Bayrou dans les mains d'Olivier Faure
Une fois n'est pas coutume, c'est le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui a été le plus clair, dans son interview au Parisien de vendredi : « Si François Bayrou continue à mépriser le Parlement, ses jours à Matignon sont comptés. » Si Olivier Faure menace, c'est qu'il a son congrès en perspective, c'est qu'il essaie d'exister entre Mélenchon, Hollande et Glucksmann, et c'est aussi qu'il fut le faiseur de François Bayrou. En échange de la non-censure, il avait obtenu que la réforme des retraites soit remise sur la table. Or, le « conclave », donné comme os à ronger aux syndicats et au PS, patine et Bayrou a fermé la porte à un retour aux 62 ans comme âge de départ. C'est l'occasion qu'a saisie Olivier Faure pour déclarer que « la question de la censure du gouvernement se repose à nouveau ». L'alliance Macronie-PS a tenu un trimestre. Un trimestre d'immobilisme. Il suffit que le PS rejoigne ses petits camarades de LFI, comme il sait si bien le faire le temps d'une alliance électorale, d'une manif ou d'une censure, et le sort de Bayrou sera scellé.
Wauquiez offensif à l'Assemblée
Immobilisme : c'est précisément l'arme fatale qu'a dégainée, cette semaine, Laurent Wauquiez, patron des députés LR. Ce mardi 18 mars, il a interpellé le Premier ministre lors de la séance des questions au gouvernement. Une question en forme de réquisitoire en inaction. « Nous avons reçu le programme législatif de votre gouvernement pour le semestre à venir, et il n’y a rien », a attaqué Wauquiez. Et le lendemain, sur CNews : « Je ne veux pas que la droite soit au gouvernement pour être la caution de l’immobilisme du Premier ministre. » C'est que Laurent Wauquiez a, lui aussi, un agenda personnel : présidence du parti où il a, face à lui, un certain Bruno Retailleau. Et son raidissement à l'égard de Bayrou ne serait qu'une façon d'atteindre son rival, accusé de beaucoup parler mais de peu obtenir, en matière migratoire. De là à aller jusqu'à censurer Bayrou et à joindre les voix LR à celles de la gauche et du RN ? Interrogé par Le Monde, un député proche de Wauquiez en écarte l'idée : « On ne va pas faire tomber un gouvernement avec des ministres LR comme Annie Genevard, Yannick Neuder ou Bruno Retailleau », concède Ian Boucard. La possibilité pourrait paradoxalement leur en être donnée par la démission de Bruno Retailleau lui-même, même s'il l'a écartée vendredi. Un clash sur l'Algérie avec Bayrou et Macron serait tout bénéfice pour Retailleau et Wauquiez, tellement l'opinion soutient la ligne de fermeté. Ils doivent y penser en se rasant.
Marine Le Pen, mécontente de Bayrou
Last, but not least : c'est bien Marine Le Pen qui détient l'épée de Damoclès décisive. Elle, aussi, a un agenda personnel : celui du verdict de son procès le 31 mars avec, à la clef, une potentielle inéligibilité. La chef des députés RN a choisi, elle, le dossier de la politique énergétique du gouvernement pour lancer sa menace. En effet, le RN s'oppose à la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) que l'exécutif va faire passer par décret. « Celle-ci prévoit, selon Les Échos, de ramener les énergies fossiles à 30 % de la consommation finale énergétique en 2035. Dans ce cadre, RTE, le gestionnaire public de transport de l'électricité, devrait investir près de 100 milliards d'euros, d'ici à 2040, pour rénover l'ensemble du réseau, dont environ 40 % pour le raccordement des fermes éoliennes offshore, son premier poste de dépenses. » Pour le RN, hors de question de laisser passer un tel plan sans regard du Parlement : « S'ils mettent en oeuvre ce plan de 37 milliards d'euros de RTE pour raccorder les éoliennes en mer par décret, sans passer par le vote, je vais me fâcher ! », s'est-elle agacée, dans Le Figaro Magazine, après avoir déclaré : « Bayrou, il commence à m'énerver. »
Les jours de François Bayrou à Matignon sont comptés, et c'était écrit depuis le début. Sentant la tenaille des censeurs se refermer sur lui, il a tenté de repousser l'accusation d'immobilisme en envoyant, ce samedi, une lettre aux chefs de groupes et aux présidents des assemblées. Mais la question n'est plus seulement « quand » mais « par qui et sur quoi » tombera-t-il ? La date de péremption peut être fixée à fin juin, quand le président de la République aura recouvré son droit de dissolution. C'est évidement cet agenda-là que tous ont en tête. Avec la volonté de retourner aux urnes. Et de décrocher une majorité. Ou, à défaut, si de nouvelles législatives accouchaient d'une nouvelle chambre ingouvernable, d'obtenir la démission du président de la République, premier responsable du chaos politique actuel.