En s’appuyant sur des témoignages variés, de Franck Gastambide à Xavier Niel en passant par Jean-Louis Borloo et trois anciens présidents de la République, celui qui a dernièrement reçu l'insigne de chevalier de l'ordre national du Mérite entend contribuer à un changement de regard sur ces territoires. « Nous n'avons pas à rougir, nous faisons partie de la France », veut-il croire.
Énième opération de victimisation
« Pas de leçon à donner. Pas d’utopie à vendre. Pas de misérabilisme à exhiber », se défend Mohamed Bouhafsi, anticipant les critiques. Le jeune homme n’évite pourtant pas l’écueil de la victimisation. Dans la presse, il aime ainsi répéter cette phrase que lui aurait dite son grand-père et qui continue de le hanter : « On m’avait dit qu’en France, les rues seraient pavées d’or ! Mais, très vite, j’ai compris que non seulement les rues n’étaient pas pavées du tout, mais qu’en plus, c’est nous, les Algériens, qui allions devoir les construire. » Pauvres petits immigrés, traînés de force en France pour y bâtir un pays qui, avant leur arrivée, n’était qu’un terrain vague… Un sort d’autant plus cruel que ces valeureux forçats auraient été traités de la pire des manières par l’État français. « On a tout fait pour enclaver les immigrés. On évitait qu’ils apprennent le français pour ne pas qu’ils se syndicalisent, pleurait encore M. Bouhafsi, vendredi 14 février, sur le plateau de C à vous. On a construit des quartiers tout équipés pour les empêcher de rejoindre la ville. »
Comme le dit lui-même le chroniqueur, il s’agissait là de logements flambant neufs, « tout équipés », avec salle de bains, toilettes privatives et chauffage au sol. Ce qu’il ne dit pas, en revanche, c’est l’état d’insalubrité dans lequel vivaient les prolétaires français dans ces mêmes zones, avant le surgissement des grands ensembles, au début des années 1970. Paris était alors bordé de taudis où s’entassaient, dans des constructions de tôle et de carton, des familles pauvres qui ne parvenaient pas à trouver de logement. « Ma famille paternelle est arrivée à Drancy en 1903, quand on y a loti des anciens marécages, se remémore, sur X, un ancien habitant du 93, lui-même né à La Courneuve. 300 mètres carrés de terrain, 3 bicoques, 3 familles, WC dans le jardin pour 10 personnes, pas de salle de bains, on se lave à l’évier de la cuisine. […] Cette réalité-là de la banlieue, ce substrat de petits Blancs ouvriers qui en ont bavé, pas un seul mot dans votre documentaire sur la banlieue. Cet effacement des miens, de mes racines, de mon histoire, je vous le dis, je l’ai vécu comme un affront. »
Culpabilisation à sens unique
Dans son documentaire très partial, Mohamed Bouhafsi fait, en effet, l’impasse sur ceux qui habitaient en périphérie des grandes villes avant l’arrivée des Africains. Le sort des Français de souche, des pieds-noirs et des immigrés européens ne semble guère le préoccuper. Le jeune homme ne se demande pas pourquoi ces populations ont progressivement quitté des quartiers qui étaient, jusqu’alors, véritablement « populaires ». Il est trop occupé à évoquer le rejet dont lui et les siens auraient été victimes. « Zidane est comme un père de substitution. C’est mon héros. Après la demi-finale France-Croatie, pour la première fois, on pouvait s’identifier à quelqu’un qui réussit », avouait encore Mohamed Bouhafsi, sur le plateau de C à vous.
Sans s’en apercevoir, il donne là l’une des raisons de l’échec du « vivre ensemble » : la logique clanique d’une partie de l'immigration extra-européenne, sa difficulté à se reconnaître et à se fondre dans le peuple historique. Une disposition mentale qui explique, aujourd’hui, bon nombre de nos problèmes sécuritaires et identitaires. À tout prendre, c’est peut-être à ce sujet que France 2 aurait dû consacrer un documentaire.