion révèle un montage financier très... opaque.

Le 20 décembre 2022, le recteur de la grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a signé une convention avec le ministre du Commerce algérien. Cet accord crée un monopole sur la certification halal : tout produit exporté par un pays de l’Union européenne vers l’Algérie doit désormais, moyennant finances, détenir ce label. Une affaire juteuse au regard du chiffre d’affaires attendu pour 2024 de la société commerciale déposée sous le nom de « grande mosquée de Paris – certification halal » : il se monte à... 5 millions d’euros !

Certification unique

Ce label halal s'étend à une liste très vaste de produits (gâteaux, huiles, produits laitiers, arômes, etc.), dépassant largement ceux prescrits par la loi islamique. « Élargir le halal aux cosmétiques et aux biscuits est un non-sens théologique total », déclare à l’Opinion l’islamologue et président de la Fondation de l'islam de France (FIF) Ghaleb Bencheikh. Toute entreprise souhaitant commercer avec l’Algérie est désormais contrainte de souscrire à cette unique certification. La manne financière est considérable. À titre d’exemple, l’Opinion calcule qu’« en se basant sur les volumes d’exportation de fromages et de poudres de lait français vers l’Algérie (55.000 tonnes en 2023), la facture se monterait à 2,2 millions d’euros en année pleine pour la seule filière laitière française ». Avec 5 millions de chiffre d’affaires prévus pour 2024, la grande mosquée de Paris pourrait donc redistribuer 2,9 millions de résultat d’exploitation pour la « gestion du culte musulman », assure le recteur Chems-Eddine Hafiz, sans aucune traçabilité ni transparence sur l’utilisation des fonds. Alors que l’Algérie importait, en 2022, 14 % de son alimentation depuis la France, le sujet est loin d’être anodin.

Par ailleurs, le rôle des autorités françaises dans ce montage interroge. Officiellement, le ministère de l’Intérieur semble ne pas avoir été mis au courant : « Louis-Xavier Thirode, le conseiller cultes et immigration de Gérald Darmanin, dit avoir découvert cette situation à son retour au ministère de l'Intérieur aux côtés de Bruno Retailleau, en septembre 2024 », explique l’Opinion, mais « les services de la DGSE en avaient connaissance ».

« Un enjeu préoccupant »

L’affaire et son opacité ne manquent pas de faire réagir. Le député RN de la Somme Matthias Renault interpellait, dès lundi soir, la procureur de la République de Paris Laure Beccuau. « La certification étant payante, le système ainsi mis en place, obligatoire pour l’export, s’apparente à un droit de douane entravant la concurrence », affirme le parlementaire.

Le député européen François-Xavier Bellamy (PPE) interpelle, lui aussi, la Commission européenne : « Alors que le gouvernement algérien, lié à la grande mosquée de Paris, multiplie les menaces et les actes d’hostilité envers la France, l’existence de ce financement est également un enjeu de sécurité préoccupant. » Il va jusqu’à qualifier ce système de « rente disponible sans contrôle », tout en demandant des explications sur « l’usage de ces fonds ».

Pour sa part, interrogé par L’Express, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau renvoie vers Bercy, tout en soulignant que « la transparence doit être totale sur le financement du culte musulman, tout comme elle doit l’être sur les produits proposés aux Français ».

L'affaire pose de nombreuses questions. Comment ce label a-t-il pu être mis en place en catimini ? Les autorités françaises pouvaient-elles ne pas être au courant ? Que finance cette manne ? Où est la frontière de ce qui doit être taxé halal et ce qui ne doit pas l’être ? À l’heure des tensions actuelles avec l’Algérie, le sujet est explosif.

Yves-Marie Sevillia

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