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[ÉDITO] Gérard Miller : un donneur de leçons dans de sales draps

Miller
Il faut relire d'urgence Molière. On vous laisse deviner quelle pièce a, ce soir, notre préférence.
On ne présente plus Gérard Miller, psychanalyste, chroniqueur, professeur, scénariste, donneur de leçons et toutes sortes d’autres choses. Un abbé de cour médiatique, très en vogue, de longues décennies durant. Sa spécialité : non pas l’exorcisme mais l’hypnose. Il appartient à cette Église qui n’eut jamais trop à souffrir des catacombes et qui imposa ses dogmes infaillibles à la société française au mitan des années 60. Mai 68 fut sa Pentecôte. Ça tombe bien, Gérard Miller, né en 1948, avait donc, en toute logique, vingt ans en 1968.

De tous les combats de la gauche

Ce natif de Neuilly-sur-Seine (tout le monde n’a pas l’élégance d’être né à l’ombre d’un coron) fut de tous les combats de la gauche et de l’extrême gauche, depuis que l’Esprit souffla sur la société post-gaullienne, en passant par les Jeunesses communistes marxistes-léninistes, la Gauche prolétarienne (chose naturelle, pour un fils de bourgeois), le maoïsme, le soutien à Mitterrand et consorts pour finir chez le pape Mélenchon dont il fut un certain temps (un temps certain) le « compagnon de route », comme on dit dans ce petit monde : « compagnon », c'est plus chic que « concubin », réservé au peuple. Certes, il a pris ses distances avec LFI mais en 2023, dans le salon, non pas de Madame de Genlis, mais de C ce soir, sur France 5, l’abbé Miller y expliquait (sans rire) que « Jean-Luc Mélenchon ressemble beaucoup plus à sœur Emmanuelle qu’à Che Guevara ». La ressemblance nous avait jusqu’alors échappé. Tout révolutionnaire qu’il est, l’abbé Miller n’en accepta pas moins, en 1993, d’être distingué, non point d’une barrette de chanoine, mais par le ruban bleu de l’ordre national du Mérite. Tout cela était jusqu’alors d’une grande distinction.

Comme souvent, il paraît qu’on n’avait rien vu venir

Et puis, l’an passé, on commença à évoquer, non pas la faute, mais les fautes présumées de l’abbé, non pas Mouret mais Miller. En janvier 2024, le magazine Elle publiait l’enquête des journalistes Cécile Ollivier et Alice Augustin. Dans cet article, plusieurs femmes témoignaient d’agressions sexuelles et d’un viol perpétrés par le célèbre psychanalyste, lors de séances d’hypnose. Après cet article, Elle reçut des dizaines d’autres témoignages. Miller avait reconnu des relations « inégalitaires » mais « consenties ». « Qu'en termes élégants, ces choses-là sont dites ». À ce moment-là, pas de collectif pour demander que lui soit retirée sa décoration, comme ce fut le cas pour l’autre Gérard (Depardieu), présumé à l'époque innocent, comme du reste Miller aujourd'hui. Mais bon, on ne va pas comparer : Gérard de Châteauroux est un rustre, Gérard de Neuilly est un homme exquis. C’est comme ça. Comme souvent, il paraît qu’on n’avait rien vu venir. Ou rien voulu voir. Sa vieille copine, la très féministe Isabelle Alonso, avait bien concédé, dans une interview à Mediapart, qu’à la fin des années 90, alors qu’ils étaient tous deux chroniqueurs à France Inter, qu’« on le chambrait souvent pour sa façon de repérer des jeunes filles dans le public et d’aller les brancher pendant les pauses ». L’époque qui voulait ça, sans doute. D’ailleurs, poursuivait-elle, « il avait le comportement typique de l’état d’esprit post-soixante-huitard de drague systématique, porteuse d’une révolution sexuelle à sens unique ». On pensait pourtant que Mai 68 était l’épiphanie du féminisme rimant avec gauchisme.

Un peu plus d’un an après cette enquête, les deux journalistes d’Elle en remettent une couche, avec un livre intitulé Anatomie d'une prédation. Comme le rapporte Le Point, « Gérard Miller [est] accusé par plusieurs dizaines de femmes d'agressions sexuelles et de viols, des actes qu'il aurait commis, a minima, de 1988 à 2020 ». On vous passe les détails sordides rapportés par l’hebdomadaire. Certains faits sont prescrits, mais ce n’est pas le sujet de cet édito. Gérard Miller ? C’est bien celui qui s’insurgeait, sur le plateau de C ce soirdans une sainte et belle colère, en évoquant l’affaire Darmanin (la plainte pour viol classée sans suite) : « Lorsqu’une femme s’est plainte du ministre de l’Intérieur, est allée en justice, le ministre est resté ministre de l’Intérieur et vous allez donner des leçons à la LFI ! » Magnifique. Il faut relire d'urgence Molière. On vous laisse deviner quelle pièce a, ce soir, notre préférence.

Georges Michel

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