« C'est rien, c'est des conneries »
En 2012, Jérôme Cahuzac, alors ministre du Budget et spécialiste reconnu de la fiscalité, déclara « les yeux dans les yeux », d’abord à Jean-Jacques Bourdin (compagnon d’Anne Nivat, au passage), puis, carrément, devant la représentation nationale, qu’il n’avait pas de compte en Suisse, « à aucun moment », et ce, dans un contexte de chasse à l’évasion fiscale. À François Hollande, président de la République, il ne mentit pas « les yeux dans les yeux » puisque lorsque ce dernier lui demanda ce que c'était « que cette histoire », il aurait répondu : « C'est rien, c'est des conneries. » C'est un point de vue. Il dut, finalement, avouer le contraire : il avait, en réalité, placé 600.000 euros sur un compte suisse, puis les avait transférés à Singapour. Deux ans plus tard, son ex-femme, un peu mesquine, révélait qu’un autre compte, provisionné de 2,5 millions d’euros, se trouvait sur l’île de Man - autre paradis fiscal. Condamné, en 2018, à deux ans d’emprisonnement ferme, 300.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité pour blanchiment d’argent et fraude fiscale, le docteur Cahuzac a purgé sa peine sous bracelet électronique avant d’essayer de revenir en politique lors des législatives de 2024, sans beaucoup de succès, disons-le : il fut balayé au premier tour. Anecdote amusante (et un peu éclairante, aussi) : c’est Éric Dupond-Moretti (lui aussi militant de gauche et peu soucieux de ses fins de mois) qui avait défendu le bon docteur.
L'amour vache pour les chiens
Jérôme Cahuzac, militant socialiste depuis la fin des années 70, mais aussi chirurgien esthétique de renom, amateur de montres de luxe - c'est son droit le plus strict -, n’est peut-être pas le mieux placé pour parler de cohérence entre les paroles et les actes, même si l’on choisit de ne pas se focaliser sur cette célèbre affaire judiciaire. Prenons donc quelques autres exemples. Dans les années 2000, il employait sans la déclarer une femme de ménage sans papiers dans sa clinique et la payait en liquide. Son avocat avait plaidé « une erreur, une négligence ». Des choses qui arrivent. On pourrait aussi évoquer son « jeu trouble », pour reprendre un titre du Parisien de 2013, avec l'industrie pharmaceutique dans les années 90, lorsqu'il était au cabinet de Claude Évin. Mais c'est vieux, tout ça.
Clou du spectacle, qui en dira suffisamment sur sa vision de l’exemplarité, celle « que tous les Français devraient avoir en commun », comme il le dit très justement : en 2005, une association d’aveugles avait confié temporairement l’un de ses chiens à Jérôme Cahuzac. Il faut croire que Bucky (c’était le nom du golden retriever) plaisait à ses maîtres, car l’exemplaire homme politique, au cours de l’été de la même année, déclara le chien perdu, alors qu’il avait simplement choisi de le garder pour lui, caché dans sa maison de vacances, au lieu de le rendre à un aveugle qui en aurait eu besoin. L'amour vache pour les chiens.
Alors, non, en effet, comme dit Sébastien Chenu sur X, « on n’avait pas vu venir » Jérôme Cahuzac en arbitre des élégances morales. Un tel aplomb est épatant.