Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Condamnation de Marine Le Pen : la colère des électeurs, clé de l’avenir

Capture d'écran TF1
Capture d'écran TF1
Marine Le Pen ne pourra donc pas se présenter à l'élection présidentielle de 2027, alors que 37 % des électeurs selon les derniers sondages s’apprêtaient à voter pour elle. Les magistrats lui reprochent d’avoir mis en place un « système » de financement frauduleux du parti qu’elle présidait. C’est un tremblement de terre politique. Un coup de massue pour la candidate RN, bien sûr, et pour son parti mais surtout pour les Français qui souhaitent une victoire du RN. Ces Français, qui espèrent balayer un autre système, représenté par Emmanuel Macron, voient le scénario présidentiel qui se dessinait balayé en quelques instants par trois juges.

Marine Le Pen est privée de sa quatrième campagne présidentielle, après plus de trente ans de combat politique, alors qu’elle fait figure de première opposante à Emmanuel Macron et aux partis qui se partagent le pouvoir depuis quarante ans. Cette situation estomaque les responsables politiques et la presse de droite dans le monde entier.

Mais ce sont les Français, notamment ceux qui s’apprêtaient à voter pour Marine Le Pen, qui sont les plus concernés. Eux ont de quoi être amers, écœurés, floués ou furieux, selon les tempéraments.

Pas d'affaire pour le contribuable français

D’abord parce que les raisons de la condamnation sont ubuesques. Le contribuable français finance nolens volens les partis politiques français et européens. L’Europe coûte par ailleurs à la France chaque année dix milliards d’euros nets, soit la différence entre ce qu'elle verse et ce qu'elle reçoit. Or que reproche l’Europe au RN ? D’avoir fait travailler les salariés FN des parlementaires européens, rémunérés par l’Europe (donc indirectement par la France…) pour le FN français, rémunéré par la France. Pour les contribuables français, il n’y a donc pas d’affaire des assistants parlementaires : qu’ils travaillent pour le RN européen ou pour le RN français, la facture est la même. Le constat vaut aussi pour les autres partis pris dans cette mécanique, notamment le Modem. Marine Le Pen ne s’est pas enrichie, mais le Parlement européen, organe majeur de l’Europe supranationale, n’a pu bénéficier de 100 % du temps des collaborateurs qu’il emploie. Le Parlement européen réagit vis-à-vis de ces partis français comme un pays réagirait vis-à-vis de partis vendus à l’ennemi. Soyons clairs : en partageant le temps des assistants parlementaires entre l’UE et la France, le RN a commis une erreur : la décision le montre. Mais cette faute valait-elle la punition suprême, celle de l’arrêt brutale des ambitions présidentielles de la principale opposante au système mondialiste ? Poser la question, c’est y répondre, estimera l'essentiel de la France de droite.

Par ailleurs, pour les électeurs du RN, l’affaire apparaitra cousue de fil blanc. Le moment de la décision, les peines réclamées, tout cela tombe bien, vraiment très bien pour éloigner le risque d'une prise de pouvoir de la fille de Jean-Marie Le Pen, constateront les électeurs. Tellement bien que le RN est privé de sa candidate à l’élection clé du système français, alors qu'elle n'avait jamais eu, à ce jour, autant de chances de l'emporter. Les mêmes remarqueront que le RN subit de la part des partis de gouvernement et de la gauche une opposition hors normes depuis des mois : la mise en place d’une alliance anti-RN qui va de l’extrême gauche LFI à LR lors des dernières législatives, l’arrêt autoritaire d’une chaîne, C8, considérée comme proche de l’opposition et désormais l’élimination de la principale opposante politique. Des éléments qui viennent après bien d’autres : le refus des banques de financer le RN, par exemple. Pour l’électeur RN, le système gouverne mal mais se défend rageusement, considérant que la fin justifie les moyens.

La gauche se réjouira de cette issue judiciaire et répètera que Marine Le Pen n’est pas au-dessus des lois, elle espèrera que le coup porté au RN signe la perte du seul parti anti-mondialiste qui ait aujourd'hui ses chances aux présidentielles. Ou du moins que le RN, blessé, ne s’en remettra pas et sera affaibli au moment d'entamer la course présidentielle. Qu’une partie des électeurs, attachés à la personnalité de Marine Le Pen, ne reporteront pas si facilement leurs espoirs sur Jordan Bardella, trop jeune, trop inexpérimenté. Que l’image de la condamnation et de sa présidente affectera l’image d’honnêteté du parti.

J.D. Vance avait-il raison ?

Mais le calcul pourrait vite montrer ses limites. L’électeur RN a peu de chance de réagir sagement et d'enterrer la hache de guerre en souhaitant bonne chance à la gauche. La droite RN ne défilera pas dans la rue, ne brûlera pas les magasins et les voitures, ne cognera pas sur les CRS, certes. L’abstention gagnera peut-être les plus désespérés par la vie politique française. Mais pour les autres, le sentiment d’injustice, d’inégalité, la disproportion entre les faits et les peines, l’irritation de se voir privé de leur candidate dans une démocratie soi-disant exemplaire, la colère suscitée par un espoir politique empêché par les juges sur des motifs incompris peut alimenter une rage de vaincre, derrière un candidat RN quel qu’il soit. Marine Le Pen dira ce lundi soir sur TF1 si elle abandonne la politique ou si elle compte se mobiliser plus fortement encore derrière le candidat de son parti.

Car dans un pays inflammable, comme l’a montré notamment la révolte des Gilets jaunes, cette décision inédite dans la vie politique de la Ve République peut avoir l’effet inverse de celui qui était recherché. Car jamais la présence de ce que la France de droite appelle « le système » n’a été aussi tangible, aussi brutale et aussi injuste. La France reste en effet un pays révolutionnaire et les conditions de la révolte s’accumulent.

A Munich, JD Vance avait lancé, après de nombreux et graves reproches adressés à l’UE et aux pays qui la composent, ces mots sur la liberté d’expression et du jeu démocratique  : « On ne peut pas remporter un mandat démocratique en censurant ses opposants ou en les jetant en prison – qu’il s’agisse du chef de l’opposition, d’une humble chrétienne qui prie chez elle ou d’un journaliste qui tente de faire son travail ». Des mots qui résonnent étrangement aujourd’hui.

Marc Baudriller

Écrire un commentaire

Optionnel