L'Europe, utopie dangereuse
Il a choisi son camp, François Bayrou. Le centriste va manifester sa foi irraisonnée dans une Europe quasi divinisée. Pour lui, avant l’invasion de l’Ukraine en 2022, dans le cadre des relations apaisées entre États, « la prospérité du monde libre se développait ». Les grandes puissances respectaient les grands principes. On avait « la conviction que demain serait plus sûr qu’aujourd’hui », explique Bayrou, qui n'a pas lu les sondages sur l'insécurité en France... Que « les grands ensembles respecteraient les grands principes » : il cite la Russie, l’Inde, même, « à certains égards », la Chine, le Moyen-Orient. « Cette symphonie d’espoirs a volé en éclats en février 2022 » avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, constate Bayrou. Le tandem Trump-Vance a fini le travail la semaine dernière. « C’est la fin de la loi du plus juste, le règne de la loi du plus fort », sanglote Bayrou. La ruine de ces « efforts depuis près de cent ans pour arracher l’humanité à son inhumanité ». L’OMC, l’ONU, la mort des droits de douane, tout cela était si beau et si tranquille. Si naïf, surtout. Bayrou découvre que, même déguisé en agneau mondialiste, homo homini lupus : l’homme reste un loup pour l’homme.
C’est peut-être Andersen qui a le mieux décrit le renversement en cours, dans Les Habits neufs de l’empereur. Il y a bien longtemps, dans un pays lointain, raconte le génial Andersen, vivait un roi qui aimait être bien mis. Il avait un habit somptueux pour chaque heure du jour. Deux escrocs vont lui vendre une étoffe que seuls les idiots ne verront pas. Idéal pour repérer les personnes les plus intelligentes du royaume et écarter les nuisibles. Le roi ne dira rien, par crainte de passer pour un imbécile, ses courtisans non plus, et c’est un enfant qui révélera à tous ce que personne n’osait dire : « Le roi est nu ! » La reine Europe est nue.
Et Bayrou, inconsolable, assure qu’il remplacera le vêtement par un autre similaire. « Nous, les Européens, sommes les plus forts et nous ne le savons pas », assure-t-il, en alignant la supériorité numérique des 520 millions d’Européens face aux 340 millions d’Américains, sa supériorité en armes, en avions, en pièces d’artillerie. Mais les USA, la Chine, la Russie sont puissants parce qu’ils sont des États forts et anciens. Le contraire de l’Europe. La France a abandonné bien des atouts de la souveraineté dont l’avait dotée de Gaulle. Macron semble aujourd'hui prêt à céder les derniers vestiges de ce qui reste de cet atout majeur.
Le Pen et l'intérêt national
Mais Bayrou n'en démord pas, il veut poursuivre dans la voie qui nous ruine : « L’UE est pour nous le seul chemin et la seule stratégie possible. »
Dans la foulée, Marine Le Pen a eu beau jeu de rappeler, à l’Assemblée, ce qui guide et doit guider une nation : l’intérêt... national, deux mots absents de la bouche de Bayrou. L’intérêt de la France et des Français. Elle en appelle au « réalisme », à la traditionnelle « indépendance » de la France, à la fin du « grand écart » et de « la politique de Gribouille » macronistes. Pourquoi l’Europe serait-elle le seul continent à s’interdire toute réflexion stratégique alignée sur ses intérêts, interroge la patronne du groupe RN à l’Assemblée. Elle réclame une conférence de paix avec des nations européennes qu’elle cite une par une, « sans les instances supranationales », comme l’OTAN ou l’UE.
Alors que les cartes du jeu diplomatique sont rebattues à grande échelle, le rêve funeste de l’écrasement des nations fait face à leur retour et, avec lui, au retour de l’intérêt des peuples. La scène de la Maison-Blanche place les dirigeants et les électeurs au pied du mur et impose le seul vrai choix : redresser la France ou finir de la dissoudre.
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